
Il est d’ores et déjà acquis que le sort du championnat 2012 ne se jouera pas exclusivement sur les pelouses mais aussi entre les quatre murs de bureaux, à Muri ou ailleurs. L’Histoire nous enseigne que des non-qualifications de joueurs et des décisions tardives des instances compétentes peuvent avoir des conséquences sportivement attristantes. Ne cherchez pas ici de chevaleresques Zurichois prêts à escalader les grillages et à parcourir au pas de course 50 mètres sur la piste d’athlétisme pour aller gracieusement réchauffer les spectateurs de la tribune principale, ni de milliardaires caucasiens membres du comité d’éthique de Transparency International ni même de Guillaume Tell octodurien, inlassable défenseur de la Justice face aux baillis de la FIFA. Non, c’est à un banal huis-clos berno-bernois que nous vous convions. Avec Servette en prime !
Un train spécial de Lausanne pour le derby lémanique !
Après avoir brillamment décroché le titre de champion en 1922, les Grenats repartent de plus belle lors de la saison 1922-1923 : longtemps au coude-à-coude avec Lausanne-Sports, ils accueillent leur co-leader le 4 mars 1923 pour un match décisif à l’enseigne de la dixième journée. Ce match suscite une grosse passion, un train spécial part de Lausanne pour acheminer les partisans du club vaudois, une nouveauté pour l’époque. Le match, très enlevé, est splendide et les Genevois l’emportent 1:0 sur un but de Robert Pache. Ils laissent finalement les Vaudois à quatre encablures et se qualifient pour les finales nationales avec 11 victoires, deux nuls et une seule défaite.

La bouteille à encre du groupe Centre
A l’époque, les équipes de Série A étaient divisées en trois groupes selon des critères géographiques. Les trois vainqueurs de groupe étaient ensuite conviés à une poule à trois pour déterminer le champion suisse. Outre Servette, les Zurichois des Young Fellows avaient aussi décroché leur billet pour les finales en remportant le groupe Est. Dans le groupe Centre, la situation est pour le moins confuse : Young Boys finit en tête avec deux points d’avance sur le FC Berne mais le FC Berne conteste sa défaite 3:0 contre Bienne. Les Seelandais auraient en effet aligné un joueur non-qualifié. La situation était relativement fréquente à l’époque mais les sanctions commençaient à devenir plus sévères. Ce qui devait arriver, arriva : le FC Berne est déclaré vainqueur par forfait et le voilà à la hauteur de son rival ancestral. Il faut disputer un match d’appui (le goal-average n’apparaîtra que bien plus tard !) à Lausanne. Young Boys ne l’entend pas de cette oreille, dépose recours devant le Tribunal arbitral qui donne raison au comité de football. Fâchés, les Young Boys refuse de disputer le match d’appui, c’est donc le FC Berne qui disputera les finales mais attention à l’ours blessé…
D’emblée des surprises
Le FC Berne reçoit sa notification de participation à la poule finale un samedi et le lendemain il surprend déjà les Young Fellows (1:0). Puis c’est au tour de Servette de se frotter aux Zurichois une semaine plus tard. Les Grenats et leur défense de fer (Bouvier, Fehlmann) partent nettement favoris mais jouent de malchance : non contents de devoir se passer de leur attaquant Pichler blessé lors de l’ultime match de la saison régulière à La-Chaux-de-Fonds, ils alignent encore leur attaquant Pache affaibli par une maladie. Le public bernois (solidarité alémanique ?) est hostile aux Servettiens, l’arbitre se laisse influencer : il siffle un pénalty pour Servette, puis se ravise et indique un coup-franc pile poil sur la ligne des 16 mètres, peu après, alors que Pache n’est plus qu’à trois mètres du but des Young Fellows et s’apprête à marquer, l’arbitre siffle un arrêt de jeu car un Zurichois est blessé… Il demeure néanmoins que Young Fellows propose un beau spectacle et se rachète de sa défaite contre le FC Berne en battant les Grenats 2:1.
Un intermède anglais
Lorsque l’on sait le peu d’importance qu’ont actuellement les matchs amicaux internationaux, on ne peut qu’être surpris de savoir, qu’en pleine participation aux finales pour le titre national, Servette ait pris part à une rencontre contre Bolton Wanderers. La Coupe d’Europe n’avait pas encore été inventée et les rencontres internationales suscitaient un grand écho. Cette année-là, Servette avait disputé un très remarqué Tournoi du Nouvel An à Paris puis entamé une tournée espagnole où il avait eu l’occasion de jouer (et de perdre !) deux fois contre le Real Madrid, Barcelone et Séville. La presse ibérique s’était largement fait écho de ces parties. Le 21 mai, le public genevois a l’occasion de découvrir les professionnels anglais qui viennent de remporter la Coupe d’Angleterre devant 100 000 personnes. Le Parc des Sports est comble (8000 personnes) et après 20 minutes, c’est la stupéfaction : de belles combinaisons de passes conclues par de puissants shoots permettent aux Grenats de mener 2:0. Les Anglais, peut-être handicapés par une pelouse pas aussi parfaite que les billards d’Outre-Manche, ne se ressaisissent qu’en fin de match pour obtenir un nul 2:2 très méritoire pour Servette.

Pour la petite histoire, le lendemain, la FIFA (avec le président servettien Gabriel Bonnet), réunie dans les bureaux du Département de l’Instruction Publique à Genève accepte l’adhésion d’un certain nombre de pays dont le Brésil…

Troisième manche des finales
Servette a encore une chance de conserver sa couronne : il lui faut pour cela battre le FC Berne et provoquer une égalité générale. Servette domine le début des débats mais une grosse bourde du gardien français Grosdidier, pourtant excellent au cours de la saison, permet aux Bernois d’ouvrir le score. La seconde mi-temps débute sous la pluie, Servette presse. Son capitaine Otto Fehlmann rate exceptionnellement un pénalty, déconcentré par le portier Zorzotti qui se dandine comme une danseuse alors que le tireur prend son élan. Il reste dix minutes à jouer, Bédouret égalise enfin. Malheureusement, le score ne bougera plus, le FC Berne décroche le premier titre de son histoire !

Des éléments nouveaux
Dans le courant de l’été, lors d’une assemblée générale de l’AFSA, les Young Boys transmettent des éléments nouveaux concernant le litige les opposant au FC Berne. La décision tombe le 25 septembre 1924 : la victoire du FC Berne 4:0 contre le FC Bâle durant le tour de qualification est transformée en défaite sur le tapis vert. Motif ? Le gardien Zorzotti n’était pas qualifié. A l’époque, la procédure n’était pas encore informatisée à Muri, les joueurs devaient déposer leurs papiers auprès des autorités de leur commune d’établissement 15 jours avant de disputer leur premier match. Le FC Berne s’était maladroitement contenté d’un délai de 15 jours à compter du départ de Zorzotti de son ancien domicile et non de l’annonce de son arrivée aux autorités. Le diable niche dans les détails… Conséquence immédiate : Young Boys est déclaré vainqueur du groupe Centre !

Et le nouveau champion est …
Personne ! Le FC Berne a certes la sportivité de ne pas faire recours contre cette décision qui le prive de son titre de champion suisse mais il est trop tard pour rejouer les finales car le championnat 1924-1925 venait déjà de commencer… Une saison sans champion et une pensée émue pour le FC Berne, champion le temps d’un été et qui se morfond actuellement en deuxième Ligue. Détail piquant : en 1901, les mêmes Bernois avaient perdu la finale du championnat contre GC. Un joueur zurichois n’étant pas qualifié, le match avait été rejoué… avec le même résultat. Le forfait n’existait pas encore…
Jacky Pasteur et Germinal Walascheck
La semaine prochaine : Gare au virus !
Dernière chronique : L’Histoire au trente-sixième dessous ? Un plaidoyer !
J’adore!
Ce sont vraiment des articles passionnants.
Merci beaucoup!
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Superbe article. La partie histoire de ce site est une merveille.
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Top les gars, je dirais même tip top !
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Un pur régal !!!
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