Bloody Monday de retour aux affaires…

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Les EdS ont beau être parfois critiques, sarcastiques ou dithyrambique (de vrais supporters quoi!), nous savons aussi reconnaître les bons articles. Si la semaine dernière Bloody Monday et Simon Meier étaient dans le viseur du Prince, il sont à l’honneur en ce début de journée avec une belle interview de Lionel Pizzinat…

“C’est maintenant qu’on va voir…”

mardi 14 août 2012 14:55
Lionel Pizzinat, en bon capitaine d’un Servette qui tangue en ce début de saison, lance un appel à ses coéquipiers et au public genevois. Tout en restant confiant, il tire une “petite sonnette d’alarme”.

Bloody Monday: On ose vous demander comment va le moral? Lionel Pizzinat:

Le moral n’est jamais au beau fixe quand on gagne pas de matches. Quand on est en dernière position au classement, voilà… On revient de quelques belles années, avec de beaux succès, et maintenant on a notre première «crise», entre guillemets. Qui va être surpassée, j’en suis sûr.

Vous mettez «crise» entre guillemets. Dans le football comme partout, c’est un mot qu’on n’aime pas trop…

Je tiens un peu à contrôler, ce n’est pas un mot que j’aime dire. Et puis ce n’est pas le cas de le dire, dans le sens où on s’attendait à ça.

Donc l’exercice, c’est d’éviter la crise. Comment faire?

C’est bien là la question: comment faire pour ne pas entrer dans cette crise? Il y a quand même quelques circonstances atténuantes qui font qu’on s’attendait à un début de championnat difficile. L’Europa League et ce à quoi on ne s’attendait pas, les blessés. Ensuite, le championnat est nettement plus relevé cette saison par rapport à l’année dernière. On a le plus petit budget, l’équipe n’a pas énormément été renforcée. Après, comme toujours, on a besoin de tout notre groupe pour être compétitifs, on a besoin que tout le monde soit présent, avec le couteau entre les dents. Et ce n’est pas le cas depuis le début de saison. Maintenant que l’Europa League est finie, qu’on va avoir des semaines d’entraînement correctes, j’espère qu’on va commencer à travailler normalement et à engranger des points.

L’Europa League, c’était un cadeau empoisonné?

Beaucoup disent ça mais ça valait la peine d’être vécu pour un club comme Servette, vu d’où on vient. On vient du fin fond des ténèbres, donc arriver en Europa League c’était un cadeau. C’est vrai que d’un côté, ça nous a coûté quelque chose. Mais c’est une bonne expérience pour tous nos joueurs, tous nos jeunes. Parce qu’il faut le répéter: il y en a beaucoup dans l’équipe, voire la majorité, qui n’ont aucune expérience de la Super League et qui ont connu leur première expérience européenne.

Concernant les blessés, à partir d’un certain nombre, les mauvais esprits ont tendance à dire que ce n’est pas qu’une question de malchance. Qu’en pensez-vous?

Certains joueurs, c’est peut-être un manque de chance, ce sont les événements qui font. Après, les autres, c’est souvent musculaire. On peut aller chercher plusieurs explications.

Comme quoi?

Je ne sais pas, je ne suis pas médecin. Est-ce la préparation invisible du joueur? Est-ce que c’est une surcharge parce que la préparation a été courte? On s’est retrouvés avec beaucoup de matches d’un coup. Alors bon, c’est un joueur de 35 ans qui vous parle, qui travaille à côté et qui n’est pas blessé. J’ai peut-être des muscles plus solides que les autres. Donc je ne sais pas. Ce n’est pas à moi de dire ça. Mais c’est vrai que quand il y a une cascade de blessés comme ça, il faut se poser des questions. Est-ce qu’il y a un manque quelque part, que ça soit du côté du club, dans la façon de s’entraîner? Ou alors il faut chercher du côté du joueur.

Ces dernières années, on a toujours mis en avant l’esprit de famille comme principal atout de l’équipe. Comment résiste-t-il dans cette période difficile?

L’ambiance est encore bonne, on en a vécu d’autres. Maintenant, c’est vrai que ça va être un test important. C’est maintenant qu’on va voir comment on réagit dans un gros moment négatif. Parce que pour l’instant, Servette joue contre la relégation, alors qu’on fait partie d’un club qui n’a jamais été relégué dans l’histoire. Donc ça met une belle pression sur les épaules. Il faut que tous mes coéquipiers en soient conscients. Ce qui est important dans un tel moment, c’est de faire passer tous les intérêts personnels après ceux du club. Si on veut s’en sortir, il faut commencer par là.

Avez-vous l’impression que cela soit le cas?

J’ai l’impression qu’il faut… Disons que je mets une petite sonnette d’alarme. Il faut que tout le monde soit bien conscient, et si ça peut être un appel à mes coéquipiers…

Votre âge, votre brassard et votre lien au Servette FC font de vous un rassembleur désigné. Comment endossez-vous ce rôle?

Déjà, sur le terrain. Ensuite, il faut essayer d’être un peu diplomate dans les moments difficiles. J’essaie simplement d’apporter mon bagage. Et peut-être que moi qui ai tout vécu avec ce club, vraiment tout, les très beaux moments il y a quinze ans, après les moins bons moments quand je suis revenu, et puis de nouveau les beaux… Moi je n’ai plus rien à espérer sur mon futur de footballeur. Donc j’essaie de faire comprendre aux autres joueurs qu’il faut respecter au maximum ce maillot. Parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup d’éléments externes qui peuvent venir perturber le joueur, que ça soit la famille, les agents, les amis ou je ne sais quoi. Il y a beaucoup d’éléments perturbateurs autour. Et si le joueur pense d’abord à lui, à sa carrière – qui est importante aussi – avant le maillot, ça peut poser des problèmes.

Vous mettez les agents dans la catégorie «éléments perturbateurs». Tournent-ils autour de l’équipe pour transférer des Servettiens avant la fin août?

Je ne parle pas tout de suite maintenant, c’est plus général. Je pense surtout pour les jeunes. La jeunesse a beaucoup changé par rapport à mon époque, ils ont beaucoup plus de folie, de personnalité, ils veulent tout tout de suite. Ça peut aussi être une bonne chose, mais il faut faire attention à ne pas trop brûler les étapes. Je sais qu’on est dans un club qui, pour l’instant, n’a pas énormément de moyens. Mais ça reste quand même un club important. Il y a beaucoup de tentations, mais les choses sont claires: quand on est bon sur le terrain, le reste vient tout seul. Peut-être que des fois, on a tendance à penser à autre chose que le terrain. Or le terrain, c’est ce qui prime. Si on est derniers, si on a une relégation, ce ne sera bien pour personne.

En tant que capitaine, parlez-vous beaucoup avec l’entraîneur Joāo Alves ces temps?

Pas spécialement, parce qu’il a l’habitude de gérer les choses à sa manière, et c’est normal. Si vraiment il y a quelque chose qui me déplaît, que j’ai besoin de lui dire, je lui dis. Mais pas plus ces temps que les autres fois. Voilà, il n’y a pas lieu de rajouter de l’huile sur le feu. Ok, on n’est pas bien, mais on pouvait peut-être se l’imaginer avec tous les problèmes qu’on a eus en début de saison. L’important, c’est vraiment maintenant, qu’on revient dans la routine.

Et à l’étage supérieur, comment cela se passe-t-il? Le président Quennec s’est-il signalé à l’équipe ces derniers jours?

Il est en vacances. Il est parti au Canada depuis le début du championnat, je crois qu’il va bientôt rentrer. C’est vrai qu’on a peut-être aussi besoin de sa présence mais après tout ce qu’il a fait la saison dernière… Après le travail colossal qu’ils ont accompli pour sauver le club, c’est normal qu’ils aient besoin d’un petit peu de vacances. Maintenant, on va retrouver une stabilité, une routine, et c’est vrai qu’on va avoir besoin de tout le monde, et aussi de la présence des dirigeants. Même si monsieur Quennec nous a envoyé des messages d’encouragement.

Inconsciemment, pensez-vous qu’il y a eu une petite décompression générale après le soulagement et la joie du printemps dernier?

C’est fort probable aussi. C’est vrai que ce qui s’est passé en fin de saison avait quelque chose de miraculeux, avec une part de chance aussi. Et puis on s’est retrouvés tout de suite à l’aube d’une nouvelle saison, en ayant perdu des joueurs importants, ça a traîné un peu pour les transferts pendant que les autres équipes, gentiment, se sont renforcées. Il y a plusieurs facteurs. La deuxième saison après la promotion est aussi toujours la plus difficile. Parce qu’elle vient après la première, où tu surfes toujours un peu sur la vague et après, tu es attendu au tournant. Moi, avec la petite expérience que j’ai, je me méfiais beaucoup de ce début de saison. Je ne me suis pas trompé. Après, ça ne veut pas dire que l’équipe va jouer le bas toute la saison, que notre équipe n’est pas bonne. Si on est au complet, on peut régater avec tout le monde.

En football, on parle souvent de confiance. Comment la retrouver, ou alors ne pas la perdre?

En essayant de garder une bonne dynamique de groupe pendant la semaine à l’entraînement, de bien travailler, dans la sérénité, dans le calme. Sortir d’une crise…

Ça y est, vous avez prononcé le mot qu’il ne faut pas…

(Il se marre). Sortir d’une période négative, c’est redoubler d’effort à tous les niveaux: concentration, travail, préparation invisible et personnelle. C’est très important que chaque élément du groupe donne quelque chose en plus et là, ça tourne. Au contraire, si on commence à se chercher des alibis, à mettre la faute sur l’autre… C’est toujours pareil dans le foot. C’est toujours plus serré entre les équipes, donc ça se joue à des petits détails.

Cela fait deux fois que vous évoquez la «préparation invisible». Concrètement, c’est quoi? Comment on dort, comment on mange?

Nous, on est ensemble deux ou trois heures par jour. La préparation invisible, c’est le reste de la journée, ce que fait le joueur. Ce qu’on ne peut pas voir. C’est en principe ce qu’un bon professionnel devrait faire. Comme vous dites, s’occuper de son sommeil, de ce qu’il mange…

Et de ce qu’il boit?

Voilà. Après, je ne suis pas en train de pointer du doigt. Franchement, je ne sais pas. Je ne me permettrais pas de juger les joueurs, parce que je ne sais pas ce qu’ils font à côté. Mais ces détails sont importants quand on parle de blessures, de méformes. Je ne dis pas que c’est ça, mais c’est un élément important pour un groupe.

Beaucoup d’observateurs feront déjà du Servette-Zurich de dimanche un match dit de la peur. Et vous, sous quel signe placez-vous la semaine qui précède cette rencontre?

Déjà, cette semaine à l’entraînement, on pourra travailler beaucoup de choses qu’on n’a pas pu faire jusqu’ici. Sur l’aspect tactique. Sur l’aspect de la force aussi. On n’a pas pu travailler musculairement pendant la préparation parce qu’on n’avait pas les machines aux Evaux. C’est important, pour la puissance. Il faudra faire une semaine pleine et puis empoigner ce match contre Zurich. Match de la peur peut-être, mais ça reste trois points alors qu’il en reste nonante et quelque [93]. Il faut dédramatiser. Ne pas se projeter dans la défaite parce que comme toutes les défaites jusqu’à maintenant, ça te met un coup de marteau supplémentaire sur la tête. Il faut que ça passe et, si l’équipe est là au maximum contre Zurich, ça passera.

Les supporters naviguent entre début d’inquiétude et accès de colère, comme après le 5-1 à Lausanne. Quel message avez-vous envie de leur adresser?

Un message aux supporters? Peut-être un message à tous ceux qui étaient là contre Bâle pour le dernier match de la saison dernière et qui ne sont pas revenus. Ils sont peut-être en vacances, je ne sais pas. On le sait, Genève c’est particulier mais des fois, c’est un peu frustrant pour certains de nos joueurs, ceux qui sont là depuis peu de temps et qui se posent la question: pourquoi finir une saison en apothéose avec quasiment 20 000 personnes au stade et reprendre la saison d’après, toujours contre Bâle, avec 8 000? Ensuite, on prend Rosenborg, quand même une équipe européenne importante, avec à peine 5 000? Donc, voilà. Le message, c’est dire aux gens de venir au stade, pour aider l’équipe. Quand on a eu besoin d’eux la saison dernière, c’était pour accéder à l’Europa League et ils sont venus. Donc il faut qu’ils viennent pour soutenir le groupe, pas seulement dans les bons moments mais aussi dans les mauvais. Qu’ils soient là.

A titre plus personnel, le fait d’avoir un boulot à côté, ça vous aide à évacuer?

Depuis six ans, j’ai l’habitude. C’est vrai que ça aide à relativiser, zapper tout de suite au niveau mental, comme par exemple après un match comme celui de GC. Hier [lundi], pendant la journée de libre, moi j’ai travaillé. Il y a le pour et le contre mais si on a des horaires convenables [il fait 23 heures par semaine dans son agence de voyages], ça permet de s’aérer la tête. Si c’est bien géré, un joueur peut tout à fait travailler à côté. J’y vois plus de positif que de négatif. Comme je viens de l’amateurisme avec Servette, je connais. Avant, je travaillais tout la journée et on s’entraînait le soir. Maintenant, de pouvoir alterner le matin et l’après-midi, c’est presque plus simple. Mais c’est vrai qu’il faut avoir une très grosse rigueur, d’autant que j’ai une famille en plus, avec deux petites filles.

A 35 ans, voyez-vous la fin de votre carrière arriver, ou parvenez-vous à vous projeter dans la suite?

Ça fait trois saisons que je reconduis mon contrat d’année en année. Là, je suis vraiment au jour le jour, de semaine en semaine. Je ne vous cache pas que ces dernières années sont presque les plus belles. J’ai peut-être une sérénité que je n’avais pas avant, et puis je me sens encore bien sur le terrain. Là, j’en suis pratiquement à neuf matches en trois semaines et ça va, hein… Donc, on tient le coup. Tant qu’on a l’envie de se lever, de s’entraîner, de jouer des matches, on continue. Et puis je pense qu’au bout d’un moment, on comprend quand il faut s’arrêter. On est assez grand pour comprendre.

(Photo Lafargue)

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13 réflexions sur « Bloody Monday de retour aux affaires… »

  1. Très bon article sur notre capitaine! B.M. Se rattrape de la semaine passée.
    Encore plus de respect pour Pizzinat après avoir lu ce texte!
    Bravo!

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  2. grazie mille capitaine!!!

    autre chose pour dimanche: une période de canicule va débuter vendredi en Suisse. Les journées les plus chaudes sont attendues entre dimanche et lundi, avec des pics à 36 degrés en Valais.

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  3. Un gars précieux.
    Quand il parle de préparation invisible et de la méforme liée à x ou y facteurs, j’imagine de qui il parle.

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  4. allez un peu de HS un exemple pour la section grenat vraiment incroyable pour mettre l’ambiance dans le stade mais facile à réaliser ca amenera peut-être du monde….

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