Dernier acte avant la faillite

Aussi tristounette que soit la situation actuelle du Servette FC, rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, une visite des Saint-Gallois à la Praille s’était déroulée sous des auspices encore plus cruellement noirs…

Cela aurait pu être la fête : le 12 décembre, comme le rappelait une grande banderole du kop grenat, rime avec un jour de victoire pour Genève. Et puis, un fidèle parmi les fidèles se retirait : Jacques Barlie, célébré comme s’il doit, mais dont les larmes avaient un arrière-goût de prémonition funeste…

 

Une saison mal embouchée d’emblée

A l’été 2004, l’effectif grenat avait subie un toilettage radical: si quelques rares éléments étaient restés (Roth, Cravero, Londono, Bah, Diogo, Lombardo, Kader et Pont), les autres s’en étaient tous allés. Le président Marc Roger recrute alors à la louche et 21 (!) nouveaux joueurs,  principalement  étrangers, arrivent. L’entraîneur Marco Schällibaum avait  parfois plus de 30 joueurs à coacher. Le polyglotte Oscar Londono était très sollicité, sur le terrain et en-dehors. Dans le lot figuraient de vraiment grands footballeurs  tels que Valdivia, Merino, Karembeu ou Ziani mais la plupart n’avait pratiquement aucune chance de faire du bon travail. Le début de saison fut un ratage complet : 5 défaites lors des six premiers matchs et une élimination sans gloire de la Coupe de l’UEFA contre Ujpest  A la mi-août, Marco Schällibaum devait déjà prendre la porte, bien qu’il fût clair pour tout un chacun qu’on ne pouvait guère lui imputer la responsabilité du gâchis. Adrian Ursea prit sa place. Pour noircir encore le tableau, signalons que Servette avait débuté le championnat avec une pénalité de trois points pour des irrégularités au moment de la demande de licence le printemps précédent.

Un président à l’optimisme mégalomaniaque

Alors que le club vasouille ainsi, un homme clame haut et fort ses ambitions de lutte pour le titre : le président Marc Roger. Il avait repris le club (4,4, millions de dettes) ainsi que l’exploitation du stade de la Praille pour un franc symbolique au mois de février précédent. Tablant sur une moyenne de 15 000 spectateurs, il soutenait dur comme fer être en mesure d’assurer le versement du salaire du champion du monde Christian Karembeu (on murmure qu’il s’élevait à 83 000 francs mensuels). Ce qui devait arriver arriva : alors que l’équipe avait peu à peu refait surface sur le plan sportif, les salaires avaient cessé d’être versés dès septembre.

Saint-Gall et après ?

Au moment du dernier match du tour premier tour contre Saint Gall, chacun sait que  Servette se trouve  au  bord  de  l’abîme. Un instant tentés par la grève, les joueurs y renoncent, pour Jacques Barlie, pour le public et aussi pour Diogo qui avait perdu un doigt dans un instant d’égarement en grimpant au grillage pour célébrer un but marqué à Schaffhouse lors du match précédant. La recherche d’un investisseur accapare tous les esprits, mais il faut bien disputer ce match qui pourrait être le dernier de l’histoire du club…

Jacques Barlie, servettien de toujours, au milieu des Grenats version 2004

Un match nul faute de mieux

Décidés à faire encore tomber trois points dans leur escarcelle, les Servettiens, qui étaient entrés sur le terrain avec un maillot floqué au nom de Jacques Barlie en hommage à son  engagement pour le club grenat depuis plus de quatre décennies, prennent assez vite le match à leur compte devant 8250 personnes. Regroupés en défense, les Brodeurs laissent peu d’espace aux Grenats et placent même quelques banderilles par l’intermédiaire d’un certain Goran Obradovic… Mieux dotés techniquement, les Grenats trouvent l’ouverture lorsque Leonardo lance Merino au terme d’une action de rupture. Le Péruvien ajuste alors imparablement la cage saint-galloise. Dans la foulée, Merino part à nouveau seul au but et est fauché par un défenseur revenu en catastrophe, Saint-Gall jouera à dix les 55 minutes restantes…  Comme cela arrive souvent, cette expulsion eut plutôt l’heur de remonter les Saint-Gallois à bloc. Les Servettiens, sans cesse plus fébriles, leur cèdent l’emprise sur le jeu, se contentant de contres initiés par Valdivia et Karembeu mais gâchés par des maladresses de Hassli ou João Paulo au moment de la conclusion. Dans cette seconde mi-temps si longtemps stérile, un éclair troue la grisaille : une frappe en pleine lucarne du remplaçant Akwuegbu permet aux visiteurs de revenir à égalité. Dans le brouillard provoqué par les fumigènes lancés par les supporters saint-gallois, on peut toujours spéculer sur les raisons de l’erreur de placement de Portillo ayant conduit à cette réussite. Les Grenats sauront encore se ménager quelques occasions dans l’ultime ligne droite mais en vain. Malgré ce nul quelque peu décevant, Servette finit cette première partie de championnat en position de non-reléguable. La générosité dont avaient fait preuve les joueurs grenat malgré la seconde mi-temps brouillonne allait-elle être récompensée en coulisses ?

Merino devance Wolf pour ouvrir le score

Encore une pincée de  poudre aux yeux…

A l’issue du match, Marc Roger, un sauveur qui se mue toujours plus en fossoyeur, parade devant la presse en brandissant un chèque de 2,5 millions de francs provisionné par une des sociétés appartenant à l’ancien président du Real Madrid Lorenzo Sanz. Il se gargarise ensuite de contacts fructueux au Qatar et à Dubaï, les promesses n’engagent que ceux qui y croient… Dans le même temps, on apprend qu’il a omis de dûment informer l’ASF de la marche financière du club et du stade en conséquence de quoi, l’accréditation pour une rencontre internationale au printemps à la Praille est retirée. Pas forcément la panacée dans la quête d’argent frais… Même si son avocat se targue d’un redressement du bilan comptable du club et balaye les allégations de mandat d’arrêt déposé en Espagne contre Marc Roger, l’inquiétude demeure très palpable. Le lendemain, il est d’ailleurs rendu public que Servette nécessite dix millions de francs avant la fin de la saison pour garantir sa survie…

Tiens, un gros chèque…

Un hiver spectral

Tous les tours de passe-passe, tous les investisseurs providentiels plus ou moins fantomatiques et toutes les belles paroles n’y feront rien, en février 2005, le Servette FC, du moins dans sa forme professionnelle, est définitivement à terre lorsque la faillite est prononcée. Les joueurs, qui avaient vaillamment repris l’entraînement le 9 janvier avait déjà jeté l’éponge dix jours plus tard, Marc Roger, lui, était déjà en cavale. Son principal tort aura été un accroissement inconsidéré de la masse salariale (en s’alignant sur les sommes versées en France) dû à un aveuglement peinturluré à l’ambition. Si les responsabilités de Marc Roger (qui s’en défendra toujours) sont éclatantes, il faut néanmoins rappeler que la situation financière du club grenat était précaire depuis la fin des années 1980. Le mécénat de Paul-Annick Weiller puis l’arrivée de Canal+ avaient permis de faire illusion mais ce dernier épisode aura en fin de compte surtout poussé Servette vers l’abîme : les penchants criminels de messieurs Hervé et Trotignon s’étaient manifestés dans l’achat et la vente de joueurs effectués en partie par le biais de Servette mais qui ne jouèrent jamais pour ce club, etc. Par la suite, les dirigeants servettiens ne s’illustreront guère positivement : Michel Coencas laissera partir les finances encore plus à la dérive. Olivier Maus ne sera pas non plus un champion de la transparence. Au crédit de Christian Lüscher et d’Alain Rolland on doit  inscrire qu’ils surent faire baisser les coûts et éviter l’apparition de nouveaux trous, mais ce duo a néanmoins vendu le club pour un franc symbolique à un mégalomane et à son tissu de mensonges, en toute connaissance de cause probablement.

Le match suivant aura lieu fin février contre Signal Bernex, sans Karembeu…

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

La semaine prochaine : Servette se casse les dents sur la défense de GC

Dernière chronique : Sous le maillot grenat à croix blanche (4)

6 réflexions sur « Dernier acte avant la faillite »

  1. Bien triste cet article, que de mauvais souvenirs ….
    Dans le présent, les déboirs de nos Joueurs sur le terrain et la frustration des supporters relève quand même un point positif, dans un Grand Jeu de Football dont je tairais le nom mais qui commence Par « F » et finis par 13, notre club est étonnemment bien classer dans la fonction « Soutenez votre Club ». Cela fait depuis la sortie que nous sommes bien stable en haut de tableau 😉

    Au moins une bonne nouvelle 😉

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  2. C’est vrai ce n’était pas folichon comme ambiance. Lourd, pesant, on ne savait pas trop si le SFC allait avoir un avenir…

    Il se trouve qu’aujourd’hui nous sommes tous devenus plus fort suite à cette faillite. Pas indemne, pas meilleur, juste plus fort…

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  3. Que des souvenirs ces derniers moments avant la faillite 😦
    Le doigt accroché au grillage et la victoire à la 90ième! Mythique!

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  4. Ca fait beaucoup penser au dernier hiver du SFC, qui a pourtout eu un printemps resplendissant. Depuis l’été a été assez catastrophique, et l’autmone n’est guère mieux. Pourvu que les hivers se suivent mais ne se ressemblent pas…

    Allez Servette !

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