Eric Pédat : un Grenat chez les Brodeurs

SFC-St gall

Est-ce l’éloignement géographique entre les confins occidentaux et orientaux de la Suisse ? Le Servette FC et Saint-Gall possèdent peu de figures en commun. Certes, Stephan Nater est reparti en début de saison pour sa Suisse orientale natale, Gérard Castella a coaché un temps les Brodeurs, Edwin Vurens y a fait un passage fugace avant de glaner un titre avec les Grenats mais cela demeure bien modeste. Une exception toutefois : le gardien Eric Pédat s’était vu contraint d’intercaler une longue parenthèse en vert et blanc dans sa longue carrière en grenat.

Un espoir du cru

Junior servettien, Eric Pédat a fait un détour par la Ligue Nationale B et Etoile Carouge avant d’être appelé en première équipe par Peter Pazmandy en tant que remplaçant à l’été 1989. Il fait ses débuts chez les Grenats sur un terrain miné : depuis la retraite d’Eric Burgener deux ans plus tôt, la valse des gardiens servettiens n’avait guère connu de trêve : De Choudens, Mutter, Marguerat, puis désormais Kobel s’étaient succédés à ce poste sans pouvoir s’y imposer. Rapidement propulsé titulaire 1989 Eric Pédat ne peut éviter le plongeon inattendu de Servette dans le tour de promotion-relégation. Au printemps 1990, il prend, avec ses bonnes performances, pleinement part au sauvetage du club. Parfois peu à l’aise dans les sorties aériennes, il se révèle par contre doté d’excellents réflexes sur sa ligne de but. Pour ne rien gâcher, il est Genevois, ce qui, dans un contexte où ses détracteurs avaient beau jeu d’ironiser sur son manque d’ancrage régional, ne mangeait pas de pain pour le Servette FC !

Pédat au milieu de la belle brochette de recrue pour la saison 1989-1990 . De gauche à droite : Djurovski, Shane Rufer, Turkyilmaz, Stiel et Fargeon.
Pédat au milieu de la belle brochette de recrues pour la saison 1989-1990 . De gauche à droite : Djurovski, Shane Rufer, Turkyilmaz, Acosta, Stiel et Fargeon.

Une concurrence de taille…

A l’été 1991, le Servette FC engage le prometteur portier de Xamax Marco Pascolo. Si, officiellement, aucun des deux gardiens ne part titulaire aux dires de l’entraineur belge Jean Thissen, Eric Pédat, blessé durant la préparation, ne reçoit pas vraiment sa chance. Pascolo est aligné. Même si personne ne songe à nier la valeur intrinsèque du portier valaisan, cette manœuvre laisse un goût saumâtre au public genevois et au principal intéressé. Le kop grenat trimballe de match en match une banderole « Avec Pédat, ça ne rentre pas ! ». Les messages de soutien affluent et remotivent le portier déchu qui avait un temps songé à raccrocher les crampons et revenir à ses études de technicien-dentiste. Conjuguée aux mauvais résultats sportifs (Jean Thissen perd sa place après trois mois…) cette éviction d’un prometteur gardien du cru qui n’avait en aucun cas démérité égratigne encore davantage l’image du Servette FC dans l’opinion publique. Le slogan des Grenats est alors « Servette, un club, une ville ». A d’autres…

avec Pedat ca ne rentre pas

Pascolo s’impose définitivement

L’arrivée de Michel Renquin à la tête de l’équipe au début de l’automne 1991 ne change rien aux affaires d’Eric Pédat : il a beau retenir trois penalties contre Monthey et éviter ainsi un camouflet en Coupe de Suisse, il en est toujours réduit au banc de touche. Pascolo monte en puissance et conserve sa place de titulaire puis est même aligné une première fois en équipe nationale en janvier 1992. Au fil des matchs, il séduit même les supporters grenat qui l’avaient accueilli en grinçant des dents même si leur courroux était tourné vers la direction servettienne et n’avait jamais pris le gardien valaisan pour cible. Prévenu que le soutien à Eric Pédat ne le visait pas directement, Marco Pascolo avait été compréhensif et beau joueur, il faudra néanmoins de longs mois pour que scander son nom lors de ses belles parades ne soit plus tabou…

L’exil en Suisse orientale

Barré par Pascolo avec lequel la concurrence était parfois devenue invivable Eric Pédat fait alors le choix qui s’impose : tenter sa chance dans une autre formation suisse. Au passage, il déchire le contrat qui le lie avec le SFC, un geste qui lui vaut l’estime de plus d’un. Le FC Saint-Gall l’accueille alors que la formation de Suisse orientale vient de chuter en LNB. Quelque peu désorienté par la rigueur quasi-militaire des entraînements de la troupe de l’Espenmoos où le mutisme est de rigueur et par l’absence de coach spécifique pour les gardiens, Pédat se fera néanmoins bien vite à son nouvel environnement. Dans les confins quelque peu négligés du football helvétique, le bouillant public saint-gallois ne demande qu’à adopter « ses » stars venues peu ou prou de l’extérieur, le portier genevois fera bien vite son trou, en dépit (ou grâce ?) à son allure débraillée pour les standards alémaniques, à son chien qui vient trotter avec lui lors des entrainements ou à sa voiture qui menace à tout instant de le laisser en carafe. Lors d’un match contre Locarno, il se troue magistralement d’emblée. A la fin du match, le public scande son nom, il avait trouvé son nouveau chouchou… A une remontée expéditive en LNA succèdent deux très bonnes saisons des Brodeurs et lorsque Servette lui demande de revenir à l’été 1996 (Pascolo s’en est allé à Cagliari après un brillant Euro), il peut se permettre de faire durer la négociation pour être certain que le nouveau Servette qui se dessine après l’échec en finale de Coupe sera compétitif…

Passation de témoin avec Marco Pascolo

De retour dans son jardin des Charmilles

Contraint de partir par la petite porte trois ans plus tôt, Eric Pédat retrouve son club de coeur mais aussi la pression d’un public volontiers critique alors qu’il était adulé du côté de l’Espenmoos. Fort de ses trois ans d’expérience Outre-Sarine, il affirme avoir beaucoup gagné en sérénité et se réjouit de retrouver, en la personne de Jacques Barlie, un entraineur spécialisé. Dans la jeune équipe servettienne, du haut de ses 28 ans Eric Pédat fait déjà presque figure d’ancien. Le début est prometteur puis la mécanique s’enraye. Le président Weiller a passé la main et l’arrivée de Canal+, qui engage une politique de revente des éléments les plus en vue, empêche la continuité et pousse plus à l’exploit individuel plus qu’à l’altruisme. Servette culbute dans le tour de relégation, Eric Pédat se voit confier le brassard de capitaine, propose de soumettre cette décision au vote de ses coéquipiers qui décident… que ce n’est pas nécessaire ! Au printemps 1997, Servette enchaine les victoires et sauve sa place dans l’élite. La régularité de son gardien y est pour beaucoup.

Au seuil de la Nati   

Eric Pédat s’affirme clairement comme un des meilleurs portiers du pays. Depuis que, curieux retournement, Pascolo est devenu remplaçant à Cagliari, la Nati est orpheline d’un gardien titulaire indiscutable. Lorsque Gilbert Gress, sous les ordres duquel Pédat avait évolué au début de la décennie, prend en main la sélection nationale, le nom d’Eric Pédat revient avec insistance. Le choix de l’Alsacien se portera toutefois sur Corminboeuf. Durant toutes les saisons suivantes, Eric Pédat ne parviendra pas à forcer le verrou de la Nati, même si le sujet revient constamment sur le tapis. On incrimine sa taille modeste (ce qui, du haut de son mètre 80 le fait doucement sourire) puis ensuite son âge… Dans ce jeu de chaises musicales, Eric Pédat n’aura jamais sa chance. Il se rattrapera avec Servette…

La meilleure défense du pays puis le titre !

La saison 1997-1998 voit le Servette de Gérard Castella partir sur les chapeaux de roue puis s’essouffler au point de se faire largement distancer par les Grasshoppers. Eric Pédat peut avoir la conscience tranquille : la défense grenat a été la plus hermétique du pays. Le deuxième rang final des Servettiens permet à Pédat de goûter à plus de 30 ans à un premier match de Coupe d’Europe et de se souvenir qu’au mitan des années 1980, il était parti s’échauffer tout tremblotant dans la froidure d’Aberdeen alors que Flop De Choudens avait été blessé dans un contact… Par le jeu des blessures, c’est le gardien des juniors A âgé de 18 ans qui faisait office de doublure ce soir-là… De Choudens ayant finalement repris la partie, le baptême européen est remis à plus d’une décennie plus tard : dans la banlieue d’Anvers, les Grenats prennent facilement la mesure de Germinal Ekeren. Même si l’aventure européenne tourne court, Servette réussit une magnifique saison dont l’aboutissement est le titre décroché lors de l’ultime journée de championnat à la Pontaise. Le palmarès d’Eric Pédat s’orne enfin d’un premier titre, savouré en tant que capitaine qui plus est !

pedat trophee
Dans le livre d’or de la République grenat…

Le pétard et la Coupe   

Les saisons s’enchainent et Pédat, qui a rempilé chez les Grenats, aligne des performances toujours aussi régulières. Ce gardien aux stupéfiants réflexes sur la ligne de but (son physique râblé et sa tonicité musculaire lui confèrent une remarquable vitesse de mise à terre), contraint de s’adapter aux nouvelles règles (interdiction de la passe en retrait) a en outre gagné en sérénité. Dans ce train-train d’excellentes performances, mentionnons le malheureux épisode du pétard lancé contre lui par le kop sédunois, déconvenue qu’effacera la victoire en Coupe la même année (après 4 échecs en demi-finale !) suivie d’un brillant parcours européen.

victoire coupe

Au printemps 2002, un peu à la surprise générale, celui qui avait déjà annoncé que son futur se dessinait davantage du côté du sport et du social que des plombages et des amalgames, annonce qu’il a accepté un poste d’enseignant de sport à l’Institut du Rosey à Rolle. Un départ de son plein chef, sans contrainte sportive ou physique… Pour le remplacer, un certain Marco Pascolo rempilera bientôt chez les Grenats.

pedat et chico

Un mec bien

Personnalité extravertie, gentille, accessible mais au caractère bien trempé, Eric Pédat a été une figure de proue du Servette FC au tournant du millénaire. Fréquemment convoqué par la presse romande « côté jardin », il émanait de lui un rayonnement positif tant sur le terrain qu’en dehors. Contacté à l’automne dernier par la Sankt-Galler Tagblatt pour donner son avis sur la rencontre Saint-Gall à venir et son favori, il avait, après un juron embarrassé, diplomatiquement prédit un match nul et annoncé que ses préférences allaient à … Saint-Servette ! Apparemment, on ne l’a pas oublié non plus du côté de Romanshorn…

adieu Pedat

Quelques statistiques sur les rencontres Servette FC – FC Saint-Gall :

– au premier tour, la venue des Brodeurs avait permis le record d’affluence de l’actuelle saison à la Praille (13’148 spectateurs).

– depuis 1994 (retour en LNA avec Eric Pédat), les Saint-Gallois ont effectué 24 déplacements à Genève. Bilan : 11 victoires servetiennes (la dernière en février 2004 – deux buts de Zambrella et un de Kader), 8 nuls, 5 succès des Brodeurs (le dernier en Coupe en 2009).

– Auparavant, de 1968 (ascension de Saint-Gall en LNA) à 1988, le bilan était sans nuances : 21 victoires servetiennes, deux matchs nuls.

Jacky Pasteur et Germinal Walaschek

Dernière chronique : maudit pénalty !

Vous aurez peut-être aussi du plaisir à relire les différentes chroniques publiées à l’occasion des matchs opposant le Servette FC et le FC Saint-Gall :

https://enfantsduservette.ch/2012/10/17/dernier-acte-avant-la-faillite/

https://enfantsduservette.ch/2012/09/20/le-beau-printemps-de-kalle/

5 réflexions sur « Eric Pédat : un Grenat chez les Brodeurs »

  1. Un gardien aimé de tous… Malgré sa « petite taille » aux dires de certains ça a été un grand gardien national… Il a bercé ma jeunesse et un peu plus… Merci pour tout Eric et surtout merci aux EDS pour cette article qui nous rappelle de tellement bons souvenirs.

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