Les joueurs et les fans servettiens qui se rendront à Lucerne dimanche suivront le chemin emprunté par le Danois John Eriksen à l’été 1989. Retour sur un redoutable buteur de la fin de l’ère Lavizzari.
La première apparition du nom du Danois n’avait pas forcèment été bénéfique pour les Grenats : alors que Servette s’apprête à disputer une redoutable finale contre Sion le lundi de Pentecôte 1986, le club annonce le recrutement probable de trois futurs participants au Mondial mexicain : le Français Bernard Genghini, le Danois John Eriksen et le Hongrois Lajos Detari. Autrement dit, les étrangers du contingent devront faire place nette : le futur des décevants Bent Christensen (Danemark), Mats Magnusson (Suède) et Samuel Opoku N’ti (Ghana) ne s’écrit plus en grenat. Finalement, le Hongrois Detari ne viendra pas (on chuchote que Carlo Lavizzari lui aurait offert un million et demi de dollars) mais Eriksen et Genghini débarquent bel et bien à Genève, chacun auréolé d’un but marqué sur les pelouses mexicaines.
Un buteur confirmé
A son arrivée à Genève, John Eriksen a 29 ans et une carrière de buteur bien remplie : 42 buts pour Odense BK, 80 pour Roda en Hollande puis encore 22 pour Feyenoord après un passage à Mulhouse. L’année précédente, le filon scandinave (Christensen, Magnusson) n’avait pas été le bon. Qu’en sera-t-il avec Eriksen ? Sera-t-il agile là où Magnusson s’embourbait ? Après tout, le diabolique duo Prytz – Lunde venait de donner le titre à Young Boys… Servette, dirigé pour la seconde saison consécutive par Jean-Marc Guillou, commence l’année en dents de scie, le Français perd son poste à la mi-septembre déjà dans une désolante ambiance de crise. Seule consolation de ce début de saison raté : en attaque, l’association épisodique d’un jeune ailier brésilien virevoltant et du placide centre avant danois s’avère probante. Ce duo Sinval-Eriksen s’impose au point que le “petit Platini” Bernard Genghini repart en France (on ne pouvait alors aligner que deux étrangers).
Une belle saison
Sous la houlette de Thierry De Choudens, Servette redresse la barre. Le 8 octobre, le derby lémanique tourne à un duel dano-danois avec trois buts pour Tychosen contre seulement deux à Eriksen mais Servette aligne ensuite 5 victoires d’affilée dont une très probante lors de l’ultime journée contre GC aux Charmilles (2 buts d’Eriksen) et remonte jusqu’au cinquième rang à cinq encablures du leader xamaxien. Eriksen, lui, est en tête du classement des buteurs. Servette passe l’hiver au chaud, tout baigne, le “vétéran” Schnyder parle de poursuivre une saison encore…
Au printemps, Eriksen continue à marquer mais Servette est un peu juste pour espérer une place européenne en championnat et les espoirs se reportent sur la Coupe. Eriksen, retenu avec la sélection du Danemark, ne participera pas à la demi-finale contre Sion. Qu’importe, le Hollandais Robert Kok est virevoltant ce soir-là et Servette arrache un nul 1:1 qui lui permet d’accueillir les Valaisans pour un match d’appui où Eriksen sera bien là puisque après 24 minutes de jeu il avait déjà frappé deux fois ! Servette ira au Wankdorf ! La finale tourne malheureusement au drame avec une défaite 2:4 contre Young Boys après prolongations. Peu inspirés, Eriksen, Sinval et Kok font faillite ce jour-là malgré une belle déviation de la tête du Danois sur l’égalisation de Decastel. Maigre consolation : Eriksen est roi des buteurs avec 28 buts.

Avec Rummenigge
La saison 1987-1988 marque le début de la formule à 12 équipes avec la fameuse barre qui en décembre n’autorise que les 8 meilleurs à prendre part au tour final pour le titre. Servette escompte jouer le titre mais les résultats sont néanmoins moyens et l’arrivée du champion allemand Karl-Heinz Rummennigge n’est finalement pas de trop pour rester du bon côté de la barre. Pour Eriksen, l’arrivée d’un étranger supplémentaire est une concurrence mais Servette prépare l’avenir : un troisième étranger devrait être autorisé à jouer la saison suivante … puis l’ASF se ravise… Servette offre un visage de Janus : une équipe parfois étincelante en attaque où Rummenigge, Sinval, Kok et Eriksen combinent alternativement leur génie et une équipe désemparée au milieu de terrain où Lucien Favre est bien souvent isolé. Avec 16 buts après le tour préliminaire, John Eriksen est à nouveau le meilleur marqueur du pays mais cela ne suffit pas sauvegarder la place de Thierry De Choudens qui cède son siège à Jean-Claude Donzé victime, avec le FC Sion, de la barre fatidique.
Un beau tour final
Le Valaisan annonce d’emblée que Rummenigge et Eriksen seront associés en attaque. Ce choix est judicieux : Servette est la meilleure équipe du tour final, Kalle multiplie les prouesses et Eriksen porte son total de but à 36. Servette est en lice pour le titre jusqu’à la fin mais ne parvient pas à dépasser Xamax malgré les quatre buts d’Eriksen lors de l’ultime journée face à Lausanne. Le retour en Coupe d’Europe est néanmoins un motif de satisfaction. Eriksen est annoncé en Italie, puis il reste…
Deux c’est assez trois c’est trop
Eriksen a dû ruminer cette expression lors de son ultime saison aux Charmilles, un temps mis sur la touche au profit de Philippe Fargeon, il retrouve sa place en Coupe d’Europe contre Sturm Graz, mais il effectue toute la saison dans l’ombre de Rummenigge qui lui chipe sa couronne de roi des buteurs (24 réussites) contre 11 au Danois. Petite consolation, alors qu’il n’est que titulaire en pointillé à Genève, on lui remet le soulier d’argent européen pour ses 36 buts de la saison précédente (derrière le Turc Tanju Colak). Servette finit la saison en roue libre et Eriksen, encore sous contrat pour un an, peut néanmoins partir chez le champion Lucerne. Il y restera sagement deux ans, figurant toujours dans le trio de tête des buteurs avant de regagner le Danemark.

Dans l’ombre de géants
La carrière d’Eriksen concide avec une période très probante du football “dynamite” du Danemark sur la scène internationale. Malheureusement pour lui, face aux stars du Calcio Michael Laudrup et Preben Ekjaer Larsen, Eriksen n’aura que rarement sa chance en sélection où il figurera néanmoins pendant sept ans (17 apparitions). On peut aussi s’étonner qu’un buteur de sa trempe n’ait pas trouvé preneur chez des grands d’Europe, selon son frère, Eriksen se sentait plus à l’aise dans de “petits clubs” loin de la pression et du regard du grand public…
Le secret de son efficacité
Le passage d’Eriksen à Genève est indissociable de la présence sur l’aile droite de José Sinval qui lui a adressé maints centres afin qu’il marque. Cette osmose de deux joueurs antagonistes était telle que les deux larons n’hésitaient pas à poursuivre à deux les séances d’entraînement pour roder les automatismes. Les goals d’Eriksen n’étaient pas forcément spectaculaires, mais il était un chasseur de but dans le plus pur sens du terme, toujours bien placé, capable de shooter dans n’importe quel position, extrêmement rapide…

John Eriksen est décédé le 12 février 2002 d’une chute dans un établissement de soin où il vivait depuis qu’il était atteint de la maladie d’Alzheimer.
Ses clubs hollandais lui ont rendu hommage lors de la rencontre Roda-Feyenoord de mai dernier avec une vidéo sur sa carrière en Hollande et une collecte de fonds pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer :
Pour revoir encore ce grand joueur :
Son but contre l’Allemagne en Coupe du Monde
La semaine prochaine : Majid Pishyar n’a pas pris part à la Course de l’Escalade…
Dernière chronique : Un au revoir : Servette et la Suisse en filigrane de la carrière du joueur João Alves
Jacky Pasteur et Germinal Walascheck


Le duo Sinval-Eriksen,un bien beau souvenir pour les fans
grenat.A la base Eriksen il payait pas trop de mine,je pense
qu’il n’a pas beaucoup dribbler de joueurs dans sa carrière.
Mais un sens du but exeptionnel,toujours la ou il faut,le buteur
avec un grand B.Eriksen a vraiment sa place au panthéon de
la longue histoire de notre club.Un grand merci de nous faire
revivre ces grands moments de l’histoire grenat.
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Bonjour Joël,
Je t’en prie. Le plaisir est pour nous aussi.
Je rebondis sur ton commentaire de la semaine dernière : oui, c’était bien en 1984 avec Renquin et le hold-up de Jara.
J’ai aussi vu avec beaucoup d’attention (intéressée !) que tu avais une collection de VHS.
http://www.super-servette.ch compile actuellement tout le matériel existant sur les finales de Coupe de Suisse (grâce aux archives de Schweizer Fernsehen il y a presque tout) et matchs de Coupe d’Europe avec Servette, au niveau des vidéos, il y a certains trous. Si tu as le temps et de quoi nous aider, mille mercis grenats ! Tu peux jeter un oeil sur ce qui existe déjà, rubrique Palmarès puis différentes coupes d’Europe.
N’hésite pas à nous contacter : superservette@hotmail.com
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Go go go, go Johnny Go
Un grand Joueur, un grand Buteur que ceux qui l’ont vu jouer n’oublieront jamais.
La photo avec la vache et José a été prise lors d’un pluvieux match de coupe à Châtel St Denis.
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Un des premier match de De Choudens comme entraineur, si je ne m’abuse.
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Tu t’abuses… un tout petit peu. Le premier match de De Choudens était bien en Coupe mais contre Renens en septembre 1986 (victoire 2:1 après prolongations). Châtel-Saint-Denis, c’était la saison suivante.
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Fantastiques ces chroniques relatant la grande Histoire du Servette!
Parfaitement bien écrites, et retraçant avec précisions les différentes périodes grenat, elles sont d’une aisance à lire et un pur bonheur.
Un magnifique hommage pour l’une des grandes légendes Grenat. C’était une autre époque. La belle époque. Celle qui a fait naître chez plusieurs d’entre nous la passion pour le Servette.
10 ans bientôt, et déjà, qu’il nous a quittés. Que le temps passe vite. Ces photos continuent à vivre dans notre mémoire. Mais il fait beau, encore plus en cette période sombre, de les admirer à nouveau de nos propres yeux. Gageons que là où il se trouve maintenant, notre renard des surfaces continue à illuminer les classements des buteurs. Car ce flair faisait partie intégrante de son essence-même.
Un vrai finisseur, comme n’en a plus eu le club depuis belle lurette. Définitivement(?) un temps révolu.
Puisse les dirigeants actuels porter le crédit qui s’impose à ces moments d’histoire Grenat, simplement pour s’efforcer de s’en montrer dignes.
Merci pour tout John!
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Super duo Sinval-Eriksen. Je savais pas qu’il était décédé. Peut être le meilleur buteur qui a joué au Servette de mon vivant. Merci pour cet article.
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