Un des épisodes de l’inusable derby lémanique

Qu’il soit placé sous le signe de la conquête du titre ou de la lutte contre la relégation comme cette saison, le derby lémanique représente toujours reste un instant particulier du championnat. Durant longtemps, il a d’ailleurs presque systématiquement été la rencontre attirant le plus de spectateurs aux Charmilles. Quelques reflets d’un derby d’antan avec un stade plein comme un oeuf…

Parmi les différents derbys lémaniques qui ont rythmé plus de 100 ans de championnat suisse, nous avons choisi de vous proposer une évocation de celui du dimanche 14 mars 1954 à 15 heures. Si le score (0:0) n’est pas folichon et que les deux équipes, en assimilant à merveille le principe du marquage étroit, avait su s’annihiler l’une l’autre, ce match a l’avantage d’avoir été filmé et vous aurez l’occasion d’en voir des extraits à la fin de cette chronique.

La Coupe du monde en Suisse !

Au niveau du football suisse, l’année 1954 a été avant tout marquée par l’organisation de la Coupe du Monde de football. Pour Servette cet événement a eu deux répercussions principales. Sur le plan sportif, son entraîneur autrichien Karl Rappan, lié au club depuis si longtemps, a été provisoirement détaché à la tête de l’équipe nationale suisse pour préparer son grand rendez-vous mondial. C’est Albert Chatelain, son adjoint depuis 1949 qui assurera l’intérim pour deux saison. Au niveau de l’infrastructure, le stade des Charmilles a été rénové et agrandi. Genève n’ayant pu construire un stade avec une capacité de 60 000 places (un projet devisé à 15 millions de francs au moins pour la construction d’un stade géant aux Vernets avait été abandonné), la ville se voit damer le pion par Zurich, Berne, Bâle et Lausanne pour l’organisation des principales rencontres du tournoi. L’argent du sport-toto permet toutefois l’érection d’une tribune latérale supplémentaire (la tribune B des derniers temps) ainsi qu’une surélévation du tertre nord qui soutient les gradins et divers aménagements pour assurer plus de fluidité aux caisses et à la sortie du stade. Ainsi modernisé, le stade des Charmilles, outre des matchs de poule, aura l’occasion d’accueillir un quart de finale (RFA-Yougoslavie).

Albert Chatelain Servette — Albert Chatelain

Les tâtonnements servettiens…

En attendant les hôtes internationaux, ce sont les Lausannois qui sont attendus en masse en ce dimanche 14 mars 1954. Dès 8 heures du matin, une caisse supplémentaire est ouverte sur la place Cornavin. Leur équipe est encore dans la roue de La Chaux-de-Fonds et de Grasshoppers pour la conquête du titre. Quant aux Servettiens, ils vivent une saison marquée par différents essais auxquels procède l’entraîneur, en particulier au milieu du terrain pour trouver un successeur à Marcel Mouthon dont la jambe avait été labourée par un défenseur zurichois la saison précédente. Le début de saison est catastrophique, Servette est même un temps avant-dernier avant que la roue ne tourne. Au moment d’accueillir le Lausanne-Sports, le club grenat pointe déjà au cinquième rang.

Parlier stoppe tout

Vivement décidés à l’emporter au plus vite, les Lausannois tirent les premiers et menacent dès les premières minutes le gardien servettien Parlier qui entame une série de parades époustouflantes. La paire défensive grenat Dutoit-Neury a fort à faire, les avants grenats ont beau permuter en permanence, ils ne parviennent pas à se dépêtrer du marquage opiniâtre de leurs adversaires. Sauvé par sa latte, Parlier réalise encore quelques prouesses puis Servette se reprend. Pêchant par excès de passes latérales, les Servettiens ont toutefois du mal à prendre de vitesse l’arrière-garde lausannoise où l’international Bocquet veille au grain. Au cours de la seconde mi-temps, les Lausannois payent leurs efforts du début du match et les Servettiens prennent alors l’ascendant. Le gardien lausannois Stuber se met à son tour en évidence face à Epp, Duret et surtout Fatton. Quelques mois plus tard, le public de la Pontaise aura bien du mal à accepter que ce soit Parlier et non lui qui ait été choisi par Rappan pour garder les cages suisses contre l’Italie en Coupe du Monde… Les deux équipes cherchent en vain à forcer la décision mais, dans les deux camps, il manque un finisseur et les deux portiers se surpassent. Un match nul et vierge clôt les débats, les 18 000 spectateurs restent un peu sur leur faim, mais se consolent bien vite : il y aura encore d’autre derbys lémaniques ! Lausanne ne parviendra finalement pas à refaire son retard sur La Chaux-de-Fonds, brillant champion suisse. Quant aux Servettiens, ils décrocheront la quatrième place. En attendant des jours meilleurs…

1953-54_servette-lausanne 0-0 — Une des nombreuses interventions du portier grenat Parlier

Les archives de la RTS

Des extraits de cette rencontre peuvent être visionnés sur le lien suivant :

http://www.rts.ch/archives/tv/divers/3446177-derby-lemanique.html

Il est à noter que ces dernières semaines, la Radio Télévision Suisse a considérablement étoffé sa galerie en ligne de vidéos consacrée au Servette FC, à tel point que le club grenat, sous la thématique “heurs et malheurs du Servette FC” figure actuellement sur la page d’accueil du site des archives de la RTS (www.rts.ch/archives/). Les internautes intéressés par l’Histoire du SFC y trouveront pour leur plus grand ravissement quelques nouveautés dont un entretien mené par Jean-Jacques Tillmann qui recevait Jacques Ducret à l’occasion de la sortie de son livre consacré à l’Histoire du Servette FC en 1976, un reportage avec les champions de 1979 où chaque joueur s’exprime, les coulisses des entraînements en 1980, une analyse des enjeux du mécénat au sponsoring au tout début de la présidence Lavizarri, etc. Bien entendu, le spectateurs peut grappiller au passage quantité d’images de matchs et buts en tous genres… Souhaitons que cette galerie soit encore étendue !