Majid Pishyar n’a pas pris part à la Course de l’Escalade…

… et on ne lui en tiendra vraiment pas rigueur. Dans le football “moderne”, il est compréhensible que les tâches de gestion (stade, transferts…), de communication et autres accaparent l’essentiel d’un agenda présidentiel. Il fut pourtant un temps, où, en dépit des soucis de deniers et de terrain, un président servettien ne rechignait pas à chausser les baskets pour signer des performances historiques.

Lorsque Paul Ackermann accède à la présidence, la Société du Foot Ball Club de la Servette n’a que quatre mois. Il est le deuxième maillon d’une longue chaîne qui s’étend jusqu’à Majid Pishyar. Il succède à Emile Bally qui avait été nommé président lors de la fondation de la société le 20 mars 1890. Ce premier président avait essentiellement consacré son temps à la recherche de nouveaux membres pour étoffer la demi-douzaine de sociétaires d’origine. Confronté au problème que Servette devait emprunter un ballon pour jouer, il mit aux voix une proposition de contribution spéciale de 50 centimes par membre pour l’achat d’un propre ballon. L’idée fut majoritairement acceptée. Pour assurer la pérennité financière de la société, les perdants des rencontres d’entraînement devaient s’acquitter d’une petite somme (Porsche ne sera fondé qu’en 1931) puis, en juin, le principe d’une cotisation mensuelle de 10 centimes fut adoptée. Ce premier président avait en outre mis la main à la pâte pour confectionner les cartes d’entrée.

Emile Bally, le premier président servettien (mars-juillet 1890)

Le problème du terrain

Autre dossier épineux : le terrain, chassés du pré Wendt par un propriétaire mauvais coucheur, les premiers Servettiens se rabattent sur un champ vers le Collège de la Prairie. Une autre société de football se fonde alors et, comme par hasard, décide de jouer le même jour que Servette sur le même terrain pour forcer le club à la dissolution. Heureusement, fin mai 1890, les autorités donnent une suite favorable à la demande de jouer sur la Plaine de Plainpalais. Les 17 membres entourant Emile Bally ne sont pas au bout de leurs peines : sur la Plaine, le Moyen club se gausse de ces nouveaux venus. Ceux-ci font le gros dos et ont bien raison, car franchement, 121 ans après, qui se souvient encore du Moyen club ?

A l’époque où il fallait payer pour jouer...

L’accession de Paul Ackermann à la présidence 

C’est dans ce contexte de précarité et d’adversité auquel les Servettiens font pièce avec ténacité que Paul Ackermann, âgé de 16 ans, accède à la présidence. Dans la foulée, il est décidé de désormais jouer le dimanche matin et de rendre le port de la casquette obligatoire. Mademoiselle Bally se chargera de leur confection, aux couleurs du club : rouge et vert ! Le grenat n’apparaîtra qu’au début du XXème siècle, sans doute les membres fondateurs avaient-ils voulu d’emblée rendre un hommage prémonitoire au Portugal de João Alves…

Paul Ackermann, à seize ans, il prend la présidence de Servette (juillet 1890)

Une société multisports

Le sport pratiqué par Ackermann et ses coéquipiers était en réalité du rugby, souvent nommé aussi football rugby. Le football au sens où nous l’entendons aujourd’hui s’appelait alors association (d’où le A final dans FIFA ou UEFA par exemple). Qu’à cela ne tienne, une société sportive digne de ce nom se devait de diversifier ses activités. Le 13 novembre 1892, Servette organise une course à pied, à notre connaissance la plus ancienne activité du club relatée par la presse… deux semaines plus tard ! Elle se tient sur la plaine de Plainpalais et son objectif affiché est de battre le record de l’heure à pied. Les participants sont au nombre de cinq et partent à vive allure. Malheureusement, certains se dispersent puis abandonnent et finalement, c’est le président qui s’y colle et parcourt 14,5 kilomètres en soixante minutes, c’est tout bonnement le record suisse de l’heure ! Cette performance est d’autant plus méritoire que la plaine de Plainpalais “était agrémentée sur de longs espaces de véritables flaques d’eau où pataugeaient les coureurs”. Pour ceux qui mettraient en doute l’authenticité de cet exploit, sachez que messieurs Jules Sanguinetti, rédacteur à l’Union sportive, et Schladenhaufen fils en ont assuré le contrôle.

Une joyeuse bande de proto-footballeurs grenats sur la Plaine (juin 1892)

Paul Ackermann passe le relais

Un an plus tard, Servette organise une course pédestre au Vélodrome de Varembé. Trois épreuves sont proposées : le 5000 mètres (remporté haut la main par Paul Ackermann en 19 minutes 17 secondes et 50 centièmes avec une centaine de mètres d’avance sur ses poursuivants), la course de vitesse et la course de l’heure où le record présidentiel ne tombe pas. Cette année-là, Paul Ackermann passe la main, Pierre Lugon lui succède pour un an. Les présidents se succèdent les uns aux autres jusqu’en 1900, moment où deux personnages d’exception (Aimé Schwob et François-J. Dégerine : nous aurons l’occasion de vous les présenter !) s’associent, créent la section football et renomment la société d’un nom appelé à un long devenir : Servette F.C.

Quid de ce président véloce ?

Quant à Paul Ackermann, on le retrouve en 1896 dans une fonction de vice-secrétaire de l’Union vélocipédique genevoise, aux côtés d’Aimé Schwob, futur président du Servette F.C. Il disparaît ensuite apparemment des gazettes sportives, le seul Paul Ackermann connu à Genève au tournant du siècle est… le vice-consul du Chili. Est-ce notre président aux semelles de vent ? Rien n’est moins sûr…

Pour aller plus loin : rapport Ackermann (pour le premier anniversaire de Servette, mars 1891)

La semaine prochaine : les quatres titres de 1979 pour votre Noël !

Dernière chronique : Deux fois meilleur buteur avec Servette avant de partir à Lucerne : John Eriksen

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

12 réflexions sur « Majid Pishyar n’a pas pris part à la Course de l’Escalade… »

  1. Voila un des rôles d’évolue aux « enfants du servette »: raconter l’histoire de notre club. Bravo pour ce superbe travail historique qui devrait être ecrit sur les murs d’un futur musée du Servette FC, n’est ce pas Mr Pyshiar?
    Les grands clubs de meurent jamais……..Servette en fait partie!

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    1. Oui, l’histoire des couleurs m’intrigue beaucoup aussi, je n’ai pas encore la réponse sur leur choix et les raisons du changement, mais je ne désespère pas… cela dit au passage, c’était un coup de maître d’avoir finalement opté pour la couleur grenat si caractéristique et évocatrice !
      Je sais juste qu’à la même époque, un club ouvrier de Lugano voulait jouer en rouge mais comme la couleur était trop marquée politiquement, les joueurs ont dù évoluer en grenat… mais l’explication ne marche naturellement pas pour Servette… A l’époque, Aarau jouait aussi en grenat… C’est drôle de lire des résumés de Servette-Aarau où il faut comprendre que les Grenats c’est pas nous !

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  2. Un magnifique travail, des articles parfaits qui rendent le plus bel hommage à toute la splendeur de l’Histoire d’un club aussi beau.
    Bravo Germinal!

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