
Archidominés par Lucerne, les Grenat ont eu la chance d’ouvrir le score. Avant de craquer dans les dernières minutes

Avant ce match si important, Servette a dormi à Sempach, samedi soir. Un endroit important de l’histoire suisse, où une fameuse bataille a opposé les Habsbourg aux valeureux représentants d’une Suisse naissante. C’était en 1386 et un certain Winkelried s’était sacrifié, selon la légende, en embrassant de sa poitrine plusieurs lances ennemies afin d’ouvrir une brèche aux siens. On ne sait pas si le courage définitif du brave Arnold a inspiré certains Servettiens tant de siècles plus tard, mais hier, après cette nuit à Sempach, une part d’héroïsme animait en tout cas les troupes grenat.
Tenir, tenir encore
Le goût du sacrifice, par exemple, Eudis l’a eu dès la 19e minute, sauvant deux fois face à Puljic, dans une scène confuse, de la poitrine d’abord, avec un tacle désespéré ensuite. Servette sait ce qu’il doit faire pour s’en sortir: jouer avec ses tripes. A l’image du Brésilien, les Grenat ont eu besoin d’une sacrée dose d’abnégation pour résister. Parce que sur la pelouse lucernoise, ils ont souffert, longtemps, avec cette énergie du désespoir qui anime ceux qui ne veulent pas mourir. Pas sans combattre.
Un tir de Muntwiler dévié au départ par Kusunga? C’est Barroca qui sauvait en détournant sur le poteau. Il sauvera encore plus tard, quand Winter allumait, seul devant lui, à sept mètres. Schneider, le jour de son 31e anniversaire, n’était pas à la fête face à la pression constante de Lucerne? Comme tous les Grenat, accrochés à leurs vérités, il répondait présent. C’est ce plan de jeu-là qui était prévu, c’est celui qui a été appliqué, avec la plus grande humilité. Servette voulait se montrer solide et compact, comme une semaine plus tôt contre Grasshopper. Il aura eu plus de peine, mais conforté dans ses efforts par des Lucernois qui n’y arrivaient pas ou qui manquaient de réussite, Servette aura au moins saisi sa première réelle occasion.
C’était juste après une mi-temps bienvenue. Komornicki, entraîneur de Lucerne, dira plus tard qu’il avait averti les siens. Qu’il ne fallait surtout pas encaisser le premier but. C’est pourtant exactement ce qui allait se produire lorsque Lang, sur coup franc, ajustait Eudis. Le Brésilien ne sait toujours pas comment il s’est retrouvé si seul, à 8 mètres de Zibung. Mais il a pu contrôler et frapper dans la foulée pour ce qui ressemblait alors à un hold-up magistral.
C’est bien là le problème, d’ailleurs. Une stratégie de hold-up se fomente autour d’un principe simple: saisir une chance, rafler la mise et tenir, tenir et tenir encore.
Premier point à l’extérieur
Le complot grenat s’est ourdi timidement. Il a pris forme concrètement, mais n’a pas résisté à l’usure. C’est à la 88e que tout s’est effondré. Servette a sans doute marqué son premier point à l’extérieur de la saison, pour avoir craqué à quelques secondes du terme, sur une tête d’Andrist, il avait un vilain goût d’amertume dans la bouche. C’est au moins aussi logique que l’issue d’une rencontre que Lucerne aura dominée de bout en bout. Ce qui est rageant pour les Servettiens, c’est que Lang a manqué le 2-0 deux minutes avant l’égalisation, c’est que l’arbitre a inventé une faute de Karanovic sur Stahel alors que l’attaquant grenat aurait filé seul face à Zibung, une minute avant le but d’Andrist.
Mais au fond – et Sébastien Fournier le sait bien – il n’y a rien d’injuste dans ce 1-1 final. Servette a beaucoup sué pour s’accrocher à ce qu’il avait rêvé, il a même vu ce rêve devenir réalité pendant assez longtemps, mais s’il s’est réveillé sèchement, c’est aussi que Lucerne ne méritait pas de perdre ce match. La bonne nouvelle, c’est que l’esprit d’un certain Winkelried est bien présent. Même si tous les sacrifices consentis n’ont pas permis de terrasser les Lucernois.
Daniel Visentini Lucerne
La réalité, ensuite le jeu
U Servette est toujours à six longueurs de la neuvième place. Et n’a repris un point qu’à Thoune pour ce qui concerne les potentiels concurrents directs. C’est la mauvaise nouvelle de la journée. Les Grenat ont besoin de victoires, pas de nuls. Et c’est dans cette logique d’absolu qu’ils ont appris à vivre.
Seulement voilà: entre les intentions et la réalité, il y a le terrain. Le Servette d’aujourd’hui s’appuie sur ses forces du moment. Au sortir d’une crise sportive sans précédent, il a bien fallu reconstruire un semblant de confiance. «C’était mon travail jusqu’à maintenant, ça l’est encore, assure Fournier. Nous avons pu aligner trois matches sans défaite. C’est déjà ça, et dans les circonstances qui sont les nôtres, au-delà de l’égalisation lucernoise à la 88e minute, un point c’est bien.»
La question du jeu s’inscrit en filigrane. A Lucerne, plus encore que contre Grasshopper, Servette a abandonné toute idée de jeu pour se concentrer sur les ruptures. Un froid réalisme qui semble payer. Mais qui peut difficilement devenir le seul horizon sur le long terme. Là encore, Sébastien Fournier est conscient des limites de l’exercice. «On ne peut pas tout faire en même temps, explique-t-il. Pour le moment, on se concentre sur une forme de compacité, sur les actions de rupture, c’est vrai. Le reste, on verra plus tard. Mais c’est juste, il faudra bien produire autre chose à un moment.»
Musique d’avenir, le prochain tour sans doute. Ou alors déjà plus tôt? Contre Sion dans deux semaines? C’est le temps dont disposent les Grenat, éliminés en Coupe, pour y songer.
D.V.
Lucerne – Servette : 1-1 (0-0)
Swissporarena, 11 278 spectateurs.
Arbitre: M. Graf.
Buts: 47e Eudis 0-1; 88e Andrist 1-1.
Lucerne: Zibung; Thiesson (82e Pacar), Stahel, Puljic, Lustenberger; Andrist, Wiss, Muntwiler (69e Gygax), Hyka; Winter (69e Rangelov), Lezcano.
Servette: Barroca; Routis, Kusunga, Schneider, Rüfli; Grippo; Tréand, Pont, Pasche, Lang (91e Esteban); Eudis (72e Karanovic).
Avertissements: 14e Eudis (antijeu), 26e Muntwiler (jeu dur), 31e Pasche (jeu dur), 73e Kusunga (jeu dur), 86e Puljic (antijeu), 87e Karanovic (antijeu).
Une réflexion sur « Servette flirte avec le hold-up. Le plan était presque parfait (TDG, lundi 5 novembre 2012) »