Interview de la SG : « La Section Grenat n’a pas été créée pour vivre les matchs autrement que de cette façon dans une enceinte, c’est sa raison de vivre. ».

Alors que tous les groupes de supporters ultras (saufs ceux du FC Sion) sont de retour dans les stades de Super League, la Section Grenat effectuera son retour dimanche pour la réception du FC St-Gall. Nous en avons profité pour faire le point avec eux sur leur absence forcée, suivi d’un boycott et finalement leur retour au stade…

Julian Karembeu : Hello ! J’espère que vous allez bien! Comment va le groupe à quelques jours de votre retour à la Praille ? On imagine que comme pour tous les supporters servettiens votre absence du stade n’as pas été facile à vivre…

Section Grenat : Salut à toute l’équipe des EdS et aux servettiens qui nous lisent !
Le groupe se porte relativement bien, en dépit de ce qu’on a pu vivre depuis un an et demi, même si on serait quand même tentés de dire « mieux ». En effet, comme tu le laisses entendre, notre sevrage de stade a quand-même été très pesant mentalement. Même si au niveau personnel chacun a plus ou moins géré ça à sa manière, au niveau collectif ça a été assez compliqué. C’est difficile de garder une certaine motivation, de continuer à faire les efforts pour faire vivre l’association quand tu perds le contact avec le stade. Au bout d’un moment, les gens avaient de plus en plus de mal à trouver un sens à tout cela. Et puis le plus pesant, comme pour tout le monde avec cette pandémie, c’était l’incertitude, le fait de n’avoir aucune échéance à laquelle te raccrocher. On parle quand même d’une véritable passion, parfois même d’un mode de vie pour les gens de la SG. Heureusement qu’on a notre local, il nous a vraiment permis de garder le lien entre nous, même si on s’est quand même mangé les limitations de réunions, ça nous a vraiment aidés à tenir le coup.

Julian Karembeu : Le dimanche 23 février 2020 figure comme une date historique dans le football suisse : elle raisonne comme le dernier match de l’avant-Covid. C’était le dernier match dans un stade sans jauge de supporters et le dernier match de la Section Grenat…

Section Grenat : C’est vraiment bizarre de repenser à ce match. On était sur une très bonne lancée tant au niveau des mobilisations en déplacement que des ambiances, le club marchait bien et tout d’un coup tout s’est arrêté pour une durée indéterminée. C’est étrange parce qu’on se souvient facilement de ce match parce que c’était le dernier, mais à l’époque on n’en avait pas conscience. On était juste heureux d’avoir vécu ce super dép’ et on se projetait déjà sur les prochaines échéances pour continuer à améliorer tout ça. En fait, ce match semble très proche et très loin à la fois…

Julian Karembeu : Pour faire face à la pandémie, la Confédération a suspendu tous les championnats sportifs professionnels et amateurs plusieurs semaines. A la reprise, pas de public, le championnat 2019-2020 de Super League se poursuivant à huis-clos dans des stades vides ou avec à peine quelques centaines de spectateurs… Comment avez-vous vécu cette période sachant que vous étiez contre la reprise de la compétition, accusant notamment Télécub (devenu depuis Blue) d’avoir fait pression financièrement sur les clubs ?

Section Grenat : Il faut surtout remettre tout ça dans le contexte de l’époque. Le foot est alors complètement à l’arrêt depuis 3 mois dans de nombreux pays dont le nôtre et certaines ligues étrangères prennent même la décision d’arrêter les frais et de mettre un terme à leurs championnats.
A ce moment-là, on avance plusieurs arguments dans nos communiqués qui à notre sens se sont avérés relativement exacts. Que ce soit au niveau de l’équité sportive bancale avec des matchs sportivement incohérents tant le rythme des rencontres était soutenu avec en plus de nombreux cas de covid et même des quarantaines générales au sein des équipes, au niveau de la situation sanitaire vraiment pas facile à ce moment-là, ou encore au niveau de l’acharnement dont ont fait preuve certains clubs et surtout le combo diffuseur/ligue pour reprendre les matchs (même à pertes pour les clubs) uniquement pour honorer les contrats de diffusion télé. Et tout cela à huis-clos…
Et puis ce qui nous a vraiment fait délirer au final c’est que pendant tout ce temps, pendant toutes ces discussions on n’a jamais entendu parler de supporters, de passion ou quoi que ce soit dans ce genre. Cet aspect-là était complètement absent, même notre club n’a pas adressé un seul mot à ses supporters pendant un bon moment. Après on n’est pas débile, on savait très bien que notre position était « tenable » uniquement sur ces quelques mois et que le foot n’allait pas pouvoir être arrêté deux ans. Mais même avec le recul, on pense toujours que notre position était la bonne à l’instant T.

Julian Karembeu : Servette termina finalement la saison a une excellente quatrième place. Qualifications européenne en poche, mais aucun public pour ces matchs d’Europa League. Quelle frustration de ne pouvoir assister à ces matchs!

Section Grenat : Oui tu as raison, frustrant c’est le mot. En fait, le sentiment qui prédominait c’était de se dire qu’on avait connu tellement de galères, tellement de matchs et de saisons moisies sans perspectives réjouissantes que maintenant que tout allait de mieux en mieux, qu’on jouait le podium et la qualification européenne, on était cloîtrés comme des cons chez nous ou au local devant un écran. Dans ces moments, la peur de te dire qu’on est en train de passer à côté de quelque chose qui ne se reproduira peut-être pas avant un bon moment se fait sentir. Comme on disait pour le déplacement à Bâle, tout s’arrête alors qu’on est sur une pente ascendante. Et puis la distance par rapport au club et à l’équipe, sans toutes les émotions qui vont normalement avec ces matchs commence à se faire ressentir.
Un fait qui reste particulièrement frustrant aussi c’est de ne pas avoir pu profiter correctement des matchs européens, en particulier des déplacements. Ces déplacements c’est un peu un « mythe ultra » pour un groupe comme le nôtre, un truc qu’il faut au moins avoir vécu une fois dans sa « carrière » de tribunes. Les gens te parlent encore de ceux qu’ils ont eus la chance de vivre, ça se transmet entre générations au sein du groupe. C’est vraiment dommage d’avoir raté le déplacement à Reims par exemple. Ça aurait vraiment été quelque chose de mémorable pour nous !

Julian Karembeu : Le championnat reprendra fin août 2020, avec une ouverture des stades au deux-tiers, mais sans la SG. Mesures sanitaires, places debout proscrites, masques obligatoire, distanciation sociale et parcage visiteurs fermés auront eu raison de votre retour aux stade…

Section Grenat : Effectivement, à partir de ce moment, on considère que la messe est dite. Ce n’est même pas un boycott en fait, juste un constat dont la conclusion est qu’il est physiquement impossible d’être présents au stade en tant qu’entité collective. Devoir être assis, masqués, distants les uns des autres etc., c’est un spectacle désolant que tout groupe ultra structuré ne peut pas décemment s’infliger, surtout que notre manière particulière de supporter est indissociable de nos codes et de notre image de groupe. La Section Grenat n’a pas été créée pour vivre les matchs autrement que de cette façon dans une enceinte, c’est sa raison de vivre.
Après, on n’a pas empêché les membres qui le souhaitaient de venir encourager l’équipe de manière individuelle mais sans représenter le groupe. Peut-être que des gens ne seront pas capables de comprendre ça parce qu’ils n’ont pas la même manière de vivre leur expérience au stade, mais pour illustrer ce propos, malgré le fait qu’on laissait le choix à nos membres de se rendre au match, une grande majorité de ceux-ci ne s’y sont pas rendus. Ils préféraient continuer à « assister » aux rencontres au local sur écran géant avec leurs collègues SG.

Julian Karembeu : Votre position de bougera pas de toute la saison. Vous attendiez-vous à ce que ces mesures soient prolongées une année durant?

Section Grenat : Disons que ça a coïncidé avec la période où on commence à vraiment perdre espoir sur un retour au stade « rapide ». Surtout que dès la fin octobre, la 2e vague arrive et tout est de nouveau fermé, les stades sont de nouveau à huis-clos. Pour la suite et notamment à la « réouverture » d’avril, on repart sur les mêmes mesures qu’au tout début de la saison, avec même des jauges encore plus serrées. Donc c’était logique de maintenir le statu quo sur notre position.

Julian Karembeu : le Servette terminera finalement à la troisième place ce championnat 2020-2021 alors que le public n’aura pu que rarement retourner au stade. Nouvelle immense frustration de ne pas avoir pu vivre cette belle saison en live…

Section Grenat : Oui, une nouvelle fois, comme la saison d’avant. À la différence quand-même qu’on sent que le temps commence à faire son effet, négativement. La première saison c’était dur mais on se disait qu’il y avait matière à espérer. Et puis, on était de toute façon contre la reprise. Là tu viens de te manger une saison entière loin de tout, la distance commence à peser. C’est assez surréaliste d’en arriver là pour des gens comme nous quand on y pense mais c’était bel et bien réel.

Julian Karembeu : pour cette nouvelle saison, les groupes de supporters ont encore une fois tous boycotté la reprise. En cause le recours aux billets nominatifs à Sion et la fermetures des parcages visiteurs. Avec l’idée de défendre les valeurs des ultras…

Section Grenat : Houlà, alors là attachez vos ceintures parce qu’il y a beaucoup à dire et pas mal de choses à clarifier.
Déjà, comme expliqué précédemment, on peut dire que c’est la première fois qu’il s’agit d’un vrai boycott alors que les fois d’avant on n’avait pas spécialement matière à réfléchir, juste à accepter la situation telle qu’elle était. Là c’est différent, d’où le terme exact de « boycott ». On est clairement sur des mesures qui ne concernent que le stade (secteurs visiteurs) ou qui posent problème dans le contexte du stade (contrôles d’identité liés au certificat covid) dans le sens où elles se croisent avec des mesures purement répressives déjà évoquées par le passé. On entre clairement dans la catégorie « mesures possiblement ambiguës » à ce moment-là, notamment par le fait que la coordination nationale de justice et police qui organise la répression au niveau national a fait part de son intérêt de faire perdurer ces mesures au-delà du covid. Il faut comprendre qu’au moment où on décide de ne pas encore rentrer, tout est encore très flou sur les réelles intentions là derrière, sur les conditions des contrôles, les déplacements etc. Au début, toutes les tribunes suisses ont pris la même décision (sauf Lucerne), par manque de visibilité. Ensuite, au gré des nouvelles informations à gauche à droite, certaines ont commencé à entrer petit à petit. Nous, on avait toujours cette problématique du secteur visiteurs fermé et on ne voulait pas se précipiter avant d’avoir toutes les garanties, donc on est restés sur notre position jusqu’à fin août, comme initialement prévu dans notre premier communiqué.
Mais ce qui est sûr c’est que contrairement aux âneries qu’on a pu lire çà et là, ce n’était en aucun cas une question de pro-vaccin, antivaccin, pro-certificat covid ou anti-certificat covid. D’ailleurs, on encourage les gens à lire nos communiqués pour avoir tous les détails.
Dernier point, le cas de Sion. Et là aussi, il faut à nouveau bien séparer les choses. Il faut comprendre que l’histoire du billet nominatif à Tourbillon est le fruit d’une volonté politique cantonale portée par le conseiller d’état valaisan Frédéric Favre et que le projet date de plusieurs mois voire années avant l’apparition de la pandémie. Bien sûr, l’occasion a fait le larron et leur a permis de bien préparer tout ça au calme pendant que les stades sonnaient creux, mais il s’agit bel et bien d’une mesure purement répressive destinée à combattre le mouvement ultra et ses influences. Nous n’accepterons jamais de telles conditions pour assister à une rencontre. Quant aux gens qui n’ont « rien à se reprocher », qu’ils se sentent libre de faire et de penser ce qu’ils veulent de tout cela, mais dans tous les cas, ça sera sans nous et donc sans véritable ambiance. Il n’y qu’à regarder les affluences catastrophiques et l’atmosphère lunaire régnant à Tourbillon depuis le début de la saison pour se faire une idée du résultat.

Julian Karembeu : Durant ces longs mois d’absences, êtes-vous restés en contact avec le club?

Section Grenat : On est restés en contact, bien que ce soit de manière moins régulière. Tu imagines bien qu’il y avait beaucoup moins de sujet à discuter, même si on a quand même fait quelques réunions avec eux notamment pour venir aux nouvelles. En dehors de ça, cela se résumait surtout aux contacts de routine quand on voulait poser des banderoles au stade. On a aussi fait un graff pour la salle de repos des joueurs…

Julian Karembeu : Dimanche 12 septembre, le groupe effectuera son retour en Tribune Nord après plus de 18 mois d’absence… Qu’attendez-vous de ce match?

Section Grenat : C’est difficile à dire, il y a pleins de choses qui se bousculent dans nos têtes. On est évidemment très heureux et excités à l’idée de retrouver notre kop, mais il y aura forcément aussi un côté plus émotionnel à tout ça. Comme on vous le disait plus haut, pour la majorité des gens du groupe ça sera la première fois qu’ils remettront les pieds au stade après plus d’un an et demi. Pour des personnes qui font le maximum de matchs (dont les déplacements) depuis 5, 10, 15, voir presque 20 ans pour certains, tu imagines un peu ce que ce match va représenter. Le résultat sera sûrement un peu secondaire dimanche, même si on espère bien évidemment gagner.
En dehors de cet aspect-là on espère que l’affluence en Nord sera au rendez-vous et que les membres, nos sympathisants, nos suiveurs et le public en général seront remontés à bloc ! Les gens se souviendront de ce match longtemps, c’est sûr. On a hâte de rattraper le temps perdu, de retrouver cette communion avec l’équipe aussi. C’est assez bizarre de se dire que certains éléments n’ont jamais connu la Praille et les matchs à l’extérieur dans des conditions d’ambiance normales.

Julian Karembeu :  Pouvez-vous nous parler du retour des déplacements en train avec le match de Coupe de Suisse du vendredi 17 septembre à Bâle face à Concordia Bâle?

Section Grenat : On est vraiment très contents de pouvoir proposer ce mode de déplacement à nouveau. C’était le plus gros aboutissement lors de la saison de la remontée pour le groupe. Il était donc important de remettre le pied à l’étrier le plus vite possible à ce niveau ce qui était aussi l’intention du club, qui comprend bien l’intérêt de tout cela. Tout n’a pas été facile notamment pour des questions de délai mais la machine est en marche. Notre objectif est de pouvoir proposer le maximum de déplacements en train spécial au cours de la saison, restez donc informés et motivés pour les prochaines échéances !
Pour Concordia Bâle le jour et l’horaire sont assez délicats mais on pense vraiment qu’il y a moyen de faire quelque chose de très bien. C’est le premier dép’ depuis des lustres, ça aussi c’est un petit événement en soi. On espère voir de nombreux servettiens !

Julian Karembeu :  Merci d’avoir répondu à nos questions. On se réjouit vraiment de vous retrouver dimanche. Allez Servette !

Section Grenat : Merci à vous pour votre travail, votre disponibilité et votre soutien. Allez Servette et à dimanche en tribune !

7 réflexions sur « Interview de la SG : « La Section Grenat n’a pas été créée pour vivre les matchs autrement que de cette façon dans une enceinte, c’est sa raison de vivre. ». »

  1. Merci aux EdS et à la SG pour cette interview de qualité qui prouve une fois de plus qu’être Ultra ne veut pas dire être un décérébré.
    On a hâte de vous revoir au stade dimanche !
    Vive Servette !!!

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