Un Servettien renonce à l’Euro !

Il a connu des sommets de joie et de désillusion avec le club des Charmilles. Son désir de voir triompher les couleurs grenat était tel, qu’il avait même pris la décision de renoncer à un Euro…

Un mondialiste à Genève !

Le Belge Michel Renquin est arrivé à Genève à l’été 1982 avec un statut de grand joueur. Il venait en effet de participer au Mundial espagnol avec son équipe nationale et devait renforcer le compartiment défensif genevois mutilé par les renvois des « anciens » Bizzini, Guyot et Valentini. L’Ardennais sortait alors d’une saison ratée à Anderlecht et souhaitait se relancer. Il est à noter, les temps changent, qu’il était un des deux seuls étrangers à avoir rejoint le championnat suisse cette année-là, les clubs ne pouvant aligner qu’un seul étranger. D’emblée, son association avec Alain Geiger donne au SFC une assise défensive inhabituellement solide. Malgré de prétendus tiraillements relayés par une certaine presse toujours avide de ragots, fin septembre, Michel Renquin dit s’être bien intégré. Un peu déçu d’avoir été écarté du cadre de la sélection belge, il déclare même être un supporter de la Nati à l’occasion de la rencontre des éliminatoires de l’Euro 1984 Belgique-Suisse, par solidarité avec ses coéquipiers : Eric Burgener et Lucien Favre.

Brigger et Renquin, acquisitions-phare pour la nouvelle saison

Une belle saison et des regrets…

Demi-finaliste de la Coupe d’Europe des clubs champions avec Anderlecht la saison précédente, Renquin ne peut que faire profiter de son expérience européenne une équipe servetienne désireuse de briller sur la scène continentale. Les Luxembourgeois de Niederkorn sont balayés, de même que les plus coriaces Polonais de Slask Wroclaw. Malheureusement, Servette trébuche ensuite contre les Tchécoslovaques des Bohemians de Prague après avoir outrageusement dominé le match aller et s’être fait voler par l’arbitre au retour (2:2, 1:2). Le Grenats doivent se rabattre sur le championnat où ils sont très à l’aise malgré des défaites contre GC et Zurich. Intenables aux Charmilles, les Servettiens sont extrêmement réalistes à l’extérieur avec une défense qui encaisse en moyenne bien moins qu’un but par match. A l’heure d’accueillir Grasshopper début avril, Servette est leader, un point devant les Sauterelles. Ce soir-là, Renquin, pièce maitresse de la jeune défense genevoise (Geiger, Dutoit, Seramondi) met totalement sous l’éteignoir Claudio Sulser, meilleur centre-avant suisse de l’époque, par des tacles intraitables. Les Grenats l’emportent 2:1, le titre leur tend la main. Malheureusement, une certaine nervosité touche l’équipe, des bruits de couloir sur toutes sortes de transferts contribuent à la déstabiliser. GC coiffe les Grenats sur le fil et s’adjuge également, dans un match à rejouer, la Coupe de Suisse contre Servette. L’antagonisme des styles est patent entre les « doux poètes » servettiens, au style volontiers bohème et toujours prêts à insufler un grain de folie à un match et des Zurichois au style rigoureux aussi séduisant qu’une porte de caserne. C’est une époque où Servette s’attire des sympathies, souvent encore vivantes aujourd’hui, dans tout le pays.

Toujours excellent avec Servette et de retour chez les Diables Rouges 

Pour aborder la saison 1983-1984, Servette fait l’acquisition de deux défenseurs : le Liechtensteinois Rainer Hasler débarque de Xamax avec une flatteuse réputation, c’est un latéral très offensif. Jean-François Henry arrive, lui, de Vevey. L’entraîneur Guy Mathez souhaite l’associer à Alain Geiger en charnière centrale et transformer Michel Renquin en latéral. Bien que Servette ait bénéficié de la meilleure défense au cours de la saison précédente, le coach grenat avait constaté que sa charnière centrale commettait encore trop d’erreurs simultanées.  Polyvalent, Renquin sera même un temps aligné au milieu de terrain, cela n’empêchera toutefois pas une élimination sans gloire contre les Soviétiques de Shaktor Donetsk en Coupe d’Europe. De façon générale, le début de saison des Grenats n’est pas à la hauteur des espérances, mais les résultats vont crescendo. A nouveau replacé en défense (Geiger, lui, monte au milieu de terrain), Michel Renquin y est pour beaucoup dans les progrès servettiens : presque impossible à dribbler, très rapide et tranchant dans les interventions, toujours prêt à prendre des initiatives pour la construction du jeu, il est, avec Burgener, une garantie d’hermétisme pour la défense des Grenats. Il se rappelle ainsi au bon souvenir du sélectionneur belge Guy Thijs qui n’est toujours pas parvenu à repourvoir de façon convaincante le flanc gauche de sa défense depuis le Mundial espagnol. Le championnat suisse est alors une bouteille à encre où Grasshoppers, Servette, Saint-Gall, Xamax et Sion essaient de tirer les marrons du feu. Servette se qualifie pour la finale de la Coupe et à une journée de la fin, les Grenats ont une longueur d’avance sur GC. Il suffit de battre Xamax à Genève pour sabler le champagne qui est déjà au frais…

Enfin un trophée et une immense désillusion…

Servette croit avoir fait l’essentiel lorsque Brigger ouvre le score, mais les Grenats se déconcentrent et Zaugg égalise dans la foulée. Un match d’appui est nécessaire pour départager Servette des inévitables Grasshoppers. Pour Michel Renquin, les choses se compliquent : la finale de la Coupe est agendée le 11 juin et le match d’appui pour letitre le 15. Or, l’Ardennais est également retenu pour l’Euro 84 qui débute le 12 juin. Il est tenu de faire un choix. L’équipe nationale de Belgique, frappée de plein fouet par le scandale des caisses noires du Standard de Liège, est en reconstruction, Renquin y a en principe retrouvé sa place mais il revient déçu d’un stage d’entraînement avec ses compatriotes. « Je n’ai pas ressenti l’ambiance habituelle, l’équipe manque de confiance » déclare-t-il. Servette lui demande donc de rester, Michel Renquin le souhaite aussi, car il évolue désormais à son poste de prédilection – libéro- avec les Grenats, le poste de latéral gauche de la Belgique le séduit moins. Durant ce conflit de loyauté, L’Ardennais lance : « je suis avant tout un joueur professionnel et j’aime le Servette. Je ne jouerai donc pas le championnat d’Europe des Nations avec la Belgique. Je me plais beaucoup à Genève et paradoxalement je m’y sens moins étranger qu’à Bruxelles où j’étais coincé entre les Flamands et les Wallons ! ». Un terrain d’entente est trouvé avec la Fédération belge, la Belgique est éliminée au premier tour et Michel Renquin ne doit rien regretter puisqu’il conquiert un premier trophée avec Servette : la Coupe de Suisse, contre Lausanne. Reste l’os zurichois… Le match est tendu, assez fermé, les deux équipes se tiennent en respect. A la 110ème minute, l’Autrichien Kurt Jara court vers le but servettien, il a Hasler, Decastel, Renquin et Barberis à ses côtés. Rusé, il réalise un magnifique plongeon récompensé d’un pénalty. Fou de rage, Michel Renquin craque et enlève son maillot, prêt à renoncer à la fin de la partie. Andy Egli ne rate pas la cible, une erreur d’arbitrage indigeste scelle le sort de la saison 1983-1984…

Révolte face à l’antisportivité de Jara !

Une saison souveraine

Pour les Grenats, la saison 1984-1985 est une promenade de santé. Certes, l’élimination en Coupe d’Europe face aux Grecs de Larissa à l’automne fait très mal mais, en championnat, un jeu collectif très abouti leur permet de survoler les débats. Servette tombe quelquefois dans la facilité, à l’image de Michel Renquin qui parfois veut trop en faire ou à l’inverse affiche une agaçante nonchalance mais, de façon générale, le Belge est souverain en défense. Ses performances lui valent les louanges du sélectionneur belge Guy Thijs : « nous avons retrouvé un grand « Diable Rouge ». Classe, assurance, maturité, tout le registre y est passé ». Renquin prend part à tous les matchs qui qualifieront la Belgique  pour la Coupe du Monde au Mexique sauf à l’ultime barrage contre les Pays-Bas. Il dit se sentir mieux en sélection ou plus de francophones sont alignés et remercie au passage le Servette FC où il a trouvé sportivement et financièrement, épanouissement et sérénité. Un beau titre de champion suisse couronne sa troisième saison chez les Grenats.

La saison de trop ?

Durant l’été 1985, Renquin s’entraîne à Liège. Il lui reste encore un an de contrat mais un passage chez les « Rouches » se dessine. En Suisse, la saison 1985-1986 voit l’introduction d’une nouveauté : les clubs peuvent désormais aligner deux étrangers. Servette en profite… largement ! A Michel Renquin viennent s’ajouter les Scandinaves Magnusson et Christensen, le Ghanéen Opoku N’ti revient de son prêt à Carouge alors que le Brésilien Celso doit être prêté au CS Chênois. Le nouvel entraîneur Guillou a l’embarras du choix mais n’en tire pas le meilleur parti. Servette se morfond à mi-classement et tombe à Aberdeen en Coupe d’Europe. En décembre, alors que l’on chuchote que Platini pourrait rejoindre les Grenats, Michel Renquin fait ses valises pour le Standard de Liège. A 30 ans, il accepte un contrat moins avantageux mais lui permettant d’envisager sa reconversion. Il prend part au Mondial 1986 où la Belgique, qui fait plaisir à voir, finit quatrième.

Présent pour les grandes heures de la Belgique quitte à poser au passage un petit lapin aux éditions Panini !

A nouveau Servettien !

Décidément, Michel Renquin devait aimer la Suisse : on le retrouve en 1988  au FC Sion, puis, après être passé détecteur de talents chez les Valaisans, il retrouve Servette alors que le club est en pleine crise tant sportive que financière fin septembre 1991. Son arrivée coïncide avec un net regain de forme des Grenats qui sortent d’une qualification aux tirs au but contre Monthey : Lucerne est balayé 6:3, Puis le SFC gagne à Wettingen (3:0) et s’offre le scalp de GC aux Charmilles (2:1). Michel Renquin a eu un coup de génie : libérer Igor Dobrovolsky de toute tâche défensive, lui laisser de la marge de manoeuvre. Il transmet sa passion à son équipe qui enthousiasme le public genevois, plus de 18 000 personnes assistent au derby lémanique du 27 octbre 1991. Malheureusement, la fin de saison est un peu ratée, avec en point d’orgue l’échec en demi-finale de la Coupe contre Lugano aux Charmilles après prolongations. Ce soir-là, sur le banc, en plein désarroi, Renquin semble ne pas comprendre le cauchemar qu’il est en train de vivre ou de revivre. Sur l’autre banc, l’ancien Grenat Karl Engel fume à la chaîne… L’année suivante, Servette, emmené par un somptueux trio Brésilien (Andersson, Sinval, Canil), alterne le meilleur et le pire. Ces résultats en dents de scie coûtent son poste à Renquin au début du second tour. Servette rêvait encore de grandeur et certains voyaient Renquin trop laxiste, peu expérimenté et rappelaient que c’était uniquement parce que les autorités genevoises avaient refusé un permis de séjour au Roumain Jenei qu’il était devenu entraîneur au lieu de « simple » conseiller technique. Il est toutefois impossible de lui faire porter seul le chapeau de la méforme relative du Servette FC : très humain, s’efforçant d’être toujours proche de ses joueurs en les assistant aussi dans leurs problèmes extérieurs au football, il est révolté lorsque durant la préparation hivernale différents joueurs, qui ont la chance de faire un si beau métier, renâclent à jouer un match amical dans le froid contre Bâle. Quoi qu’il en soit, le ressort avec une partie de l’équipe était cassé et Ilja Petkovic redresse alors la barre pour préparer le titre de la saison suivante.

Pensif sur le banc servettien…

Toujours coach

Michel Renquin travaillera un temps pour la Nati puis pour l’OGC Nice, avant de regagner le Benelux. Franc et loyal, il pouvait également être très impulsif, réagissant avec les tripes : alors qu’il évoluait à Anderlecht, il adressa un jour un malheureux salut hitlérien à un arbitre qu’il accusait de favoriser une équipe allemande en Coupe d’Europe. Ce genre de dérapage ne fait que confirmer la passion bouillante qui l’habite et qu’il met actuellement au service des Luxembourgeois du CS Pétange.

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

La semaine prochaine : le roman du retour en Super League

Dernière chronique : les mercenaires grenat

14 réflexions sur « Un Servettien renonce à l’Euro ! »

  1. Bravo pour tous ces textes qui relatent les moments dans l’histoire du Servette, qui permettent de revivre ou d’apprendre le passé du club (comme c’est mon cas)!

    J’aime

      1. 16500 contre Liverpool, 16000 contre Zurich, 15000 contre GC. (moyenne 7940), amsi attention Pleimelding, tu t’enflammes un peu en 1981-1982 Renquin etait encore Anderlechtois. Il est venu juste apres le Munidial 1982.

        J’aime

  2. Rien à voir: Nike ne sera plus l’équipementier du club la saison prochaine…

    Servette sera équipé par la marque de … Christian Karembeu ! Si la marque en question ne bénéficie pas d’une grande renommée le contrat la liant au club serait une opération financière intéressante pour Servette, le montant serait supérieur à 200’000.- !

    source servettien.ch

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.