Servette se casse les dents sur la défense de Grasshoppers et dit adieu au titre

La princesse Margareth avait définitivement jeté le comte de Snowdon comme un vulgaire sachet d’orange pekoe, les Brigades Rouges venaient d’envoyer l’infortuné Aldo Moro sucer la camomille par la racine, Johann Cruyff et Paul Breitner renonçaient à aller chausser leurs crampons devant le général Videla et ses sbires de l’ESMA et les citoyens suisses s’apprêtaient benoîtement à accepter l’introduction de l’heure d’été. Avec Servette, Carouge et Chênois, Genève représentait le quart de la LNA, les Grenats étaient d’ailleurs encore bien lancés dans la course au titre. Mais l’obstacle à franchir n’était autre que le leader Grasshoppers…

La bouteille à l’encre pour le titre

A deux journées de la fin du championnat, le Servette FC, en embuscade un point derrière les deux leaders Lausanne-Sports et Grasshoppers, a encore toutes les cartes en main : ne doit-il pas accueillir les Zurichois avant de se rendre à la Pontaise ? En cas de double victoire des Grenats, seul le FC Bâle, alors à égalité comptable avec eux, pourrait encore avoir son mot à dire. Ces deux formations venaient d’ailleurs de se quitter sur un score nul (2:2) au Stade Saint-Jacques devant 15 000 spectateurs. Les Grenats sautont-ils faire trébucher l’autre gros calibre alémanique de cette saison-là, le Grasshoppers Club ?

Le Servette FC 1977-1978
Derrière: Monnier (assistant), Marc Schnyder, Jean-Christophe Thouvenel, « Joko » Pfister, « Didi » Andrey, Jean-Luc Martin
Au milieu: Martin Chivers, Hanspeter Weber, M. Locca, Roger Cohannier (Président), Peter Pazmandy (entraineur), Serge Trinchero, Lucio Bizzini
Devant: Karl Engel, Gilbert Guyot, Franz Peterhans, Jean-Yves Valentini, Franco Marchi, Umberto Barberis, Aldo Brignolo

Défaite interdite !

Avant ce choc, pour les deux équipes, la défaite est totalement interdite : elle ruinerait leurs chances de décrocher le titre dans ce sprint final haletant. Du côté des Grenats, une statistique encourageante : depuis que l’Allemand Johannsen a pris la direction de l’équipe zurichoise, elle n’est plus parvenue à battre Servette en sept confrontations en championnat auxquelles s’ajoute un match nul en finale de la Coupe parité (2:2) deux semaines plus tôt. L’entraîneur Peter Pazmandy est par contre préoccupé par des soucis d’effectif : Marchi, un pion important du milieu de terrain est blessé (Marc Schnyder le remplacera) et l’Anglais Chivers est incertain (il sera aligné mais sans son rendement habituel). Du côté zurichois, entre les rencontres européennes (GC ne sera sorti qu’en demi-finale de la Coupe de l’UEFA), de Coupe de Suisse, de championnat, de Coupe de la Ligue et pour certains les matchs de la Nati, on enchaîne les semaines anglaises avec un effectif pourtant limité à quinze joueurs sans fatigue apparente. Durant les jours qui précèdent le match, la pluie qui se déverse sur Genève paraît plutôt favoriser le jeu de contre-attaque des Sauterelles que l’élaboration du football léché des Servettiens…

Une première mi-temps bloquée

15500 spectateurs s’étaient massés sur les gradins des Charmilles sous une pluie fine du mois de mai 1978. D’emblée, les Servettiens prennent le contrôle des opérations que des Zurichois manifestement venus pour défendre ne songent guère à leur contester. Face à l’impitoyable marquage des défenseurs adverses, les attaquants servettiens sont mis sous l’éteignoir à l’approche du but. Incapable de résoudre le casse-tête posé par la défense zurichoise, Chivers, Peterhans et Thouvenel redoublent de petites passes mais négligent de passer par les ailes, l’absence de Joko Pfister (cf. notre chronique Brechbühl blesse Pfister), toujours en délicatesse avec son genou, se fait durement ressentir. A la demi-heure de jeu, les Sauterelles lancent une vive contre-attaque qui permet à Ponte de filer seul vers le but du portier servettien Karl Engel. Suite à cette alerte sans frais, un coup-franc de Barberis trouve la tête de l’Anglais Chivers, Roger Berbig dévie alors du bout des doigts. Le match semble lancé mais la pugnace domination servettien ne débouche que sur une nouvelle contre-attaque de GC : sur un centre d’Elsener, Ponte trouve une fois de plus Engel sur sa route. A la mi-temps, prédomine toutefois le sentiment que Servette pourra faire basculer la rencontre…

Peterhans jubile, GC fait la grimace, l’ouverture du score lors de la première édition de la finale de la Coupe

Un forcing endiablé

Dès la reprise, avec beaucoup d’abnégation, les Grenats reprennent leurs incessants assauts contre l’hermétique muraille bleue et blanche. Barberis et Andrey mettent toute leur ardeur à pourvoir leurs attaquants en ballons, secondés par les habiles décrochements des latéraux Bizzini et Valentini. Hélas, le trio d’attaquants ne parvient que rarement à extraire le ballon de la mêlée et l’arrière-garde zurichoise conserve suffisamment de lucidité pour écarter les situations les plus dangereuses. Sur un tir d’Andrey, Nafzger supplée son gardien avec beaucoup de sang froid en sauvant sur la ligne. Peu avant le terme, Barberis dribble deux défenseurs avant d’ajuster le but de Berbig qui se fend d’une superbe parade. Au nombre de corners, Servette l’emporte haut la main (15-2) mais le score reste désespérément nul et vierge. Une fois de plus, Servette ne peut que déplorer son manque de force de pénétration offensive. La débauche d’énergie des joueurs grenat aura été vaine, Servette est le vainqueur moral de cette partie engagée mais voit ses espoirs de décrocher le titre s’envoler. Profitant de la défaite de Lausanne à Zurich, GC prend ainsi la tête du championnat en compagnie d’un certain FC Bâle qu’il devra affronter à l’enseigne de la dernière journée…

Barberis trouve la faille dans la défense de GC, il faudra rejouer la finale de la Coupe

Une revanche en Coupe

Lors de l’ultime journée de championnat, Servette parvient à disposer du Lausanne-Sports (1:2) devant les 18 000 spectateurs de la Pontaise à l’issue d’une partie d’une très haute tenue. Chivers avait ouvert le score, se portant ainsi en tête du classement des buteurs mais par la suite le Lausannois Künzli marquera à son tour pour s’octroyer seul la couronne de meilleur canonnier du pays. Grasshoppers pour sa part prend la mesure du FC Bâle dans l’ultime quart d’heure (4:2) devant 25 000 spectateurs. Ce finish spectaculaire et serré devant des affluences réjouissantes conduit à considérer l’édition 1977-1978 comme une des plus belles du championnat suisse. Dans la foulée, la finale de la Coupe de Suisse à rejouer voit donc s’affronter le champion zurichois et son dauphin genevois. Cette finale du 4 juin 1978 permettra à Jean-Christophe Thouvenel, dont les velléités avaient été extrêmement confuses lors du match en championnat, d’offrir à ses partenaires un joli cadeau d’adieu avant son retour en France en signant le seul but de la partie. Le SFC cuvée 1977-1978 ajoutait ainsi un trophée Aurèle-Sandoz au palmarès du club en attendant l’avalanche de trophées la saison suivante…

Jean-Christophe Thouvenel

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

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13 réflexions sur « Servette se casse les dents sur la défense de Grasshoppers et dit adieu au titre »

      1. Oui, certes il y avait eu un succès en Coupe tout au début de la décennie 70, mais ce que je trouve fascinant c’est cette longue et régulière montée en puissance au fil des années jusqu’au bouquet final de 1979. Rappelons que durant toute cette période, Servette n’a pratiquement connu que deux entraineurs (Sundermann puis Pazmandy), à mettre en perspective de ce qui a suivi…
        Dans cette décennie j’aime aussi ce côté duel des grandes villes : Zurich-Bâle-Genève avec le sentiment que les antagonismes culturels étaient beaucoup plus flagrants au niveau du jeu et de la mentalité. Je n’ai qu’effleuré ce point dans cette chronique mais en lisant quelques textes alémaniques, j’étais frappé de voir que GC était Considéré comme « un beau champion » car ses joueurs n’étaient jamais fatigués, solides, réguliers…

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  1. Une question a Germinal,dans la photo d’équipe du Sfc77-78,
    on parle de Claude Sarrasin au premier rang,il me semble
    plutot que c’est le regretter Jean-Yves Valentini.Sarrasin est
    venu au Sfc,si je ne me trompe pas en 79-80.Mais peut être
    ma mémoire me joue des tours,peux tu éclairer ma lanterne
    sur ce sujet.

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