Servette et Lucerne s’échangent leur monstre des surfaces de réparation

“Echangerait attaquant international légèrement sur le retour contre jeune attaquant international espoir prometteur.” C’est à peu près le contenu de l’annonce qu’auraient pu passer les dirigeants servettiens au mercato hivernal. Les responsables lucernois, en empochant au passage une indemnité pour leur espoir perdu, accepteront ce deal.

Chemins croisés

En janvier 2001, les routes d’Alexandre Rey et d‘Alexander Frei se croisent : le premier quitte Servette pour la Suisse centrale alors que le second suit le parcours rigoureusement inverse. Le premier souhaite se relancer et le second réussir à percer au plus haut niveau… Quelques jours auparavant, on chuchotait plutôt que Ronaldinho viendrait à Genève, faute de pouvoir évoluer au PSG…

Cinq ans en grenat

Alexandre Rey avait fait une irruption tonitruante sur la scène du football suisse en crucifiant, du haut de ses dix-huit ans, les Young Boys au terme d’une invraissemblable finale de Coupe en 1991. A l’arrivée de Christian Constantin à la tête du FC Sion en 1994, il ne trouve pas de terrain d’entente pour rester et rejoint le FC Bâle. Il y restera deux saisons puis, après un bref retour au bercail, rejoindra Servette. A Genève, il effectuera cinq saisons en grenat, la période faste de sa carrière qui débouchera sur une quinzaine de sélections en équipe nationale dès 1998. Lors de la saison 1998-1999, il offre le titre au SFC en devenant roi des buteurs. Le vent tourne à l’automne 2000 : sous la houlette de Lucien Favre, Servette est bien étoffé en attaque (Thurre, Petrov, Oruma…). Avec la Nati, Rey galvaude des belles occasions lors de la défaite inaugurale contre la Russie pour les éliminatoires de la Coupe 2002, c’est pratiquement la fin de sa carrière d’international à 28 ans. A l’orée de la pause hivernale, Lucien Favre lui annonce clairement que, malgré ses six buts du premier tour, il n’entre plus dans ses plans. Il aidera donc Lucerne à cravacher contre la relégation en compagnie d’une autre recrue : Nestor Subiat.

Le bonheur de Rey après un triplé contre Bâle, c’était lors de la saison 1998-1999

Un espoir au caractère bien trempé

Précédé d’une réputation d’enfant terrible, Alexander Frei arrive à Genève à un moment où on s’accorde à voir en lui un grand espoir du football suisse. Né dans le canton de Bâle, il avait fait ses premiers pas de footballeur au FC Begnins, désireux de marcher sur les traces d’un oncle ancien joueur de LNA et d’imiter son idole Marco Van Basten. C’est Andy Egli qui le lance véritablement vers une carrièe pro en le faisant venir au FC Thoune. Bernard Challandes, qui l’avait sélectionné pour l’équipe suisse des moins de 18 ans suisses, voit en lui un des rares attaquants suisses à disposer d’un talent de créateur imprévisible doté d’une bonne technique et d’une grande qualité gestuelle devant le but.  Alexander Frei suite ensuite son coach à Lucerne. Cette relation que Frei qualifiera de fililale débouchera sur quelques étincelles assurant déjà la renommée du caractère bouillant du jeune Alex. Alors que Lucerne s’apprête à disputer le tour de promotion-relégation, le leader Lugano, l’outsider Servette et le champion sortant Saint-Gall sont sur les rangs pour l’acquérir. Servette emportera le morceau, Saint-Gall, toujours orphelin d’Amoah,  s’étant refuser à payer le million exigé par le club de l’Allmend.

Bye bye Lucerne !

La Nati en ligne de mire

Avec seulement 4 buts dans son escarcelle, le jeune Alexander Frei (21 ans), n’avait que peu eu l’occasion de se mettre en évidence au sein du FC Lucerne durant le tour qualificatif du championnat. En rejoignant Servette avec un contrat de trois ans et demi, il espère à la fois progresser dans un environnement plus concurrentiel et convaincre définitivement le coach national Enzo Trossero, qui l’avait retenu pour un stage de préparation l’été précédent, de lui donner sa chance.  Son arrivée s’effectue simultanément avec celle du Serbe Goran Obradovic en provenance du Partizan de Belgrade et alors que le départ du Bulgare Martin Petrov pour la Bundesliga est acté pour la fin de la saison. Servette est en embuscade pour les places européennes voire le titre.

Bonjour Servette (match amical contre Carouge (février 2001)

Servette flambe et la Suisse a sa nouvelle coqueluche

Servette dévoile d’emblée de belles promesses dans le tour final pour le titre et refait le retard accumulé à l’automne. Alex Frei brille à la pointe de l’attaque grenat. En mars, il entre à l’heure de jeu pour Hakan Yakin lors d’une partie importante contre la Yougoslavie (1:1) à Belgrade, évoluant ainsi aux côtés de Stéphane Chapuisat. Trois jours plus tard contre le Luxembourg (5:0), il est titularisé d’emblée et signe un hattrick qui lui permet d’asseoir définitivement son statut d’étoile montante archi-prometteuse. Il marquera de son empreinte l’attaque de la Nati durant toute une décennie…

La Suisse tient son buteur ! (mars 2001 contre le Luxembourg)

Epilogue

Servette et Alex Frei ne finiront finalement la saison qu’à un décevant cinquième rang, se consolant toutefois avec un triomphe en Coupe de Suisse. Lucerne et Alexandre Rey sauveront leur place en LNA puis à l’automne, la faillite du FCL obligera le Valaisan à se tourner vers Xamax.

Alexandre Rey ne portera pas longtemps les couleurs lucernoises

Après 64 matchs pour Servette au cours desquels il marquera le joli total de 36 buts, Alex Frei tentera sa chance à Rennes puis à Dortmund. Les chemins des deux hommes se croiseront à nouveau indirectement à l’automne 2004 : Frei étant suspendu après l’Euro 2004 et son usage intempestif des glandes salivaires, Alexandre Rey retrouve très briévement  sa place au sein de la Nati (hattrick contre les Iles Féroé). Revenu en Suisse, Alexander Frei sera à son tour meilleur buteur du pays avec le FC Bâle (en 2011 et 2012). Au même moment, Alexandre Rey s’investissait toujours davantage dans le club xamaxien au point que c’est sous sa direction que les Rouges et Noirs ont entamé leur pensum pour retrouver l’élite.  Longtemps muet, Alexander Frei a retrouvé le chemin des filets dimanche dernier sur la pelouse enneigée du Letzigrund…

Un visage encore poupin que l’on a appris à connaitre !

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

La semaine dernière : Servette se casse les dents sur la défense de Grasshoppers et dit adieu au titre

Prochaine chronique : un petit tour et puis s’en va

Voici en outre quelques chroniques concernant les rencontres entre Servette et Lucerne :

Deux fois meilleur buteur avec Servette, avant de partir à Lucerne : John Eriksen

Un peu d’histoire : Battre Lucerne et devenir champion ?

Le premier match du FC Lucerne en LNA à domicile… à la Pontaise !

Renquin libère le Prince !

16 réflexions sur « Servette et Lucerne s’échangent leur monstre des surfaces de réparation »

  1. Bon article, et toujours aussi intéressant Germinal et Jacky!
    J’ai une petite question pour vous, vous parlez souvent de hat-trick dans votre article. Mais je suis incapable de me souvenir de quand date le dernier triplé Servettien? Avez-vous cette information?

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  2. Je me rappelle d’un SFC GC aux charmilles, le dernier là-bas me semble-t-il, assez fameux, terminant sur le score de 4-3 (pour les gentils;). Frei avait d’ailleurs marqué un triplé ce jour-là

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  3. Quelqu’un peut-il se/me remémorer les détails d’un
    Sfc – Gc début des années 70 gagné 7-1 je crois,
    avec un duo d’attaque Wüthrich – Robbiani redoutable !
    Merci d’avance

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    1. Le dit si bien notre mémoire vivante, le bon Joël, Robbiani et Wuethrich nous ramènent au début des années 1960, plus exactement à la saison 1961-1962. Servette, d’ores et déjà champion, accueillait GC pour la dernière journée. A la mi-temps, le score était encore de 0:0 puis le gardien de GC, et de la Nati, Elsener, s’est blessé et l’avalanche de but s’est déclenchée : score final 7 à 0. Je ne sais pas si Robbiani et Wuthrich ont joué mais les buts ont été l’oeuvre de Georgy “le footballeur manchot” à trois reprises, Fatton (2), Makay (1) et Nemeth (1). 10 000 personens assistaient à cette rencontre à l’issue de laquelle Fatton a reçu le trophée de champion suisse.
      Bon, merci, tu m’as donné un sujet de chronique pour le prochain SFC-GC, ce sera en février à la reprise ! Mais si tu es impatient, je t’envoie volontiers les articles sur ce match.
      Concernant Robbiani et Wuthrich, le deal était encore plus rocambolesque que pour Frei et Rey : Servette a acheté 100 000 francs Wuthrich au FC Zurich puis GC a accepté de prêter Robbiani à Servette en échange d’un transfert de Wuthrich de Servette à GC l’année suivante. L’histoire n’est pas finie : cette saison-là Robbiani a été exclu de la Nati pour indiscipline puis une fois passé à GC, Wuthrich aurait prétendu avoir subi des piqures en fin de championnat pour pouvoir jouer, le SFC avait alors balayé ces accusations de dopage…
      Rendez-vous en février !

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