Le premier match du FC Lucerne en LNA à domicile… à la Pontaise !

Lucerne n’avait pas fait partie de la première fournée d’équipes évoluant en LNA. Les joueurs de Suisse centrale trouveront cependant bien vite le chemin de l’élite. Petit hic : pour leurs grands débuts en LNA, leur pelouse de l’Allmend est suspendue et c’est à Lausanne qu’ils accueilleront les Servettiens. Un match piège où le Tchécoslovaque Oldrich Nyvlt ratera d’emblée un pénalty pour le SFC… Puisque nous en sommes aux virelangues est-européens, nous évoquerons aussi Kwasz, Grosz, Kukovitch et Jelinek. Sans oublier les Chinois !


Quand le public de l’Allmend coursait un Schaffhousois

A la fin de la saison 1935-1936, le FC Lucerne est promu en Ligue Nationale A. Les Lucernois sont toutefois en froid avec l’ASFA : lors du match Lucerne-Schaffhouse, un joueur schaffhousois s’était fait l’auteur d’une hideuse voie de fait sur un joueur lucernois. Le bouillant public de l’Allmend, bien décidé à se faire justice lui-même, avait alors envahi le terrain. Effrayé, le Schaffhousois n’avait dû son salut qu’à une fuite sur un court de tennis limitrophe. On imagine volontiers que ce genre d’intermède n’était guère prisé des responsables du football suisse qui décrètèrent une mise à ban pour cinq matchs de la pelouse lucernoise.

Deux matchs à la Pontaise

Pour ses grands débuts en LNA, le FC Lucerne avait fixé son choix sur la Pontaise. Lors de la première journée, Lucerne avait été au repos alors que Servette avait disposé de Saint-Gall pour s’installer en tête du classement. Le public lausannois, environ 8 000 personnes, put ainsi assister à deux matchs ce premier dimanche de septembre 1936 : Lucerne-Servette puis la victoire du futur champion Grasshoppers sur le champion sortant Lausanne-Sports (2:3).

La technique contre l’engagement

Servette, qui avait été secoué par de graves problèmes financiers, sortait d’une saison médiocre. Le grand Servette de Bouvier, Kielholz et Passello emmené de succès en succès par Karl Rappan au début de la décennie était déjà un lointain souvenir. Lucerne, avec tout l’allant du néo-promu, ne partait nullement battu d’avance, d’autant plus que les Grenats, privés de Loertscher et Bileter retenus au service militaire, perdaient encore Aebi sur blessure après un quart d’heure. Il n’empêche que les combinaisons de Buchoux, Walascheck et Nyvlt en pointe de l’attaque genevoise donnaient des sueurs froides à la jeune équipe lucernoise et l’une d’elles débouche sur un pénalty malencontreusement raté par Nyvlt.

Le portier lucernois s’empare du ballon sous l’oeil désemparé d’Oldrich Nyvlt qui vient de rater un pénalty

Puis Buchoux ouvre le score mais une erreur d’arbitrage permet aux Lucernois de revenir à la marque : Riva se shoote involontairement sur la main provoquant un pénalty. Dans la foulée, Lucerne inscrit encore un but avant la mi-temps. Après le thé, il n’y a qu’une seule équipe sur le terrain : Servette, largement supérieur techniquement. Malheureusement, la ligne médiane Oswald- Kwatz- Loichot se marche un peu sur les pieds et le manque d’ardeur des Grenats permet aux Lucernois, moins habiles avec le ballon mais plus résistants et plus volontaires, de garder leur petit avantage jusqu’au terme.

Au tour de Pasche, le portier grenat de se mettre en évidence

La belle saison de Lucerne

Le FCL poursuivra sur sa jolie lancée pour finalement décrocher la quatrième place à l’issue de la saison, les hommes de Suisse centrale devront ensuite attendre cinquante ans pour faire mieux… Pour Servette, cette défaite en inaugurait quatre autres consécutives et lorsque le club se retrouve lanterne rouge en octobre, les dirigeants signent un beau coup en engageant le Hongrois Istvan Grosz. En compagnie de l’autre nouvelle recrue, Volery du FC Bienne, il remet Servette sur de bons rails : après un nul à Lausanne, les Genevois battent Grasshoppers puis enchainent 6 victoires (dont une 7:1 contre le FC Lucerne !). Au printemps, les résultats en dents de scie reprennent, Servette finit le championnat en roue libre, le dernier match contre Nordstern est même exceptionnllement agendé un samedi au lieu du traditionnel dimanche car ce jour-là se tient le deuxième grand prix international de Genève (motos et side-cars) qui tient la vedette sur le circuit des Nations ! Au final, Servette est septième, à trois points de Lucerne. Les Grenats échouent également en demi-finale de la Coupe contre l’inévitable Grasshopper (7:3 après prolongations !)

La saga est-européenne : Janos Köves Kwasz ou le souvenir de 1930

Le football des années 1930 était déjà internationalisé avec des nombreux joueurs étrangers évoluant en Suisse. En août 1936, Servette avait engagé le Hongrois Janos Köves Kwasz que le public genevois connaissait déjà pour l’avoir vu évoluer dans l’équipe d’Ujpest Budapest qui avait remporté la Coupe des Nations organisée pour l’inauguration du nouveau Stade des Charmilles en juillet 1930. Il endosse le rôle d’entraîneur tout en jouant au poste de demi-centre. Il est sensé donner à l’équipe la combativité qui lui avait souvent manqué la saison précédente tout en servant de pivot au jeu grenat, l’expérience tournera cours.

Oldrich Nyvlt : enlevé à la gare de Lille !

Le Tchécoslovaque Oldrich Nyvlt lui était arrivé la saison précédente dans des circonstances pour le moins rocambolesques : transféré du SK Zidenice de Brno, Nyvlt avait fait des débuts remarqués en grenat contre le Wacker de Munich puis avait participé le 10 novembre 1935 à un déplacement à Lille où il s’était également mis en évidence. Séduits, les dirigeants de l’Olympique lillois décident tout bonnement de l’enlever au départ du train (c’est du moins la version servettienne !). Un responsable nordiste se rend alors à Genève pour négocier un transfert auquel Servette s’oppose. Le lendemain, les Lillois annoncent que Nyvlt a disparu. Servette saisit l’ASFA, s’adresse à la légation de Tchécoslovaquie… Nylvt ressurgit à Genève en décembre désireux de prouver sa bonne foi, il sera effectivement un Servettien dévoué et utile au poste d’inter droit. Au printemps 1937, les juniors de son club d’origine participeront à un tournoi international organisé par le SFC. Joueur complet, rapide, puissant, doté d’un bon shoot, avec Grosz, c’est la vedette de l’équipe. Quelque chose l’attirait décidemment en France : en juin 1937, il est annoncé au Havre, il recommence néanmoins la saison avec Servette, puis se blesse et part au Red Star.

Istvan Grosz : l’élégant buteur

Ce centre-avant aura été l’artisan du redressement servettien après le piètre départ de l’automne 1936. Grand et élégant, il peut tirer des deux pieds dans toutes les positions. Il terminera troisième meilleur buteur du championnat 1936-1937 avec 19 réussites à son actif. Il rééditera ce classement la saison suivante (17 buts) puis partira à Montpellier avant de revenir à Genève où il ne retrouvera plus son efficacité.

Kukovitch et le protêt du FC Berne

Le Yougoslave Kukovitch a également fait une brève apparition sous le maillot grenat lors de la saison 1936-1937. Il est d’ailleurs  à l’origine d’un protêt du FC Berne car il avait remplacé à la mi-temps un joueur blessé sans autorisation de l’arbitre. Le match gagné par Servette sera rejoué mais le SFC  l’emportera à nouveau !

Jelinek : la doublure de Nyvlt

L’Autrichien était arrivé en même temps que Grosz et Volery. Malheureusement, il se blesse d’emblée à l’entraînement. Habile, bon technicien et doué d’un bon shoot, il ne sera toutefois que sporadiquement aligné, le plus souvent comme doublure de Nyvlt lorsque ce dernier sera indisponible, par exemple lors d ela demi-finale de Coupe contre GC. Il quittera les Charmilles à l’issue de la saison.

Pour faire bonne mesure dans cette saga slave de 1936-1937, ajoutons encore que durant l’automne 1936, le Servette FC était en pourparlers avancés avec le prestigieux avant-centre Sezemsky du Rapid de Vienne… sans suites.

Un âge d’or des matchs amicaux 

Autre signe de la stature internationale croissante du football : le nombre de matchs amicaux joués cette saison-là par le SFC. A peine les Grenats ont-ils un week-end de libre que les voilà à Cornavin direction la France ! Parfois au complet, parfois privés de leurs internationaux (Loertscher, Walascheck, Aeby…), ils vont affronter Sochaux, le CS Metz, Le Havre AC, le Red Star, Troyes, le FC Rouen, l’Olympique de Marseille ou encore une sélection de l’Ouest. L’assistance est à chaque fois nombreuse, les notables locaux sont présents et les Servettiens font belle figure !

L’acrobatique portier servettien Feutz a séduit la presse d’Outre-Jura !

Parfois, ce sont eux qui se muent en amphytrions et accueillent le champion d’Italie Torino, les Kickers de Stuttgart, le CS Metz… Le public des Charmilels répond également présent à l’occasion de ces rencontres. Le match le plus impromptu de l’année est pourtant sans conteste celui qui met aux prises le 20 août 1936 le Servette FC à la sélection olympique de Chine. Sortie dès le premier tour des JO de Berlin par la Grande-Bretagne (2 :0), l’équipe chinoise reste alors quelques temps en Europe. Le match amical a lieu au prix de « gros sacrifices » (financiers imagine-t-on) consentis par Servette, qui à l’instar de GC qui vient de balayer le Japon olympique 16:0, ne veut pas rater l’occasion d’une partie intercontinentale. Les Grenats pensent avoir fait le plus dur avec deux réussites de Walascheck, mais les Chinois, coriaces, ne se laissent pas démonter et l’emportent 2:3 à la stupéfaction générale…

La fougue et la puissance du jeune Walascheck n’auront pas suffit face aux « joueurs jaunes »

La dernière chronique : hommage à Piquet

La semaine prochaine : Servette – Young Boys, l’adieu aux Charmilles

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck (remerciements à l’antenne d’Estavayer-le-lac des archives du FC Lucerne)

10 réflexions sur « Le premier match du FC Lucerne en LNA à domicile… à la Pontaise ! »

    1. Pour moi, écrire ce type de chronique est aussi très gratifiant. Gratifiantes aussi les recherches pour tenter de reconstituer les résultats de cette saison-là avec tant de matchs amicaux et pour cerner un tant soit peu tous ces joueurs d’Europe centrale…

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