Les prémices du tourbillon grenat

Ce week-end verra la renaissance d’une grande manifestation genevoise du passé : les Jeux de Genève, ressuscités 50 ans après leur dernière édition. Le Servette FC avait pris part à toutes les premières éditions de ces Jeux. Au sortir de la guerre, ils allaient donner l’occasion au tourbillon servettien de se mettre une première fois en branle. Une victoire au Letzigrund suivra. Puis le titre.

Une sortie de guerre difficile

Le Servette FC était sorti de la guerre pour le moins patraque : un piètre neuvième rang, à trois points de la relégation sanctionnait une saison 1944-1945 ratée.  Entre le service militaire, les blessures et les maladies, les 17 joueurs du contingent n’avaient pas été épargnés par la poisse. Pour la nouvelle saison, Servette ne pourra plus compter sur Philippe Fuchs, principal artisan du redressement servettien au printemps : il part à l’Olympique Lyonnais avant de tenter l’aventure du calcio. Le club grenat enregistre par contre la qualification de Francis Defago, international 10 ans plus tôt, qui devient, à 34 ans, le patron de la défense.

Après un passage par l’Angleterre, Francis Défago vient fortifier la défense servetienne.

Les Jeux de Genève

Le Servette FC version 1945-1946 fait ses premiers pas au mois d’août à l’occasion des Jeux de Genève. Cette manifestation sportive, dont la première édition avait eu lieu durant l’été 1940, en était alors à sa cinquième édition. Initialement conçue comme un événement sportif international destiné à soutenir le mouvement sportif tout en donnant un coup de pouce au tourisme et à l’économie de Genève, elle avait dû faire face au contexte de la guerre (épreuves de natation interrompues suite à une alerte aérienne, annulation des épreuves de sport motorisé faute d’essence…) qui l’avait empêchée de compter sur la présence des athlètes étrangers. Les Jeux de Genève prennent néanmoins rapidement une dimension nationale avec l’organisation de divers championnats suisses (canoë, escrime, cyclisme…). Ils mélangent apologie du sport, appel au patriotisme et charité (fonds recoltés pour les enfants victimes de la guerre) et sont un succès populaire.

La billeterie de 1943

Dans le domaine du football, si la première édition est un huis-clos genevois (UGS, Dopolavoro, Servette), les grandes équipes suisses (GC,YB, Lausanne…) sont au rendez-vous des éditions suivantes. A noter que Max Burgi est la cheville ouvrière de l’événement. Aux côtés d’Aimé Schwob et de François Dégerine, il avait fondé le journal La Suisse sportive à la fin du 19ème siècle. C’est ce journal qui financera le premier championnat de Suisse de football et messieurs Schwob et Dégérine sont les fondateurs de la section football du Servette FC…

La cinquième édition des Jeux de Genève

En août 1945, au moment où le géneral Guisan fait ses adieux à l’armée suisse, la guerre est bien finie et le tournoi de football des Jeux de Genève accueille pour la première fois une équipe étrangère : le FC Sochaux. Les Doubistes sont les premiers adversaires des Grenats qui s’imposent 4:2. En finale, les Servettiens battent encore le Lausanne-Sports 4:1 pour remporter le trophée « Sport et bienfaisance » offert par le Conseil d’Etat. Ce sera la dernière fois qu’ils auront cet honneur : les années suivantes, le Bata Zlin, Modène puis le First Vienna se dresseront sur leur route. Il n’empêche que c’est de bonne augure pour la saison à venir…

Un excellent début de championnat

Lors de la première journée de la saison, les Grenats disposent à domicile du FC Berne sur le score de 4:1. Une victoire attendue.

Fatton et Tamini inscrivent un but au gardien du FC Berne

La seconde journée donne l’occasion aux Servettiens d’aller défier le FC Zurich, vainqueur à Bellinzone lors de la première ronde, sur ses terres. La première mit-temps est à sens unique : l’attaque servetienne se déchaîne et ses combinaisons sont un régal pour les yeux. L’inusable André Belli, dont on ne compte plus les buts qu’il a inscrits sous le maillot grenat en 17 ans de carrière (avec une interruption lorsqu’il avait été prisonnier de guerre en Allemagne), frappe à trois reprises. La cause est entendue et Servette se repose sur ses lauriers en seconde période. Sa défense vacille quelque peu et les Zurichois marquent le but de l’honneur. Ce match disputé à Zurich sera à l’image du reste de la saison : une attaque le plus souvent intenable mais une défense fragile malgré la présence du grand gardien Ruesch. Le week-end suivant, Servette bat aux Charmilles le grandissime favori GC grâce à une réussite de l’inévitable Belli. Les ambitions des Grenats se précisent…

Jacky Fatton lors de la victoire 1 :3 au Letzigrund. Déjà intenable !

Le tourbillon servettien  

La frénésie offensive servetienne qui marquera la suite du championnat est rendue possible par la grande marge de manoeuvre laissée à ses joueurs par l’entraineur Fernand Jaccard. De gabarit modeste, les attaquants servettiens misent sur l’utilisation des espaces libres, les permutations incessantes et un jeu rapide à une touche de balle. Les démarrages de Jean Tamini, l’abattage d’André Facchinetti, la solidité d’André Belli, les dribbles de Lucien Pasteur et le punch du jeune Jacky Fatton (il sera appelé en Suisse B peu après le match de Zurich) se complètent idéalement. Cette configuration alerte et efficace prendra le nom de « tourbillon servettien ». Malgré quelques passages à vide, Servette restera leader jusqu’au bout et fêtera ainsi son dixième titre avec un point d’avance sur le Lausanne-Sports. C’est ce titre qui vaut, symboliquement, l’étoile qui figure aujourd’hui sur le maillot et le logo servettiens.

Les jeux de Genève 2012

Les 12 et 13 mai prochains verront donc la renaissance des Jeux de Genève. Retrouveront-ils leur lustre de « Jeux olympiques genevois » d’antan ? Autrefois, ils s’étalaient de mi-juillet à fin août, offrant une occasion de préparation aux clubs de football durant la pause estivale. L’Histoire repassera-t-elle les plats ?

Pour en savoir plus sur les Jeux de Genève 2012 :

http://www.ville-geneve.ch/themes/sport/manifestations-evenements/jeux-geneve/

Autres chroniques concernant des rencontres entre Servette et le FC Zurich :

https://enfantsduservette.ch/2012/03/16/a-quoi-pourrait-ressembler-un-musee-du-servette-fc/

https://enfantsduservette.ch/2011/11/30/match-contre-bienne-avant-des-rencontres-capitales-contre-zurich-le-sfc-annonce-le-depart-de-son-entraineur-etranger-qui-a-ramene-le-club-sur-le-devant-de-la-scene/

Dernière chronique : Des fans servettiens sur la pelouse pour soutenir l’entraîneur

La semaine prochaine : Servette-Bâle 17-15

Jacky Pasteur et Germinal Walascheck

12 réflexions sur « Les prémices du tourbillon grenat »

  1. C’est super ces chroniques et on aimerait bien savoir qui se cache derrière ce ou ces pseudonymes ! Oui c’est un jeu mais on voudrit pouvoir féliciter ces historiens du foot (et plus) genevois. Signé : un fana du foot genevois et une historienne genevoise : Daniel Suter et Isabelle Brunier

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    1. Pour info, Germinal, alias Nicolas dans la vrai vie, habite très loin de Genève.

      Pour le reste, je laisse notre Zola servettien se présenter s’il le désire 🙂

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    2. Je rédige ces chroniques en collaboration avec un ami alémanique qui a créé le site :

      http://www.super-servette.ch/

      En traduisant ce site en français, l’idée m’est venue de « vulgariser » la grande Histoire du SFC, de montrer par petites touches comment le football, ou Servette dans le cas qui nous intéresse, s’inscrit dans des contextes différents selon les époques. Au début, on craignait un peu de ne pas intéresser grand monde mais finalement plusieurs centaines de lecteurs nous suivent chaque semaine et c’est aussi un immense plaisir de rédiger les chroniques et de découvrir à chaque fois de nouveaux aspects.

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