Le beau printemps de Kalle

Son arrivée avait provoqué une sensation largement teintée de scepticisme. Ses débuts auraient pu voir Servette trébucher en direction du tour de promotion-relégation. Finalement, Karl-Heinz Rummenigge conduira Servette vers un printemps où le titre fut à portée de main. A Saint-Gall, une victoire portant sa griffe avait montré la voie à suivre…

Le dernier coup de Carlo Lavizzari

Président-mécène du Servette FC durant une grande partie des années 1980, Carlo Lavizzari est le grand artisan de la venue de la star allemande à Genève après avoir raté de peu l’engagement de Michel Platini. A l’été 1987, alors que Rummenigge se remet lentement d’une blessure au tendon d’Achille, il est devenu indésirable à l’Inter de Milan où le Belge Scifo lui a chipé la place de deuxième étranger. Flairant l’aubaine, Carlo Lavizzari rencontre alors Kalle et, si l’on en croit ses déclarations, le courant s’établit instantanément. Quelques semaines plus tard, les dirigeants intéristes donnent leur accord financier (on parle d’une somme de deux millions de francs suissses) et le transfert est matérialisé. Un coup médiatico-sportif de premier ordre… mais deux questions restent alors ouvertes.

Un coup fumant !

Qu’est-il venu faire dans cette galère ?

Alors âgé de 32 ans, Rummenigge affiche un palmarès prestigieux : deux Coupes d’Europe des clubs champions, deux titres de champion d’Allemagne, deux Coupes d’Allemagne sans compter près de 100 sélections avec la RFA (une victoire à l’Euro 1980, deux finales de Coupe de Monde). Chasseur de buts redoutable, il avait effectué l’essentiel de sa carrière au Bayern de Munich avant de tenter une aventure, entachée par des blessures, en Italie. Certes, quelques grands noms du football européen de l’époque (Antognoni, Tardelli, Stielike…) avaient déjà déposé leurs valises en Suisse mais cela n’empêchait pas l’opinion publique d’être interloquée par le choix de la vedette allemande. Face à la presse, Kalle déclare que l’Italie « ne l’intéresse plus » et qu’il ne veut pas finir « n’importe où », à savoir à Cesena ou Pescara. De grands clubs allemands étaient également sur ses traces, mais Rummenigge affirme ne pas souhaiter retourner en Bundesliga. En outre,  les règlements UEFA prévoyaient également de trop fortes indemnités de transfert dans le cas d’un retour en Allemagne. Bref, démentant toute idée de préretraite et de motivation financière, Rummenigge affirme son désir de jouer en Suisse, pour des raisons sportives, même si la non-participation de Servette aux compétitions européennes le chiffonne un peu. Il insiste sur l’apport humain qu’il espère de sa venue à Genève et se réjouit à l’idée que ses enfants puissent apprendre le français !  Dans l’effervescence médiatique un peu bling-bling suscitée par son transfert, le champion bavarois joue sa partition sur le registre de l’humilité. Presque gêné par les éloges fusant à son égard lors de sa présentation officielle, Rummenigge apparaît comme une personnalité humble, prêt à se mettre au niveau de ses coéquipiers. N’a-t-il pas émis le souhait d’assister les entraîneurs des équipes juniors ?

Des francophones en puissance !

Quid des autres étrangers ?

A cette époque, seuls deux étrangers pouvaient être alignés dans les matchs de championnat suisse. En la personne du Danois John Eriksen (meilleur buteur de la saison écoulée) et du Brésilien José Sinval (intenable sur son aile), Servette possédait un duo d’attaquant performant et éprouvé. Avec l’arrivée de Rummenigge, des choix cornéliens s’imposeront à l’entraîneur Thierry De Coudens… José Sinval, dont le rendement à l’extérieur est largement en deça de ses performances étourdissantes des Charmilles est en particulier sur la sellette. On murmure qu’il partira pour Porto, le club dément… Rummenigge ayant signé pour deux ans, l’espoir demeure que la réglementation sur les étrangers soit assouplie pour la saison suivante (elle ne le sera pas) et puis, quoi qu’il en soit, l’Allemand doit tout d’abord revenir en forme suite à son opération au tendon d’Achille…

Première sous le maillot grenat

Pour sa première apparition sous le maillot grenat contre Xamax le 13 octobre 1987, Rummennige, entré en jeu pour Sinval, ne peut éviter une lourde déroute servetienne (4:1). Le reste n’est guère plus brillant, lors des sept dernières parties du tour qualificatif, Servette ne récolte que deux victoires dont une lors de l’ultime journée. Rummenigge, qui n’avait alors été aligné que sporadiquement, marque un splendide but contre Saint-Gall. Pour la première édition de la « formule Rumo »  Servette se qualifie in extremis pour le tour final lors de l’ultime journée avec un miraculeux petit point d’avance sur le FC Sion.

Donzé aux commandes !

Un peu victime de la pression engendrée par l’engagement de Rummenigge qui s’était fait au détriment de Sinval, un chouchou du public des Charmilles, Thierry de Choudens retourne à ses juniors durant la pause hivernale et passe le relais à Jean-Claude Donzé, lâché par le FC Sion. Le Valaisan annonce clairement la couleur : « Rummenigge et Eriksen seront associés en attaque ». Ce choix va s’avérer judicieux. Servette commence le tour final cahin-caha (2 victoires au cours des sept matchs aller). Mais la fin sera tonitruante…

passation de pouvoir pour résoudre le dilemne de l’étranger surnuméraire

 Victoire de référence Saint-Gall

Le 24 avril 1988, comme tout au long de la saison, la présence de Rummenigge sur la pelouse avait attiré une foule plus considérable que de coutume en Suisse alémanique : 13000 personnes garnissaient l’Espenmoos pour la venue de Servette. Face au rideau défensif des Saint-Gallois, les Servettiens trouvent la faille peu avant la mi-temps lorsqu’un centre de Decastel trouve la tête de Rummenigge un instant lâché par son cerbère Irizik.

Kalle au sommet de son art contre Saint-Gall

En seconde période, à chaque fois que l’Allemand touche le cuir, la défense saint-galloise est en péril mais ses coéquipiers galvaudent les occasions offertes. Peu avant le terme, suite à un superbe coup-franc de Rummenigge repoussé sur la latte par le gardien saint-Gallois, Eriksen, qui avait suivi, scelle le score final. Les Saint-Gallois, pour leur part, s’étaient contentés de leurs légendaires longs ballons en avant faisant rugir de plaisir les gradins de l’Espenmoos… A l’issue de la rencontre, Jean-Claude Donzé se félicite de la solidité défensive retrouvée et se réjouit de l’apport du jeune Gilbert Epars dans l’entrejeu. Fort de sa maîtrise technique, Servette profite de ce succès pour se hisser au troisième rang, -synonyme de qualification européenne-. Pour éviter la fatigue à la veille d’une semaine anglaise, les joueurs rentrent en avion. L’équipe est enfin sur orbite…

Le jeune Gilbert Epars, grosse satisfaction contre Saint-Gall

Xamax maintient son avance

Dans la dernière ligne droite du championnat, cette victoire acquise à Saint-Gall en annonce d’autres dont celle obtenue face au leader Xamax à la Maladière. Eriksen se révèle redoutablement efficace (avec 36 buts, il sera sacré soulier d’argent européen) et Rummenigge bonifie notablement le jeu servettiens et inscrit 9 buts. Deux inexplicables défaites contre Lucerne empêchent toutefois les Genevois de disputer le titre aux Xamaxiens. Servette finit second. En juin 1987, l’engagement de Rummenigge avait clairement été fructueux, en attendant la suite…

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

Dernière chronique : super-servette et les Enfants du Servette : les noces de coton

La semaine prochaine : Servette laisse filer le titre au Wankdorf …

12 réflexions sur « Le beau printemps de Kalle »

  1. Plus je vois les anciens maillots, plus je me dis qu’on est tombé bien bas à ce niveau, dommage !

    Même si les Nike étaient pas mal, Adidas reste notre marque, celle de notre légende !

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    1. Effectivement…toujours une ribambelle de blessés ou ménagés (Esteban et De Az: adducteurs, Mfuyi: Blessure à la cuisse. Grippo; Blessure au pied etc…) et Fournier semble dire que la préparation physique a juste été lamentable; résultat il est forcé de faire de la préparation physique en plein championnat !

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  2. Ach très chôli Artikel ! Il était non seulememnt fin technicien
    (dribbles) mais aussi costaud physiquement. L’adversaire
    avait beaucoup de difficultés pour lui piquer le ballon.

    Ouais c’est loin tout ça, On pourrait nommé C. Lavizzari
    président d’honneur pour tout ce qu’il a apporté
    au Sfc ! (à moins que ce soit déjà fait ?)

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  3. Un sacrer souvenir ce dernier matche du tour de qualif 87
    contre St Gall.Pour ce matche il y avait entrée gratuite aux
    charmilles pour offrir un meilleur soutien a notre équipe,car
    le tour de relégation était tout proche.Il y a eu une happy end,
    on a gagner 3a1,et en plus suite aux résultats des autres matches c’est Sion qui a plonger dans le tour de relégation.
    Un grand merci a Germinal de faire revivre ces grands moments de l’histoire servetienne.

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