La princesse Margareth avait définitivement jeté le comte de Snowdon comme un vulgaire sachet d’orange pekoe, les Brigades Rouges venaient d’envoyer l’infortuné Aldo Moro sucer la camomille par la racine, Johann Cruyff et Paul Breitner renonçaient à aller chausser leurs crampons devant le général Videla et ses sbires de l’ESMA et les citoyens suisses s’apprêtaient benoîtement à accepter l’introduction de l’heure d’été. Avec Servette, Carouge et Chênois, Genève représentait le quart de la LNA, les Grenats étaient d’ailleurs encore bien lancés dans la course au titre. Mais l’obstacle à franchir n’était autre que le leader Grasshoppers…
La bouteille à l’encre pour le titre
A deux journées de la fin du championnat, le Servette FC, en embuscade un point derrière les deux leaders Lausanne-Sports et Grasshoppers, a encore toutes les cartes en main : ne doit-il pas accueillir les Zurichois avant de se rendre à la Pontaise ? En cas de double victoire des Grenats, seul le FC Bâle, alors à égalité comptable avec eux, pourrait encore avoir son mot à dire. Ces deux formations venaient d’ailleurs de se quitter sur un score nul (2:2) au Stade Saint-Jacques devant 15 000 spectateurs. Les Grenats sautont-ils faire trébucher l’autre gros calibre alémanique de cette saison-là, le Grasshoppers Club ?
Défaite interdite !
Avant ce choc, pour les deux équipes, la défaite est totalement interdite : elle ruinerait leurs chances de décrocher le titre dans ce sprint final haletant. Du côté des Grenats, une statistique encourageante : depuis que l’Allemand Johannsen a pris la direction de l’équipe zurichoise, elle n’est plus parvenue à battre Servette en sept confrontations en championnat auxquelles s’ajoute un match nul en finale de la Coupe parité (2:2) deux semaines plus tôt. L’entraîneur Peter Pazmandy est par contre préoccupé par des soucis d’effectif : Marchi, un pion important du milieu de terrain est blessé (Marc Schnyder le remplacera) et l’Anglais Chivers est incertain (il sera aligné mais sans son rendement habituel). Du côté zurichois, entre les rencontres européennes (GC ne sera sorti qu’en demi-finale de la Coupe de l’UEFA), de Coupe de Suisse, de championnat, de Coupe de la Ligue et pour certains les matchs de la Nati, on enchaîne les semaines anglaises avec un effectif pourtant limité à quinze joueurs sans fatigue apparente. Durant les jours qui précèdent le match, la pluie qui se déverse sur Genève paraît plutôt favoriser le jeu de contre-attaque des Sauterelles que l’élaboration du football léché des Servettiens…
Une première mi-temps bloquée
15500 spectateurs s’étaient massés sur les gradins des Charmilles sous une pluie fine du mois de mai 1978. D’emblée, les Servettiens prennent le contrôle des opérations que des Zurichois manifestement venus pour défendre ne songent guère à leur contester. Face à l’impitoyable marquage des défenseurs adverses, les attaquants servettiens sont mis sous l’éteignoir à l’approche du but. Incapable de résoudre le casse-tête posé par la défense zurichoise, Chivers, Peterhans et Thouvenel redoublent de petites passes mais négligent de passer par les ailes, l’absence de Joko Pfister (cf. notre chronique Brechbühl blesse Pfister), toujours en délicatesse avec son genou, se fait durement ressentir. A la demi-heure de jeu, les Sauterelles lancent une vive contre-attaque qui permet à Ponte de filer seul vers le but du portier servettien Karl Engel. Suite à cette alerte sans frais, un coup-franc de Barberis trouve la tête de l’Anglais Chivers, Roger Berbig dévie alors du bout des doigts. Le match semble lancé mais la pugnace domination servettien ne débouche que sur une nouvelle contre-attaque de GC : sur un centre d’Elsener, Ponte trouve une fois de plus Engel sur sa route. A la mi-temps, prédomine toutefois le sentiment que Servette pourra faire basculer la rencontre…
Un forcing endiablé
Dès la reprise, avec beaucoup d’abnégation, les Grenats reprennent leurs incessants assauts contre l’hermétique muraille bleue et blanche. Barberis et Andrey mettent toute leur ardeur à pourvoir leurs attaquants en ballons, secondés par les habiles décrochements des latéraux Bizzini et Valentini. Hélas, le trio d’attaquants ne parvient que rarement à extraire le ballon de la mêlée et l’arrière-garde zurichoise conserve suffisamment de lucidité pour écarter les situations les plus dangereuses. Sur un tir d’Andrey, Nafzger supplée son gardien avec beaucoup de sang froid en sauvant sur la ligne. Peu avant le terme, Barberis dribble deux défenseurs avant d’ajuster le but de Berbig qui se fend d’une superbe parade. Au nombre de corners, Servette l’emporte haut la main (15-2) mais le score reste désespérément nul et vierge. Une fois de plus, Servette ne peut que déplorer son manque de force de pénétration offensive. La débauche d’énergie des joueurs grenat aura été vaine, Servette est le vainqueur moral de cette partie engagée mais voit ses espoirs de décrocher le titre s’envoler. Profitant de la défaite de Lausanne à Zurich, GC prend ainsi la tête du championnat en compagnie d’un certain FC Bâle qu’il devra affronter à l’enseigne de la dernière journée…
Une revanche en Coupe
Lors de l’ultime journée de championnat, Servette parvient à disposer du Lausanne-Sports (1:2) devant les 18 000 spectateurs de la Pontaise à l’issue d’une partie d’une très haute tenue. Chivers avait ouvert le score, se portant ainsi en tête du classement des buteurs mais par la suite le Lausannois Künzli marquera à son tour pour s’octroyer seul la couronne de meilleur canonnier du pays. Grasshoppers pour sa part prend la mesure du FC Bâle dans l’ultime quart d’heure (4:2) devant 25 000 spectateurs. Ce finish spectaculaire et serré devant des affluences réjouissantes conduit à considérer l’édition 1977-1978 comme une des plus belles du championnat suisse. Dans la foulée, la finale de la Coupe de Suisse à rejouer voit donc s’affronter le champion zurichois et son dauphin genevois. Cette finale du 4 juin 1978 permettra à Jean-Christophe Thouvenel, dont les velléités avaient été extrêmement confuses lors du match en championnat, d’offrir à ses partenaires un joli cadeau d’adieu avant son retour en France en signant le seul but de la partie. Le SFC cuvée 1977-1978 ajoutait ainsi un trophée Aurèle-Sandoz au palmarès du club en attendant l’avalanche de trophées la saison suivante…
Jacky Pasteur et Germinal Walascheck
Autres chroniques sur les matchs Servette – GC :
Trello : un des plus grands !
Servette- Grasshoppers : le mano a mano du début des années 1980
La semaine prochaine : Servette et Lucerne s’échangent leur monstre des surfaces de réparation
Dernière chronique : dernière acte avant la faillite
La belle époque! Si on ne gagnera pas le titre cette saison, battons déjà GC pour nous relancer!
J’aimeJ’aime
…oui, les années septante, c’était la décade prodigieuse!
J’aimeJ’aime
Oui, certes il y avait eu un succès en Coupe tout au début de la décennie 70, mais ce que je trouve fascinant c’est cette longue et régulière montée en puissance au fil des années jusqu’au bouquet final de 1979. Rappelons que durant toute cette période, Servette n’a pratiquement connu que deux entraineurs (Sundermann puis Pazmandy), à mettre en perspective de ce qui a suivi…
Dans cette décennie j’aime aussi ce côté duel des grandes villes : Zurich-Bâle-Genève avec le sentiment que les antagonismes culturels étaient beaucoup plus flagrants au niveau du jeu et de la mentalité. Je n’ai qu’effleuré ce point dans cette chronique mais en lisant quelques textes alémaniques, j’étais frappé de voir que GC était Considéré comme « un beau champion » car ses joueurs n’étaient jamais fatigués, solides, réguliers…
J’aimeJ’aime
Et si je vous donnais une baguette magique ?
J’aimeJ’aime
Qui était le président durant cette décennie? Cohanier si je ne me trompe… Celà a dû avoir une grosse importance, non?
J’aimeJ’aime
Dupont puis Cohanier
J’aimeJ’aime
Merci, je ne me souvenais que de Cohanier, à cause des 4 titres de 1979…
J’aimeJ’aime
Oui, effectivement, il n’y a a aussi eu que deux presidents de toute la decennie…
J’aimeJ’aime
Une question a Germinal,dans la photo d’équipe du Sfc77-78,
on parle de Claude Sarrasin au premier rang,il me semble
plutot que c’est le regretter Jean-Yves Valentini.Sarrasin est
venu au Sfc,si je ne me trompe pas en 79-80.Mais peut être
ma mémoire me joue des tours,peux tu éclairer ma lanterne
sur ce sujet.
J’aimeJ’aime
Tu as mille fois raisons sur les deux points !
Un bon point pour ta mémoire sur ce coup-là ! Merci.
J’aimeJ’aime
Je vous remercie! Je vais changer partout!
J’aimeJ’aime