Lausanne-Servette : 2-5. Retour sur un match d’exception

Londono à terre devant les servettiens! Si Oscar a changé de camps, il a troqué son maillot blanc par un grenat. Prémonitoire? Photo : Eric Lafargue

Il est de ces matchs qui sont dans les coeurs à jamais et qui marquent l’histoire d’un club. Ce Lausanne-Servette du 2 juin 1999 en est le plus bel exemple. Non seulement pour le titre de Champion Suisse obtenu, mais surtout dans la manière d’aborder et de gérer ce match importantissime! Alors, Bis repetita ce soir au Cornaredo?

Puisse les joueurs s’impreigner de ce match et de l’état d’esprit de leurs « aînés ». Pour écrire l’histoire…

Retour vers le passé

Daniel Visentini (Tribune de Genève du 3 juin 99)

CHAMPIONS. Champions dans le geste et dans la forme. Dans la tête et sur le terrain. Champions au terme d’une folle soirée, d’un épilogue que les plus fidèles supporters n’avaient osé rêver. Oui, champions de Suisse, Servette. Un titre qui ne souffrira d’aucune discussion après la folie d’un match disputé à la Pontaise. Servette était obligé de gagner. Il l’a fait avec un panache qui dépassait peut-être même les espérances de Gérard Castella, l’entraîneur comblé. Et qui empoche avec son équipe un 17e titre qui s’est dessiné avec deux réussites venues d’ailleurs part, toutes deux signées Vurens. Un titre qui récompense une saison exemplaire. Un titre amplement mérité!

Douche froide

Cela avait commencé pourtant dans la douleur dès les premières secondes de jeu. Gerber, en alertant Pantelic quelques secondes après le coup d’envoi sonnait la charge lausannoise. Servette s’y attendait bien. Mais la fougue vaudoise du début de rencontre ne laissait pas aux Genevois le temps de reprendre leur souffle.

L’autre poison de l’attaque lausannoise, Thurre, se signalait aussi. Le tout sous une pluie diluvienne qui, croyait-on, interdirait les gestes techniques. Erreur. Cette finale du championnat, malgré les conditions, tenait toutes ses promesses. Et cela ne tardait pas à se concrétiser au tableau d’affichage. Mais pas pour les Servettiens. Non, Lausanne se voulait conquérant. Il allait trouver la brèche dans la défense adverse à la neuvième minute. Par un coup-franc de Diogo. Une balle bottée au second poteau par le Vaudois et qui filait sous le nez de Ouadja pour rebondir dans les cinq mètres et fuser dans les filets de Pédat. Aïe!

Pour une entrée en matière, cela relevait de la douche froide. Mais ce sont peut-être ces instants troubles qui suivaient cette réussite précoce qui allaient rendre un fier service à la troupe de Gérard Castella. « L’enjeu ne doit pas tuer le jeu », aime à répéter l’entraîneur genevois. La crispation du débit de partie balayée par ce coup de massue, les Servettiens n’avaient d’autres choix que de réagir ou sombrer.

Il faut être sûr que le bateau « grenat » sait naviguer. Castella, à raison, insistait sur l’importance capitale du mental. Et de l’esprit de cohésion, ciment indispensable d’une formation qui lutte pour le titre. La retraite à Lavey-les-Bains s’inscrivait dans cette optique. Castella avait ô combien raison. Et en choisissant Petrov et Vurens pour animer le secteur offensif, il a une nouvelle fois tapé dans le mille.

Deux coups de génie

Car Servette n’a pas sombré. Oh non. Au contraire, il s’est réveillé et, sur deux coups de génie de Vurens, une fois servi par Petrov et une autre par Fournier, il a retourné la situation à son avantage. Mieux, un penalty obtenu par Petrov et transformé par ses soins (1er but pour le Bulgare, mais tellement important), donnait deux longueurs d’avance aux Servettiens. Un coup de tonnerre dans le ciel de la Pontaise. Symbolique! Rageur! Et comme par enchantement, alors que le déluge avait accompagné l’ouverture du score lausannoise, c’est le retour d’un soleil bienveillant qui saluait la prise du pouvoir de Servette. Il fallait y voir un signe.

Lausanne ne s’en remettra pas. Même si le but de Pantelic, qui reprenait un tir de Celestini renvoyé par Pédat, ouvrait la perspective d’un retournement de situation. Même si, en pressant et en jetant toutes ses forces dans la bataille, Lausanne s’évertuait à impressionner Servette. Cela sentait le k.-o.

Quel sacre!

Vurens avait déjà mis à jour les carences de l’axe défensif vaudois en première période. A peine de retour sur la pelouse de la Pontaise, il appuyait à nouveau là où ça fait mal! Deux ou trois dribbles dont il a le secret, et un tacle aussi soudain que précis: il logeait la balle contre le poteau d’un Brunner impuissant.

Et dire que certains ne se privaient pas pour fustiger le manque de réalisme de Servette. De soulever certains choix tactiques. Balivernes à la vue de cette ultime rencontre. Castella a travaillé avec les moyens dont il disposait. Et il a tiré le maximum d’une équipe qui a brillé de mille feux hier soir. D’ailleurs, histoire de clore les débats, Vurens s’échappait une ultime fois pour servir Petrov au second poteau: 1, 2, 3, 4, 5 à 2. Quel sacre!

Le retour du phoenix

Même si nous ne vivons plus dans le même siècle, même si le club a changé, même si le football en lui-même a évolué, il y a une chose qui ne changera jamais : l’Esprit servettien!La communion avec les supporters, avec le coach, le staff technique et l’équipe n’a sans doute jamais été aussi forte.

L’esprit des Charmilles (et de Léo!) avait sauvé les Charmilles d’une triste fin, l’esprit de l’équipe, le 2 juin 1999, avait porté le SFC vers les sommets. Il se pourrait bien qu’en 2011, l’amour des supporters pour leur club redonne ses lettres de noblesse au Servette FC. La boucle sera bientôt bouclée, il faut y croire !

Tel un phoenix qui renaît de ses cendres, le Servette FC sera bientôt de retour. Il l’est déjà dans le coeurs de tous les Genevois…

Julian Karembeu