
Le lancement des éliminatoires pour la Coupe du Monde brésilienne est l’occasion pour nous de vous présenter la suite de notre chronique intitulée “sous le maillot grenat à croix blanche”. Elle s’efforce de retracer l’Histoire de l’équipe de Suisse dans une perspective servetienne en se focalisant sur le rôle des joueurs du SFC au sein de la Nati et les relations entretenues par le club grenat avec les instances dirigeantes du football suisse. Un coup de projecteur particulier est réservé aux rencontres internationales disputées à Genève.
Le dernier volet de notre chronique – sous le maillot grenat à croix blanche (2)– s’achevait avec l’élimination de l’équipe de Suisse de la Coupe du Monde 1934 organisée en Italie. Les Tchécoslovaques, futurs finalistes malheureux, sortaient logiquement les Suisses sur le score de 3:2. Du côté servettien, on déplorait la non-sélection de l’orfèvre Passello pour le match décisif. De façon générale, la commission technique de l’ASFA (composée de trois membres : un par région) oscillait en ces années-là entre la tentation de sélectionner les joueurs dans un nombre limité d’équipes dans un souci de cohésion (Servette, champion en 1934, possédait alors une ligne d’attaque performante qui aurait pu être reconduite en sélection nationale) et un souci d’équilibre entre les clubs se traduisant par la sélection de joueurs n’étant pas les plus performants. C’est le plus souvent la deuxième option qui l’emportait au détriment des résultats.
La Tchécoslovaquie à Genève !
En cette époque d’émergence de compétitions internationales de football se déroulait la Coupe Internationale européenne. Elle regroupait depuis 1927 quatre très grosses pointures du football européen de l’époque : l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et l’Italie. La Suisse s’était jointe à ce quatuor prestigieux pour ce tournoi se disputant sur le mode du championnat. La compétition s’étalait sur deux ou trois ans, les matchs étaient donc rares, et conséquence de cet éparpillement, en général la presse de l’époque ne mentionnait même pas dans quel cadre ces matchs étaient disputés et le classement n’y figurait pas ! Heureusement pour la Suisse car, déjà battue par l’Italie (2 fois), l’Autriche et la Hongrie elle pointait tout bonnement au dernier rang ! En octobre 1934, elle devait en découdre le vice-champions du monde tchécoslovaques à Genève…
Le public genevois, une vache à lait ?
Le stade des Charmilles avait déjà servi de coulisse aux deux premières sorties à domicile de l’équipe de Suisse en Coupe Internationale européenne. A cette occasion, 140 000 francs de recette avaient été collectés au profit de la caisse centrale de l’ASFA. Dans le contexte des difficultés économiques de l’époque, des voix s’étaient fait entendre pour réclamer une modique baisse du prix du ticket d’entrée. L’ASFA étant restée sourde à cette demande, on déplore qu’elle considère Genève comme une vache à lait mais cela n’avait dissuadé plus de 15 000 personnes de se rendre au stade et la police genevoise avait dû édicter un plan de circulation spécial pour permettre un bon accès au stade aux automobilistes.
Confusion de couleurs
Les Tchécoslovaques entrent les premiers sur leur terrain. Comme c’est devenu la mode en ces temps-là, ils posent souriants sous le crépitement des flashs. Le public, déçu, apprend que quelques stars (le gardien Planicka, héros de la Coupe du Monde, Puc, Swoboda, Cambal) manquent à l’appel, une nouvelle qui ne réjouit que les chauvins ! Puis, les Suisses se prêtent à leur tour au jeu de la photo. Aucun fanion et aucun bouquet n’est échangé, les bonnes habitudes de courtoisie se perdent souligne un chroniqueur… L’arbitre anglais monsieur Levington (qui avait renoncé à siffler le match Arsenal-Manchester pour diriger la partie) donne alors le coup d’envoi puis… se ravise bien vite ! Entre les Suisses en maillots rouges et shorts blancs et les Tchécoslovaques en maillots blancs et shorts rouges, il y a de quoi se méprendre… Il renvoie derechef les Tchécoslovaques au vestiaire et ceux-ci reviennent quelques instants après en ayant revêtu un short bleu ! C’est l’avantage des drapeaux tricolores…
Un début surprenant
Sur la pelouse figurent deux Servettiens : Edmond Loichot au milieu de terrain et Leopold Kielholz en attaque. Loertscher, qui vient de se blesser contre Fribourg manque par contre à l’appel. Le légendaire gardien grenat Frank Sechehaye qui garde les buts suisses vient lui de partir à Lausanne. De façon assez déroutante, les Suisses ont l’emprise sur le jeu, sur un centre du Biennois Von Känel, Kielholz ouvre le score. Il double la mise peu avant la mi-temps mais les Tchécoslovaques reviennent à 2:1 juste avant la mi-temps par l’intermédiaire de Nejdely. La seconde mi-temps est un cavalier seul des Tchécoslovaques qui égalisent à l’heure de jeu toujours par Nejedly, le meilleur canonnier de la récente Coupe du Monde.

Le match se termine sur le score de 2:2. Mais le débat sur le manque de cohésion de la ligne d’attaque helvétique n’est pas clos. Au milieu, le Servettien Loichot, insuffisamment athlétique et enclin à la contestation vit sa dernièe sélection en équipe nationale. Un traditionnel banquet réunit joueurs, arbitre, responsables et officiels à l’hôtel des Bergues. Monsieur Levington souligne à cette occasion sa joie d’avoir dirigé ce “beau et loyal” match international.

Un festival de Kielholz en guise de clôture du tournoi
Après avoir marqué son premier point dans la Coupe Internationale européenne, la Suisse va encore s’incliner en Autriche et en Tchécoslovaquie. Des matchs amicaux sont perdus sans gloire contre la Holande et l’Allemagne. L’ultime rencontre du tournoi, agendée dans le stade du Hardturm fraîchement agrandi et rénové, sera l’occasion pour les Suisses de tirer leur révérence en beauté devant une foule de 28 000 personnes. En première mi-temps, les Magyars jouent contre le vent. Cela a le don de les désarçonner et leur football technique et classique peine à se déployer face à des Suisse plus vifs. L’addition est salée : à la mi-temps, la Suisse mène 4 à 0. Très en verve, le Servettien Kielholz a marqué à deux reprises. La seconde mi-temps est plus équilibrée, chaque équipe marque à deux reprises et Kielholz porte son total personnel à 3 buts. Sur l’ensemble du tournoi, Kielholz, qui s’occupait en outre du secrétariat du Servette FC dans le contexte de quasi-faillite du club (cf. notre chronique Servette échappe de justesse à la faillite…), avait scoré à sept reprises ce qui l’avait propulsé en tête du classement des buteurs à égalité avec le Hongrois Sarosi, un des plus grands joueurs du siècle. Au niveau des équipes, l’Italie avait remporté la troisième édition du tournoi avec deux points d’avance sur l’Autriche et la Hongrie. Aux côtés de Kielholz, les Servettiens Guinchard et Loertscher font aussi de fréquentes apparitions en équipe nationale durant la saison 1934-1935, reflet de la bonne saison des Grenats qui finissent seconds en championnat à un souffle de Lausanne.
Une nouvelle ère va commencer
La saison suivante (1935-1936), la présence servetienne se fait plus discrète au sein de la Nati : lorsque la Suisse accueille la France à Genève le dimanche 27 octobre 1935 (victoire 2:1), les 25 000 spectateurs des Charmilles n’ont pas l’occasion d’applaudir un Servettien. Début 1936 toutefois, Georges Aeby fait son apparition sous le maillot national puis l’année suivante Genia Walascheck en fait de même. Sous la conduite de l’ancien (et futur !) coach grenat Karl Rappan, une équipe de Suisse charpentée par les joueurs de GC et du SFC allaient écrire une belle page de l’Histoire du football suisse…

Le football au coeur des tensions politiques
Les années 1930, qui déboucheront sur la Seconde guerre mondiale, sont marquées par une forte politisation de la société et des antagonismes virulents. Le football, dont la popularité ne cesse de grandir, ne peut se soustraire à ces tensions.Quelques semaines avant le match entre la Suisse et la Tchécoslovaquie abordé en début de chronique, une rencontre ne figurant dans aucune statistique internationale avait également mis aux prises l’équipe de Suisse à une formation venue de l’Est : l’Union Soviétique ! Le contexte de cette rencontre était la volonté des autorités soviétiques de développer sous son égide une alternative prolétarienne au football bourgeois dont la récupération nationaliste était patente à l’instar de la mise en scène de la victoire de l’équipe italienne lors de la Coupe du Monde 1934 par le gouvernement de Mussolini. A cette époque, l’URSS n’avait donc pas adhéré à la FIFA et disputait des matchs organisés par l’Internationale rouge sportive. Les autorités fédérales ayant refusé d’octroyer un visa d’entrée aux footballeurs soviétiques, c’est la petite ville frontalière française de Saint-Louis qui accueillit “les fraternisations prolétariennes” et les 6 000 personnes attirées par l’événement. Sur le terrain, les Soviétiques ne font qu’une bouchée (5:2) d’une sélection suisse composée de joueurs de l’association ouvrière de football, de la ligue Satus ainsi que d’un joueur d’un club “bourgeois”. Il faudra attendre les années 1960 pour un premier match officiel entre la Suisse et l’Union Soviétique. A la même époque par contre, la Suisse ne rechignait pas à affronter l’Allemagne hitlérienne, comme à l’occasion du match amical évoqué ci-dessus.

(L’utilisation de symboles nationaux-socialistes ne poursuit pas de buts de propagande)
Jacky Pasteur et Germinal Walascheck
La semaine prochaine : super-servette et les Enfants du Servette : les noces de coton !
Dernière chronique : “Challandes est venu”
Les deux premiers volets de la chronique “sous le maillot grenat à croix blanche”
https://enfantsduservette.ch/2011/10/10/sous-le-maillot-grenat-a-croix-blanche-1/#more-21003
https://enfantsduservette.ch/2011/11/12/sous-le-maillot-grenat-a-croix-blanche-2/
Merci bcp pour tout ces article grâce à vous je peu suivre le présent et le passé de se club magique qu est le servette
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À quand l application eds ???? Sa serai génial peace
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