Dans le piège de Pishyar (premier épisode) : de la neige à Dubaï ?

Vous pensiez que Majid Pishyar n’avait ruiné qu’Admira Wacker, le Servette FC et Beira Mar ? Vous êtes loin du compte. Les méthodes Pishyar sont éprouvées et ont fait d’autres victimes. Ces dernières semaines, le journaliste et réalisateur finlandais Risto Rumpunen publiait le récit de sa « filature » de la nébuleuse du 32 Group. Le toujours excellent journal alémanique Zwölf s’en est fait écho dans une adaptation signée Mämä Sykora. Nous vous livrons à notre tour cette saga en plusieurs épisodes. Edifiant.

Il y a trois ans, je prophétisais que Servette allait se retrouver en faillite au cours des quelques années suivant l’entrée en fonction de Majid Pishyar. A l’époque déjà, il apparaissait que c’était sa marque de fabrique dans le business. J’ai offert aux médias de six pays des récits sur les affaires louches de Pishyar. Personne n’a manifesté d’intérêt. Ce qui m’a poussé à suivre les activités entrepreneuriales de Pishyar était une simple question : comment gagne-t-il réellement son argent ? Cet homme d’origine iranienne, citoyen canadien, disposent de bureaux avec de superbes vues dans neuf villes dont Genève, Dubai et New York. Il est le chef de la société 32 Group  – 32 est un chiffre porte-bonheur en Iran –, de SFCS Swiss Financial Consulting Service et de différentes petites entreprises.

A Helsinki

Aussi étonnant que cela puisse paraître, je me suis mis sur la piste de Pishyar à Helsinki. Il y a six ans, j’ai entendu parler de lui pour la première fois. Quelques mois après, mes recherches m’avaient déjà conduit dans un chaos sans nom qui à première vue semblait ne rien avoir à faire avec lui. J’ai plusieurs fois essayé d’obtenir un rendez-vous pour un interview avec lui, cela n’a jamais marché. Jusqu’à aujourd’hui, j’ignore s’il a déjà mis les pieds en Finlande mais un de ses associés au moins a été reçu par un petit cabinet d’avocats à Helsinki. Quoi qu’il en soit, le nom «32 Group»  fit son apparition durant la procédure d’insolvabilité contre la société finlandaise Artic Image Ltd à laquelle la société de Pishyar devait payer 3,5 millions d’euros de frais d’expertise.

Une inventeuse finlandaise

Au début des années 1990, la fondatrice d’Arctic Image, l’inventeuse finlandaise Ritva Laijoki avait eu l’idée de concevoir des aquariums d’hiver. Grâce au soutien financier de bailleurs de fonds et d’organisations proches du gouvernement, elle a pu poursuivre le développement de son invention et faire breveter son invention dans quelques pays d’Europe et aux Etats-Unis. En 1994, elle a reçu pour cela la récompense pour la meilleure invention de l’année dans son pays. Quelques personnes voyaient un gros potentiel dans son oeuvre.

Un projet mégalomaniaque de neige à Dubaï

Après un succès et plusieurs échecs dans ses tentatives de vendre des projets basés sur son brevet, elle eut l’idée d’une piste de ski indoor à Dubaï. Elle ne savait certes pas comment procéder pour réaliser ce projet gigantesque, mais elle compensait son manque de sens des affaires par ses capacités de persuasion. Elle réussit à convaincre une architecte rendue célèbre par la construction d’une stade de football à Helsinki de dessiner des plans pour cette piste de ski contre la promesse de la payer plus tard. Avec ces plans ainsi que des contrats et des accords de confidentialité, un courtier se mit en quête d’investisseurs. C’est ainsi que les dessins sont parvenus au 32 Group de Majid Pishyar à Dubai, où ils ont été soumis à des hommes d’affaires locaux. En juin 2003, la manager de projet de 32 Group envoyait un message jubilatoire à Helsinki: «tout le monde adore le projet !» La société attendait un terrain de la part du gouvernement de Dubaï en échange des plans. Ce fut la dernière bonne nouvelle en provenance des Emirats arabes unis…

Le projet de Snowdome vu par la presse américaine (abcnews.com)

Des avertissements clairs

Le fait qu’Artic Image ait accepté de faire des affaires avec Pishyar est étonnant car dès le début des négociations, les avocats des Finlandais avaient reçu de clairs avertissements selon lesquels Majid Pishyar serait «un client très difficile» et son entreprise aurait «une très mauvaise réputation». Malgré tout, les avocats préparèrent un accord entre les deux sociétés, sans auparavant procéder à des examens minutieux qui, dans le cas d’une société possédant un siège en Suisse et l’autre à Dubaï, étaient trop malaisés à réaliser. Les dés étaient jetés…

Un grand lancement médiatique

En décembre 2003, Majid Pishyar, avec son 32 Group, présente à la presse mondiale l’idée mégalomane qui allait rendre son nom célèbre et lui valoir une aura de businessman intrépide et fortuné. Une immense piste de ski indoor devait voir le jour à Dubaï grâce à l’application de technologies dernier cri. Le projet se chiffrait à un milliard de dollars et la construction prochaine d’une piste de ski dans le désert attirait l’attention dans le monde entier. Pishyar promet alors que le bâtiment sera fini à la fin de 2006  avant de prendre la pose tout souriant devant les plans et de se faire féliciter par les autorités : selon un des Directeurs des autorités du Développement et de l’Investissement de Dubaï, «la façon dont ici le gouvernement et le secteur privé collaborent est un modèle pour d’autres Etats. Cette une situation win-win pour tous !» Le site web du 32 Group présente peu après les images du «Snowdome», indiquant qu’elles sont de sa création alors qu’en réalité, elles sont l’œuvre d’une architecte finlandaise, qui n’avait jamais vu le moindre sou pour sa peine… (à suivre)

Le projet de Snowdome sur le site de 32 Group

Source: selon texte original de Risto Rumpunen: http://www.ftfinland.com/2012/04/who-is-majid-pishyar-multinational.html
Traduction en allemand pour Zwölf de Mämä Sykora: http://www.kurzpass.ch/ZWOELF-Artikel/Fussball/die-pishyar-falle.html

Adaptation française RAMS et Germinal Walascheck

15 réflexions sur « Dans le piège de Pishyar (premier épisode) : de la neige à Dubaï ? »

  1. Super article, vivement la suite et la conclusion!
    Sinon, questions aux EDS ou ceux qui savent:
    Est-ce qu’on connaît déjà les équipes que va affronter Servette pour les matchs amicaux de pré-saison?
    Est-ce que quelque chose sera organisé à la praille pour le mondial (écran géant ou autre)?

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      1. Oui en effet je parlais de l’EURO et non du MONDIAL, excusez le lapsus ^^. Merci à adri85 d’avoir fait le lien et pour ta réponse.

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  2. Et dire le Conseil d’Etat du Canton de Genève (Mark Muller et Charles Beer) et la Fondation du Stade ont fait confiance à ce type malgré un rapport secret connu du Conseil d’Etat qui déconseillait de lui faire confiance !!!

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