Christian Ruefli : « le football m’a donné confiance en moi »

Il est grand, élancé comme un joueur de basket et a « la rage de vaincre »…

Questions d’un journaliste…

Quelles sont vos qualités sur le terrain ?

Ruefli : Sur le terrain, on a ses qualités mais on a aussi ses défauts. Je suis un arrière accrocheur, je crois, mais sans brutalité. Je n’ai jamais vu le carton rouge.

Vous aimeriez jouer dans une toute grande équipe ?

Ruefli : Quel joueur ne le voudrait pas… On peut rêver de grandes formations anglaises ou allemandes. Pour l’instant, je suis bien ou je suis.

Il est grand, élancé comme un joueur de basket et a « la rage de vaincre ». Malgré les tâches ingrates dévolués à un arrière, Ruefli se considère comme un joueur offensif et il a même réussi quelques buts de bonne facture : « j’aime le jeu offensif. Le football aujourd’hui a évolué. Un arrière doit monter et s’intégrer à l’attaque. C’est la raison pour laquelle les arrières marquent des buts car les adversaires ne se méfient pas d’eux. Combien de fois ne m’a-t-on pas dit : «  tu n’arriveras jamais à marquer » Aujourd’hui, une réflexion comme celle-là est dépassée. Enfin je pense que le côté psychologique est important non seulement pour les joueurs mais surtout pour l’entraîneur. Un entraîneur qui n’est pas psychologue n’arrivera jamais à rien. »

Mais qui est ce Ruefli qui disserte ainsi sur le bon profil d’un arrière moderne ?

Christian Ruefli est né en 1953 à Lausanne et commence le football au Lausanne-Sports. Son métier exigeant qu’il apprenne les langues étrangères, il rejoint le prestigieux … Eintracht Francfort ! Il ne joue toutefois qu’avec les amateurs puis part en Angleterre. Revenu à Genève en juillet 1976, il séduit alors Roger Vonlanthen à la recherche d’un grand gabarit (1 mètre 84) pour étoffer la défense du CS Chênois. Les pensionnaires des Trois-Chênes vivaient alors une exaltante et vivifiante aventure en LNA et Christian Ruefli s’intègre peu à peu dans le onze de base.

Schnyder marque sous les yeux des défenseurs chênois dont Christian Rufli , victoire de Servette 1-5 (15.10.1978)

Chênois en LNA

Lorsque Christian Rufli arrive, le CS Chênois entame sa quatrième saison de LNA. Les figures emblématiques de l’entraîneur Peter Pazmandy et du défenseur Lucio Bizzini ont déjà rejoint les Charmilles mais Chênois compte dans ses rangs le Tunisien Ian Manai, le Marocain Yaghcha Mustapah et quelques autres joueurs de talent. Le club est plus ou moins directement aux prises avec la lutte contre la relégation chaque saison mais parvient sans cesse à se maintenir. En championnat, les derbys contre Servette se soldent systématiquement par des victoires servettiennes jusqu’à ce qu’en août 1977, Chênois prenne une fois le dessus (1:0), le coach André Bosson, ancien servettien, est alors à la barre. A l’été 1978, c’est le Français Hervé Revelli, cinq fois champions de France et finaliste de la Coupe d’Europe avec Saint-Etienne qui prend le club en main avec la volonté d’en accentuer encore la vocation formatrice. Sur le terrain, il souhaite accorder le maximum de liberté à ses joueurs et cite en exemple l’apport offensif du latéral Christian Ruefli. Sa première saison (1978-1979) est la plus aboutie : le CS Chênois échoue d’un rien en demi-finale de la Coupe de Suisse contre Young Boys et rate ainsi une finale contre Servette…

Hamberg est à terre mais marque sous les yeux… de Christian Rufli (coupe de la ligue, 12 novembre 1978 Chênois-Servette 2-4)

L’interview de Christian Ruefli

L’interview de Christian Ruefli citée en début d’article date de peu après la demi-finale perdue à Berne. Le défenseur du CS Chênois y évoque le rôle essentiel de la confiance avant d’entrer sur le terrain : il surpasse selon lui celui de la volonté et encore plus celui de la technique. A cet égard, il rappelle le rôle de l’entraîneur pour souder l’équipe et insuffler la confiance. Au niveau de ses qualités personnelles, il évoque sa vitesse, un bon jeu de tête, une absence de peur face aux chocs mais reconnait aussi la nécessité de progresser techniquement. Il confesse être moins à l’aise contre des attaquants de petite taille, capables de se tourner en dribblant beaucoup plus vite. Il insiste également sur le rôle de l’amitié au sein de l’équipe du CS Chênois et évoque son goût pour le rugby.

Peterhans marque le deuxième but servettien sous les yeux de… Christian Rufli (31 mars 1979, Servette-Chênois 5-1)

La chute en LNB

Pour parer au départ de Scheiwiler, un certain Michel Pont passe de la Fontenette aux Trois-Chênes au cours de l’été 1979. Première édition d’une association Pont-Rufli, vite interrompue par une blessure de Michel Pont qui l’obligera à raccrocher ses crampons bien prématurément. Malheureusement, le torchon brûle entre Revelli et les responsables du CS Chênois et sur le terrain, les joueurs font désormais souvent preuve d’une brutalité inaccoutumée. En septembre 1980, Chênois accroche Servette aux Trois-Chênes (2:2) mais cette saison-là se soldera par une chute en LNB. Christian Ruefli passe alors libéro et a la charge de diriger la défense, un rôle dans lequel il semble moins à l’aise même s’il ne s’était jamais confiné au poste de latéral ou de stoppeur mais avait pris l’habitude de souvent permuter. En 1984, il assume un temps l’interim au poste d’entraîneur en attendant l’arrivée de Roberto Morinini. Un heureux événement : le 22 janvier 1988 naissait Vincent Ruefli ! La saga footballistique familiale aura encore de beaux jours devant elle… Quant au papa, il emmenait l’année suivante Collex-Bossy en première Ligue en compagnie des vieux briscards Raul Nogues et Jean-Paul Fernandez.

Matthey marque sous les yeux de… Christian Ruefli (05 avril 1981, Servette-Chênois 3-1)

L’impossible décolage d’un deuxième club genevois ?

Cet épisode avec le CS Chênois dans le rôle de deuxième club genevois marque l’utime présence de deux clubs genevois au plus haut niveau de l’élite sur une période prolongée. La LNA verra par la suite son nombre d’équipes réduit et il n’y a guère que Zurich qui peut s’offrir deux équipes dans cette catégorie de jeu. Club au moyen modeste, tributaire d’un stade peu compatible avec le haut niveau (déjà !), Chênois, tout en s’attirant les sympathies, devra se contenter d’affluences modestes, sans commune mesure par exemple avec celles d’Etoile Carouge lors du bref passage des Stelliens en LNA (1977-1978). Entre sa majesté Servette et le manant CS Chênois, l’écart était aussi trop patent pour que le derby puisse devenir une institution comme l’avaient été les rencontres contre Carouge avant-guerre ou UGS dans les années 1950. Pourtant, le rôle de prospection et de révélation de talents du CS Chênois était extrêmement précieux. Servette récupérera ainsi Peter Pazmandy, Lucio Bizzini, Yaghcha Mustapha, Gilbert Castella… Le CS Chênois a également été un pionnier suisse au niveau de l’accueil de footballeurs africains. Aujourd’hui, le club des Trois-Chênes, toujours en délicatesse avec son stade, est bien loin de l’élite. En attendant des jours meilleurs ?

Il n’y avait pas encore Youtube, mais quand un Ruefli marquait, c’était déjà spectaculaire, en témoigne le portier saint-gallois Schuepp (25 septembre 1978, CS Chênois-Saint-Gall 2-1)

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

Dernière chronique : Servette- Shaktar Donetsk : adieu veaux, vaches, cochons…

La semaine prochaine : Rigueur et ambition, Servette à l’heure allemande

Il est également possible de lire l’Interview C. Ruefli 04.05.1979

22 réflexions sur « Christian Ruefli : « le football m’a donné confiance en moi » »

  1. Hello! Merci pour l’article!

    Comme j’aime bien les chiffres, est-ce que tu crois que t’arriverais à donner un ordre de grandeur concernant ces affluences (de Chenois et Carouge)?
    « Chênois, tout en s’attirant les sympathies, devra se contenter d’affluences modestes, sans commune mesure par exemple avec celles d’Etoile Carouge lors du bref passage des Stelliens en LNA (1977-1978) »

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    1. Deux affluences sont restées dans les mémoires celle contre le FC Bâle et contre le FC Zurich. Mais ce n’était que deux fois. En plus, Etoile Carouge n’a jamais réussi à se maintenir à LNA. En un an, ils sont passés de la LNA à la première ligue. Et même dans les années ’90 (97-98) quand ils sont remontés, ils n’ont pas réussi à rester.
      Chênois a aussi eu des belles affluences, mais plus personne n’en parle, parce que c’est devenu beaucoup plus banal vu qu’ils sont restés 8 ans en LNA (73-81) en se qualifiant deux fois pour la finale de la Coupe de Suisse. Il s’en est fallu d’un rien qu’il se qualifie pour la finale en ’79. Et ce qui a manqué, c’est un certain Pierre-Albert Tachet, auteur des deux buts qualificatifs à Lausanne. Revelli l’avait laissé sur la touche, parce qu’il s’était mis sur la liste des transferts et cet entraîneur borné a privé le club des 3 Chênes d’une finale!!!
      Et dire que les dirigeants avaient partir André Bosson qui s’était pourtant bien débrouillé durant la saison précédente (77-78).

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  2. Merci pour l’artcile sur une de mes idoles des années 80-83. Chenois avait un fidèle public de 1500 spectateurs avec des pointes contre Servette (5’500), Sion et Bâle. CSC le club de mon coeur (même avant Servette je l’avoue)!

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    1. Heeuu
      C est dans l article :
      Un heureux événement : le 22 janvier 1988 naissait Vincent Ruefli ! La saga footballistique familiale aura encore de beaux jours devant elle… Quant au papa, il emmenait l’année suivante Collex-Bossy en première Ligue en compagnie des vieux briscards Raul Nogues et Jean-Paul Fernandez.

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  3. Il me semble que le record du stade des Trois-Chênes a été établi lors de la victoire 1-0 contre Servette avec 9’100 spectateurs, dont certains debout sur le toit de l’ancienne buvette…

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  4. Il y avait au CSC un certain Oscar Gissi, un argentin é la chevelure « afro ». il m’entraînait en juniors E dans les années 90. Est-ce le père de Kevin, qui a joué hier soir avec Servette?

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  5. En tout cas une bien belle retrospective, mettant en parallèle le passé et le présent, merci.
    Pont et Rueffli sont aujourd’hui parmi les meilleurs symboles de la génération… Alvès !

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  6. Contrairement à ce qui a été pretendu, Chênois n’a pas toujours lutté contre la relegation quand l’equipe jouait en LNA. Au contraire, pendant plusieurs les Chênois ont eu pour ambition de participer au Tour final pour le titre, qui ne reunissait à l’epoque que les 6 premiers du classement (sur douze) contrairement à ce qui se fera plus tard dans les années ’80.
    Durant 3 saisons (76-79), ils ont vecu avec cette perspective. Un objectif qui ne fut jamais atteint certes, mais à aucun moment l’equipe des 3 Chênes n’a eté en réel danger de relegation ces années.
    Enfin, deux mots sur Hervé Revelli: il n’a jamais fait l’unaninimité. André Bosson et Roger Vonlanthen ont fait aussi bien que lui en championnat. Seul fait d’armes à son actif: la qualification pour les demi-finales de la Coupe en avril ’79 (le lundi de Pâques).
    A cette occasion, il n’a rien trouvé de mieux que se passer de Pierre-Albert Tachet, pourtant auteur des 3 buts contre le Lausanne-Sports en quarts de finale, parce que celui-ci s’etait mis sur la liste des transferts.
    Chênois a ainsi connu l’elimination à Berne contre Young Boys, alors que Manai (Ali de son prenom) a tiré un penalty sur la latte à la 99e de jeu (prolongations) avant que l’Allemand Hüssner (un ancien Servettien) ne crucifie les Chênois à la 105e.
    Bref, les dirigeants de l’epoque ont eté plutôt mal inspiré en l’engageant. Et ce n’est pas par hasard s’il est parti alors qu’il avait encore une année de contrat à l’issue de la saison 79-80 (au cours de laquelle Chênois a lutté contre la relegation ne se sauvant qu’à l’avant-dernière journée).
    Bref, ensuite c’est le depart de Tachet (à LS), Garande (retour en France) et Mustapha (Sfc) qui ont decapité le potentiel offensif du club rouge et blanc (26 des 40 buts marqués à eux 3 durant la saison 79-80).
    Fait saillant. le CSC a eté relegué alors que la LNA passait de 14 à 16, laissant la place au FC Aarau, au Vevey-Sports (de Paul Garbani) et à Bulle.
    Durant les années ’80, Chênois a bien tenté de remonter, mais sans succès, il n’y avait que deux promus et deux relegués, son meilleur classement etant 3e.
    Comme quoi, contrairement à une legende très repandue à l’epoque, la Ligue A à 16 ne favorisait nullement les petits clubs ou les clubs formateurs. Le Vevey-Sport a multiplié pour finir durant 6 ans entre la 11e et la 14e, sans jamais reussir quoique ce soir de relevant en Coupe de Suisse, au contraire de Chênois, qualifié deux fois pour les demi-finales (74-75 et 78-79), suivi d’une qualification memorable pour les quarts de finale (decembre ’79). Lors de ce match perdu contre les Young Boys (0-1), à la dernière minute, Michel Pont a fait une mauvaise passe aussitôt interceptée par un jaune et noir (plutôt jaune d’ailleurs) contre-attaque, centre et but de Kudi Müller (lui aussi un ancien Servettien) qui venait de casser la jambre Livio Pelfini une heure plus-tôt (pourtant son ancien coequipier la saison precedente dans le club de la capitale)…

    aujourd’hui le CSC est deuxième ligue interregionale (5e categorie) et on ne trouve pas trace de l’Histoire du club sur leur site internet!

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