L’histoire des Charmilles a définitivement pris fin…

Dans quelques minutes, l’ancienne tribune nord du Stade des Charmilles n’existera plus. La pelleteuse éclaire de ses deux yeux le béton désamianté, désarticulé où jadis figurait en bonne place une réclame du cinéma Plaza, lui aussi disparu. Le couloir par lequel s’élançait les stars d’autrefois s’est effondré tel un château de cartes et ce long tunnel donnant accès à la pelouse, n’est plus qu’un trou béant…

Aujourd’hui j’arriverai en retard au travail. Descendant la Rue de Lyon comme à mon habitude, je jette un oeil distrait à l’ancien Parc des sports ou du moins à ce qu’il en reste. Depuis des mois, rien ne laissait paraître, mais aujourd’hui les phares des machines s’acharnant sur l’ancienne maison grenat sont venus éclairer un matin de brouillard. Je n’ai pas pu résister. J’ai contourné la scène, remonté par le Chemin des Sports, arrêté mon scooter et sorti mon portable comme si ces images volées devaient être les dernières du vieux temple. Quelques jeunes, trainant les pieds à l’approche de leur école, me regardent dubitatifs. Ils ignorent sans aucun doute l’histoire qui prend fin aujourd’hui. Il est vrai que photographier un bout de mur et une pelleteuse peut laisser songeur, voire moqueur…. J’ai été saisi à la gorge. Non pas que je sois nostalgique au point de vouloir conserver à tout prix une ruine au mépris du parc qui bientôt verra le jour. Non. En vérité, j’ai replongé dans le passé. Je me vois enfant, marchant main dans la main avec mon père du quartier de Sécheron jusqu’au stade. Comme c’était long pour mes petites jambes! Maman nous avait préparé des sandwichs et mon père faisait obligatoirement une halte au bistrot pour boire une bière. J’en garde une profonde sensation d’euphorie d’être porté par la foule « montant » au stade, comme un ruisseau grandissant, devenant fleuve et enfin marée aux abords des entrées!

Comme le stade était grand pour l’enfant que j’étais, comme les joueurs étaient vieux à mes yeux, aussi!!! Il y avait cette chanson de Claude Selva, forcément ridicule aujourd’hui, qui reprenait le thème  » allez Servette ». La vieille horloge et le Totomat où l’on suivait les scores de nos adversaires. C’était une époque où les spectateurs se déplaçaient d’un but à l’autre, pariant sur qui allait marquer et tentant d’être le mieux placé! Nous, les enfants, on aimait surtout taper dans le ballon. On s’approchait du bord du terrain quand la foule explosait de joie ou criait de dépit. Je n’ai jamais entendu à cette époque quelqu’un qualifier l’arbitre selon ses préférences sexuelles…. Je pense à Georges Haldas, à sa  » Légende du football « . À sa manière de raconter son stade, son équipe. Je pense aussi qu’il approuverait le fait qu’il y ait un temps pour tout. Un temps pour imprégner sa mémoire, un temps pour s’en rappeler, sans remords ni regrets, juste avec le sentiment d’avoir vécu une émotion partagée par des milliers d’inconnus, perdus dans la foule du Stade des Charmilles à jamais disparu…

Gatito

44 réflexions sur « L’histoire des Charmilles a définitivement pris fin… »

  1. C’était un beau stade, on pouvait se déplacer, être proche de la pelouse. Quand les joueurs tiraient à côté, le ballon claquait contre les panneaux publicitaires…
    Tu parles du chemin du stade, pour moi c’est la grande pelouse entre la Caisse suisse de compensation (parking souterrain) et l’avenue de Châtelaine, j’aimais bien aussi la rampe qui montait pour accéder aux tribunes. Plus tard, je me souviens du bus 42 (direction Les Esserts) qui ne passait pratiquement jamais…
    Et puis bien sûr aucun expert en marketing n’aurait pu dénicher un nom aussi évocateur, si proche du football chatoyant que Servette a si souvent distillé.
    Ah, j’oublie : les odeurs de grillade. Je ne peux plus en sentir sans les associer aux Charmilles…
    Une grosse boule au coeur et beaucoup de nostalgie. Et dire qu’on risque encore de perdre l’équipe…

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  2. Très bel article, bravo!
    C’est le dernier vestige d’une époque dorée qui s’effondre. Un peu comme si le vrai Servette avait disparu à jamais avec… Pour ne vivre finalement plus que dans nos souvenirs..
    Le vrai… Pas celui des dirigeants actuels, proche de l’imposteur honteux…

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  3. Merci beaucoup pour vos commentaires. GrenatDC, je ne crois pas que l’époque dorée soit perdue à jamais. Chaque génération vit la sienne. Quand je vois mon fils, aujourd’hui membre de la section grenat et moi, dans la « section prostate (!!!) » un peu au-dessus de lui dans la même tribune, je me dis que tant qu’il y aura des supporters, il y aura de la passion et de l’émotion! L’histoire s’écrit au présent, elle se raconte au passé et se rêve au futur!

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  4. Merci pour ce moment d’émotion à la hauteur de toutes celles vécues dans ce stade mythique.
    Plus personnellement, un immense Merci à Papa pour m’avoir offert tout ces instants de bonheur.

    PS : tu as oublié l’odeur du Mecarillo ! ;O)

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    1. On parle comme les vieux, mais il y a une quarantaine d’années, il y avait moins d’argent, on était amateur et on allait avec plaisir au Servette FC.
      GEGEON tonton

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  5. très bel article. félicitations et merci.
    avec quelques matches mythiques : la victoire contre liverpool en 1970, le derby contre LS 6-2 vers 1967, l’épopée coupe d’europe avec wilson oruma il y a une dizaine d’années, etc…

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  6. Les chiottes über-cult, le tir de « Charly » Karlen de 25m dans la baraque à Kebab ainsi que le lancer de frites au pauvre commentateur Pierre T. pour ne pas le nommer font parties de qq souvenirs mémorables….

    😉

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  7. Et bien c’est pareil pour moi, je me souviens du long chemin qui séparait la rue de la Servette au stade des Charmilles et que je faisais avec mon père quand j’étais tout petit. Je me souviens de voir certains voisins sur le chemin et il y avait une certaine excitation dans l’air. Je vous parle de la fin des années 80 début 90. Je devais avoir 5 ou 6 ans la première fois et je m’en souviens encore!!

    L’odeur des saucisses avec une belle tranche de pain et de la moutarde est encore bien présente, plus tard les kebabs puis la faillite.

    A présent, moi aussi je me positionne au coeur de la SG, mon père dans la tribune prostate un peu plus haut tout comme gatito. Ce que je trouve un peu triste c’est qu’un jour il est descendu dans la SG a la mi-temps pour discuter mais a senti (de son propre aveu) certains regards limite genre « qu’est ce qu’il fout la le vieux » de la part des plus jeunes et ca c’est très dommage car cela fait 45 ans qu’il supporte le Servette et il devrait se sentir tout sauf indésirable au coeur de la SG.

    Tout ca pour dire aux plus jeunes que le SFC a plus de 120 ans et que l’exclusion n’a pas sa place chez nous quelle que soit la couleur, l’age ou la confession.

    Laissons aux enfants qui viennent au stade des souvenirs aussi mémorables que ceux que nous sommes tant à avoir c’est à dire un endroit ou nous sommes tous ensembles, unis par et pour le Servette et ou tout le reste n’a aucune importance.

    Merci Servette!!

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  8. Je n’ai que trop peu connu les Charmilles , j’aurais aimé y passer plus de temps , y voir plus de match .
    Cela reste malgré tout le premier théâtre de mes rêves , le coeur de ma passion d’aujourd’hui et de demain, le lieu ou mon coeur vira grenat pour toujours.
    Mon cousin m’y emmenais quand j’étais petit voir mes premiers matchs , des Servette-Herta-Berlin , des Servette-Valence mais aussi un certains Servette-Sion ou j’y ai appris mon premier chant fier comme un pan: »Nous chions sur le FC Sion! »
    Cette époque est loin pour moi mais quand je parle de foot les premiers souvenirs me venant en tête sont ceux du Servette rivalisant avec les meilleurs , et jouant les coupes européennes.
    Grenat dans le coeur , je suis sûre que Servette vivra encore de grandes heures, maintenant reste a assainir notre direction et rester derrière notre équipe encore et toujours pour retrouver l’image d’un des meilleures club Suisse.
    PS: Belle article Gatito.
    Vive Servette!

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  9. Superbe article,j’ai encore en mémoire mon premier gros
    souvenir aux Charmilles,le Servette-Liverpool de 71.Que
    de moments d’émotion et de bonheur ces Charmilles pour
    tous les supporters grenats.Cela fait du bien de penser a
    tout cela,avant le tsunami qui risque de tomber sur notre
    équipe.

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  10. je prend le bus 22 pour tous les matches a Stade De Geneve, et j’ai toujours aimer voir l’ancien Stade des Charmilles sur la route… ca va pas etre la meme chose maintenant qu’il n’est plus la!

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  11. le terrain appartient à la fondation hentsch, très riche famille de banquiers genevois, dont le grand père joua dans l’équipe première de SFC. si benedict hentsch pouvait donner lui et ses amis banquiers un petit coup de pouce au SFC…..

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  12. J’ai 66 ans… j’en avait 5 en 1951 lorsque je montais au stade des Charmilles avec mon père, alors trésorier du Servette FC. Une joie immense de vibrer et d’admirer Fatton, Ruesch, Dutoit, Mouthon, Pasteur et Tamini… Le fanion de Servette vainqueur de la coupe en 49 trône encore dans mon bureau… Puis ce fut le temps de l’adolescence 1959, 60,61 : Magnifique Servette, des Charmilles pleins à craquer à chaque match !
    Merci Jean Snella !! Le rêve passait à nouveau avec Schneider, Barlie, Maffiolo, Roesch, Meylan, Mackay, Heuri, Paszmandy, Bosson, Robbiani, Pottier Desbiolles, Andrey et tant d’autres….. Puis lâge adulte avec la fableuse équipe de 1978 !Oui, merci magique stade des Charmilles, théâtre de tant d’exploits, comme ce match fabuleux contre Dukla Prague…. Pour moi, Charmilles rimait avec bonheur ! … et lorsque je regarde les tristes photos de la fin du stade, je suis ému et me dit que mon parcours de vie en prend un sale coup…..La Praille, c’est simplement un stade… Les Charmilles c’était la légende et des joies sportives inégalées. Alors, merci chère vieille ruine des Charmilles de m’avoir tant donné de bonheur, »c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes » disait ma grand-mère !!! et merci à toutes ces gloires passées qui ont fait Servette ! bien loin des affairistes quels qu’ils soient et des turpitudes de ce début d’année 2012 !
    Claude Bonard

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    1. Quel bonheur de lire tous ces commentaires! Merci et merci encore pour ce moment de partage grenat! Je ne pensais pas que cela allait susciter autant de souvenirs! Merci à toi Claude, permets-moi de t’appeller par ton prénom! Oui les Charmilles, oui le Servette que nous avons aimé mais nous avons le devoir de continuer à supporter les jeunes qui aujourd’hui portent les couleurs et je suis sûr que tu es de ceux là….de ces jeunes là! l’âge ma foi, n’a que peu d’importance!

      Amités!!!

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    2. Monsieur Bonard. Je n’ai que 25 ans, et quand je lis votre commentaire, vous me faite tout simplement rêver… J’aurais tellement voulus naitre plus tôt pour voire ce Servette FC que vous décrivez! Quoi qu’il en soit je remercie dieux (si il existe) de m’avoir fait naitre SERVETTIEN! Merci pour votre magnifique témoignage! Puisse le Servette FC vivre éternellement!

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  13. Très bel article, bravo! Je me souviens comme si c’était hier de mon premier match aux Charmilles, c’était en 1994 un SFC-GC, j’avais 7 ans. Je n’ai plus le score en tête mais je me rappel le temps des pelouses où on était encore debout, juste en dessous des tribunes B. Et puis il y avait la boutique juste à gauche de l’entrée dans une cahute en bois… Que de bon souvenir avec mon père… Pourvu que cela dur encore un quelques décennie.

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  14. Mes souvenirs, c’est Servette en coupe d’Europe. Paok Salonique, Beveren, Bohemians de Prague. En championnat de LNA, c’était le FC Zurich, celui de Lüdi, de Elsener, Botteron, Chapuisat, GC avec Sulser. C’était 20’000 personnes au Stade pour ces matchs. Ah, l’équipe de 79. Je vous ferrais pas l’affront d’énumérer l’équipe. C’était une vraie ambiance avec beaucoup beaucoup de monde. De vrais présisents comme Monsieur Cohanier. Bref, il reste les souvenir c’est ce qui est le plus important. Surtout depuis quelques temps.

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  15. Au milieu des années 80,le président Lavizarri avait un super
    projet de rénovation des Charmilles,hélas cela n’avait put
    aboutir.Quelques années plus tard.notre grand président Weiler avait le projet de jouer quelques temps a Carouge,
    pour en profiter de rénover les Charmilles,Hentsch propriétaire
    du terrain avait refuser.Quand je pense a cela j’enrage,on
    pourrait toujours jouer aux Charmilles,il me semble bien qu’en
    venant a la Praille,le Sfc a perdu une partie de son âme.

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    1. C’est sûr qu’au tournant des années 80-90, il s’est passé quelque chose : entre le hooliganisme qui se développait, le fric qui arrivait à travers la télé payante, la dérégulation progressive du marché des transferts avec tout ce que cela implique en termes de montages financiers et j’en passe, un certain concept du football et des stades est passé à la trappe. Oui, c’est mille fois dommage que les Charmilles en ait fait les frais, espérons qu’une légende s’écrive aussi à la Praille…

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  16. En lisant cet article et les commentaires j’en ai les larmes aux yeux. Bravo pour l’article dans lequel on sent l’dmiration pour Haldas même avant de le mentionner.

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    1. Comme convenu, c’est moi qui poste ton commentaire.

      Je vous envoie le commentaire qui ne veut pas passer:
      Merci pour cet article et ces petites anecdotes bien sympathiques 🙂

      Je n’ai malheureusement aucun souvenir de ce stade,car trop jeune et je ne m’intéressais pas trop au foot à cet époque…
      Je n’ai connu que l’époque du début de la Praille c’est à dire la présidence de M.Roger,la faillite,la 1 ère Ligue,la Challenge League et la montée en Super League.

       »espérons qu’une légende s’écrive aussi à la Praille… »
      Espérons le et espérons surtout de ne pas vivre une nouvelle faillite…

      Eyeshield

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  17. J’ai peu connu les charmilles, mais j’en garde quand même d’impérissables souvenirs. J’ai en tête un Servette – Gc (4-3) formidable, le parcours en coupe UEFA se terminant par le match contre Valence. Mon père n’ayant jamais été un grand fan d’ambiance de stade, bien que supporter (casanier) du Sfc, il était difficile de le faire m’amener au stade. Comme toujours, après des semaines de harcèlement, il décidait de m’emmener au stade pour le match d’adieu contre Yb. Et voilà le plus grands souvenir qu’il me restera des charmilles. Malheureusement, 4 – 1 à la mi-temps, s’en était trop pour mon vieux père qui décida de partir environ 30 min avant la fin du match. C’est dans la voiture sur les chemin du retour que j’ai vécu, à la radio cette fin de match folle partagé entre la joie et la colère. Je crois que mon père s’en est beaucoup voulu car l’année suivante mon cadeau d’anniversaire fût deux abonnements pour le stade de la Praille, malheureusement ca n’avait plus le même goût. Comme moi ce jour là, les charmilles sont parti trop tôt. Aujourd’hui je garde des charmilles un souvenir presque irréel, comme si ce n’était qu’une légende et je me demande parfois si ce n’était pas uniquement un formidable rêve.

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  18. Moi non plus je n’ai pas connu ces temps des Charmilles, et l’article ainsi que les commentaires m’en ont mis l’eau à la bouche.

    Toutefois, je considère qu’un morceau d’histoire récente restera dans la posterité, avec Joao Alves, le retour historique en Super League le soir du 31 mai 2011, les dernières victoires à Sion, quelques joueurs aussi comme le valeureux Pizzinat, ou l’extravaguant Rüfli…

    A chaque génération ses souvenirs de jeunesse, ses moments inoubliables qui mêlent tous les sens, ses pensées nostalgiques un peu plus tard… pourvu que le Servette FC préserve ses valeurs et s’inscrive… dans la Légende !

    Allez Servette !

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