Renquin libère le Prince !

Ce dimanche, le FC Lucerne viendra à Genève avec son nouveau coach… Attention ! Parfois, le nouveau venu chamboule un brin les schémas tactiques de son prédécesseur et d’un coup de baguette magique, une mécanique brinquebalante se mette d’un seul coup à vrombir. Des Lucernois venus la fleur au fusil affronter un Servette moribond en avaient fait l’amère expérience en repartant des Charmilles avec six buts dans leurs valises…

Servette, morne plaine

Aux débuts des années 1990, le Servette FC se débattait entre un marasme sportif prolongé et des soucis financiers que d’éphémères présidents ne parvenaient pas à dissiper. La saison 1991-1992 était bien mal emmanchée : à la traîne en championnat, Servette avait de surcroît dû attendre les tirs au but pour sortir de la Coupe de Suisse la modeste formation de Monthey. L’entraîneur belge Jean Thyssen avait été débarqué après seulement quelques matchs en août 1991 et un triumvirat de vieilles gloires, -Hermann / Barlie / Mocellin-, assurait l’intérim. La direction servetienne s’était mis en tête d’engager le Roumain Ienei pour coacher l’équipe. Ce louche personnage aux multiples casseroles s’était toutefois vu refuser son permis de travail par les autorités cantonales, il avait donc fallu se tourner vers un autre ancien joueur : Michel Renquin.

Les dirigeants servettiens Mocellin et Morard présentent le nouveau coach : Michel Renquin (à gauche)

Un retour qui fait l’unanimité

Le choix de l’ancien international belge (55 sélections), vainqueur de la Coupe et du championnat avec Servette dans les années 1980, a le don de recueillir un assentiment général au sein du club. S’étant récemment occupé du mouvement junior du FC Sion, Michel Renquin connaissait bien le football helvétique, c’est d’ailleurs à titre de « collaborateur technique permanent » qu’il rejoint la maison grenat : il prenait certes en main les rênes de la première équipe mais était également censé jouer le rôle d’un manager sportif supervisant la formation. En attendant que les deux postes puissent être pourvus par deux personnes différentes…

Renquin sur le banc servettien

Un potentiel sportif en jachère

Sur le plan sportif, le Servette FC valait en principe mieux que son classement calamiteux : même si l’éviction de Pédat avait fait plus que grincer les dents des supporters servettiens, le Valaisan Marco Pascolo s’affirmait lentement comme le meilleur portier du pays ; en défense Schepull ou Schällibaum ou Djurovski restaient des valeurs sûres ; Heinz Hermann et Jean-Michel Aeby représentaient des milieux de terrain de valeur et en attaque le SFC pouvait compter sur le fidèle José Sinval, un nouveau centre-avant danois -Miklos Molnar- et surtout sur l’aussi génial qu’imprévisible Igor  Dobrowolski, un des tout grands espoirs européens du moment, prêté par le FC Genua. Ne manquait que le feu sacré…

Début de match débridé contre Lucerne 

L’entrée en fonction de Michel Renquin coïncide avec une rencontre aux Charmilles contre le FC Lucerne le 4 octobre 1991. A peine le match avait-il débuté que le jeune Dietlin adressait un centre au cordeau à l’intention de Dobrowolski. Critiqué pour son indolence maladive depuis le début du championnat, l’ex-Soviétique se fendait alors d’une somptueuse reprise de volée qui permettait aux Grenats d’ouvrir la marque. Dans la foulée, Miklos Molnar envoie de l’occiput une balle qui, suite à un cafouillage du portier lucernois trahi par le gazon détrempé, fuse dans les filets. Les spectateurs en délire ne reconnaissent plus les poussifs joueurs sans âme dont les performances de début de saison avaient été indignes. Renquin avait-il su insufler la passion qui l’habite à ses troupes ?

Lucerne refait surface

Ce qui est certain, c’est qu’il n’avait pas encore eu le temps d’inculquer à son arrière-garde l’intransigeance défensive qui le caractérisait en tant que joueur. Bien que privés d’Adrian Knup qui était alors le plus efficace buteur de la Nati, les Lucernois allaient montrer d’étonnantes ressources offensives en la personne du remuant Nadig qui profita de deux centres dans le paquet pour tromper la vigilance de Pascolo. Guère à son affaire, la défense servetienne se troue quelques minutes plus tard et permet à un certain Martin Rueda de donner l’avantage à ses couleurs. Après 13 minutes de jeu seulement, Lucerne menait donc 2:3…

Renquin scotché à la ligne de touche

On craint le pire pour les Grenats mais Michel Renquin se poste résolument le long de la ligne de touche et hurle ses consignes à ses joueurs (il arrivera aphone à la conférence de presse et s’excusera de son manque d’habitude !). Sur le terrain, le capitaine Heinz Hermann s’efforce de redisposer ses coéquipiers. Et ça marche… Sur un coup-franc du désormais incontournable Igor Dobrowolsky, Jacobacci remet les pendules à l’heure peu avant la demi-heure de jeu. Puis, il rend la pareille à son coéquipier en lui permettant d’ajuster une seconde reprise de volée qui fait mouche. Servette regagne ainsi les vestiaires avec un avantage d’un but !

Servette fait corps et porte l’estocade

Après cette première mi-temps peu banale, les deux équipes resserrent les boulons défensivement. On sent les Lucernois proches de l’égalisation mais Servette résiste valeureusement. L’entrée d’Arne Stiel en fin de match fait définitivement pencher la balance du côté des Grenats avec deux nouvelles réussites (Hermann et Molnar) : score final 6:3, une vraie fête de tir pour la plus grande joie des 5200 spectateurs des Charmilles ! Et dire que Sinval était suspendu…

Un joueur qui  crève l’écran…

Epoustouflant face à la rugueuse défense lucernoise, Igor Dobrowolski avait montré à tous ses détracteurs qu’il était indiscutablement un joueur de calibre européen. A cause de son manque de participation défensive, Jan  Thyssen n’avait pas misé sur lui au cours des premiers matchs ou alors l’avait confiné dans le couloir gauche. Michel Renquin avait eu le don de libérer son joyau slave, conscient qu’il était un grand artiste, un numéro 10 typique aux dribbles et aux chevauchées inoubliables.  A l’arrière, il n’apportait quasiment rien, ce seront donc Aeby et Hermann qui se chargeront de la besogne. Ainsi affranchi des soucis à mille lieue de son génie, il allait donner sa pleine mesure !

Dobrowolski et Molnar, un duo inoubliable, trop vite reparti sous d’autres cieux…

… et souffle le chaud et le froid

Avec Renquin à la barre et Dobrowolski comme maestro, Servette enchaînera les belles performances durant l’automne, attirant 18 000 personnes pour le derby lémaniques et décrochant une méritoire quatrième place à l’issue du tour préliminaire. Hélas, l’équipe allait de façon croissante ne plus dépendre que du bon-vouloir de son Prince Igor. Or, ce joueur merveilleux était lunatique et noctambule. Le journal «Sport» analysait les choses ainsi : «Dobrowolski  est irremplaçable  pour  Servette, en dépit de ses décrochages temporaires, en dépit de son caractère complexe, en dépit de son hyper-sensibilité et aussi en dépit de son penchant pour la suffisance.» A ses côtés, José Sinval vit une seconde jeunesse et Molnar marque des buts. Avec 18 réussites (12 tour de qualification/6 tour final) il fut couronné roi des buteurs. Malheureusement, parfois l’envie manquait chez Dobrowolski et dans ces moments-là, toute l’équipe servettienne toussotait. Au final, le club n’épingle que la cinquième place en raison d’une fin de saison laborieuse. En Coupe, Servette échoue les armes à la main contre Lugano en demi-finale…

Par la suite, « Dobro », naturellement meilleur joueur étranger de LNA durant la saison 1991-1992, se vit toujours refuser une grande carrière malgré un titre de champion de France avec l’Olympique de Marseille. Quant au passage de Renquin sur le banc des Charmilles, il n’allait malheureusement pas connaître l’apothéose suggérée par ce départ en fanfare. Nous vous l’avions conté dans une chronique que nous lui avions consacrée : Un Servettien renonce à l’Euro !

Il est aussi possible de revoir des extraits filmés de ce match : à ne pas manquer : http://www.youtube.com/watch?v=JC8nsBzghXI&feature=youtu.be

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

Dernière chronique : une première victoire à la Praille

La semaine prochaine : Challandes est venu…

Voici en outre quelques chroniques concernant les rencontres entre Servette et Lucerne :

Deux fois meilleur buteur avec Servette, avant de partir à Lucerne : John Eriksen

Un peu d’histoire : Battre Lucerne et devenir champion ?

Le premier match du FC Lucerne en LNA à domicile… à la Pontaise !

27 réflexions sur « Renquin libère le Prince ! »

  1. d apres cetaine rumeur le Servette fc club serait a bout de liquidite et aurait du mal a finir l exercicre en cours !!!
    Manque de sponsor , manque de publics . etc
    la chalenge league s annonce pour l annee prochaine ….
    info ou intox ??? les EDs ont il des news la dessus ???

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      1. Alors pourquoi il n y α aucune news de la direction aucune conference de presse presque pas de sponsors et un mercato bacle???c est tout de meme pas rassurant…..

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      2. Ou tu vois un mercato baclé? On pète pas au dessus de nos moyens et le mercato est très bon et intelligent.

        Les résultats vont suivre et tu viendras t’excuser publiquement dans le rond central lors du dernier match de la saison ! 🙂

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  2. Avec l argent du serveton on pourras juste terminer la saison sans apport d argent extraordinaire comme un constantin a geneve ca sent la fin des haricots !!!

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  3. Si le club n’avait pas d’argent il ne lancerait pas des offres avec des matchs gratuits sérieusement ne vous inquiétez pas !!!

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  4. Trois petites anecdotes pour compléter l’analyse ci-dessus.

    Cette saison-là le SFC était rentré dans l’histoire en perdant 4-3 à Sion lors du tour final après avoir pourtant mené……….
    3-0 à la mi-temps !

    En faisant 0-0 lors de l’avant-dernière ronde, match retour, aux Charmilles, Sion avait décroché son premier titre national.

    La charnière centrale était composée d’un duo au doux noms de Geiger et Brigger, tout un symbole. Le meneur de jeu s’appelait Gabriel Calderon et le latéral droite Nestor Clausen, tous deux champions du monde en 1986 avec Maradona.

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    1. Intrinséquement, Servette était supérieur à Sion, en témoigne la victoire acquise à Tourbillon (2:3) quelques semaines après le match contre Lucerne abordé par cette chronique mais bon, il faut bien laisser sa chance à tout le monde ! Avec Sion champion et Lucerne vainqueur de la Coupe cette année-là, le football suisse allait bien mal…

      Quant à Calderon, tu t’enflammes un peu : il marquait certes quelques buts de temps à autre mais de là à être champion du monde, il y a un pas qu’il n’a jamais franchi. Il ne figurait pas dans l’effectif argentin de 1986 !

      Merci pour tes commentaires !

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      1. Tu as raison c’est Clausen qui était champion du monde en 1986. Calderon c’est contenté d’un titre de vice-champion du monde en 1990…

        C’est vrai que des joueurs avec un tel pédigrée foisonnaient dans notre championnat à cette époque….

        Je te laisse les liens suivants pour que tu puisses te faire une idée exacte du parcours des deux cocos en question.

        http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Calder%C3%B3n#Palmar.C3.A8s

        http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9stor_Clausen.

        A l’heure actuelle, tu oublies d’engager des mecs comme ça, surtout à moins de 30 ans.

        Quant à savoir qui était intrinsèquement supérieur cette saison-là, je te laisse prendre connaissance des contingents respectifs. Juste que tu saches que l’année précédente Sion avait fini deuxième derrière GC et avait remporté la coupe. Grâce à deux minots alors inconnus..

        Pis tu sais, entre-nous, avec mon âge canonique j’ai passé le temps de m’enflammer.

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      2. Je situe tout à fait ce qu’était Clausen et Calderon et je pense aussi que si Calderon était venu un an plus tôt, Sion aurait pu être aussi champion l’année précédente.

        Toutefois, sans méchante polémique, dans mon souvenir, Sion n’était pas vraiment un “beau champion”. D’accord, le public était fervent et bien des jeunes du cru ont participé à ce sacre mais l’entraîneur Trossero était imbuvable et des joueurs comme Baljic ou Lehmann étaient franchement insupportables. Ce n’est pas un parti pris de dire que cette année-là, Servette était une équipe spectaculaire alors que Sion était surtout solide pour ne pas dire parfois teigneuse (match décisif contre Xamax).

        Aujourd’hui, les champions du monde doivent être largement trentenaires pour venir en Suisse… Je pense qu’à l’époque l’écart financier entre la Suisse et les grands pays d’Europe était moindre qu’aujourd’hui, les droits télé n’avaient pas encore explosé. Outre les Argentins de Sion, il y avait eu Tardelli, Altobelli, Rummenigge…

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  5. Super article, bravo les gars.
    Que de souvenirs ce match ! J’y étais et m’en souviens très bien !
    Quel plaisir de revoir la vidéo !
    GÉNIAL !!!
    MERCI !!!

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  6. C’est la qu’on voit que 5’200 spectateurs aux Charmilles fait bien moins vide que le même nombre de spectateurs à la Praille.

    Merci pour ce petit bout d’histoire!

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    1. C’est ce que j’avais déjà dit le stade aurait du etre construit pour 15’000 place. Saint-Gall et Lucerne mais quand t’es 6’000-8’000 t’as pas une impression de vide. Rien que pour les joueurs…

      En plus quand un stade est plus petit pour les grosse affiche, ça rend les gens plus enclin à s’abonner, car les billets sont plus rare:-)

      Enfin on va pas se plaindre d’avoir un gros stade qui peut rapporter avec des rencontres internationnal

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  7. Très chouette article ! J’espère que vous reparlerez du Servette-Lausanne de 1991 à l’occasion du derby lémanique, ce match reste un de mes premiers (j’avais dix ans) grands souvenirs liés au Servette, 18’000 spectateurs aux Charmilles, c’était le feu !

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    1. En vérité, il y avait eu 18’500 spectateurs.
      Le slogan dans « La Suisse » était le suivant : »avec vous, nous serons 20’000″.
      Schürmann avait ouvert le score d’un tir de 30 mètres…sur le poteau qui était rentré dans les buts Servettiens après avoir tappé le dos de Pascolo.
      Et c’est…le Prince Igor qui avait égalisé en se jetant sur un centre de Dietlin pour dévier le ballon du pied gauche !
      Mon premier grand souvenir !!!
      Merci Servette !

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