Minibudget, miniperformances: le prix de la raison pour Servette (TDG, vendredi 5 octobre 2012)

Avec cinq millions pour la première équipe, les Grenat composent sans folie des grandeurs. Seule manière de vivre sainement

Pour embrasser vraiment la situation sportive actuelle du Servette FC, il faut regarder le proche passé du club. La réalité d’un sauvetage mené tambour battant par Hugh Quennec et son équipe a supposé une réelle prise de conscience: cette saison, Servette a sans doute le plus petit budget alloué à une première équipe. C’est le prix de la raison.

Dans un monde idéal, avec une faillite évitée in extremis et une licence obtenue après avoir montré patte blanche, Servette aurait dû se renforcer. Acheter des joueurs, expérimentés, un par ligne au moins. C’est comme cela qu’il se serait donné les meilleurs atouts pour le maintien, lors de la deuxième saison en Super League, toujours plus compliquée que la première.

Mais dans les faits, le club grenat n’a pas eu le choix. Après l’ère Pishyar et sa fuite en avant (cessation totale de paiements ou presque), il a bien fallu retrouver un fonctionnement plus sain. C’est ce retour au sérieux qui a aussi eu des influences, Servette étant obligé de composer avec les moyens du bord.

Le budget

Par la voix du président Quennec, Servette a annoncé la couleur en début de saison: 5 millions de budget pour la première équipe.

«C’est cela, confirme Philipp Kneubühler, directeur. Nous avons aussi une philosophie de fonctionnement: nous ne dépensons que ce que nous avons. Notre budget actuel est donc à l’équilibre, nous ne nous permettons aucun coup de poker.»

Le contrôle de la Ligue

A cela, une raison: Servette doit présenter ses comptes tous les trois mois à la Swiss Football League. C’est avec cette charge que le club, qui venait d’éviter la faillite en sortant du surendettement, a obtenu sa licence à la fin de mai.

La Ligue ausculte les comptes, demande la trésorerie, les justificatifs de paiement. Un premier contrôle a eu lieu à la fin de juillet. «Tout s’est bien passé», assure Kneubühler. Le prochain aura lieu à la fin d’octobre. Servette avait alors montré que tout était en ordre, que les factures, les salaires, les charges sociales et les cotisations pour le chômage étaient à jour. «C’est une exigence qui est aussi la nôtre, poursuit le directeur. Nous ne voulons pas que les choses marchent sans ce sérieux.»

La différence avec les autres clubs est toutefois grande. Dans l’établissement du budget, les clubs peuvent prendre des paris plus ou moins osés. L’objectif demeure un exercice à l’équilibre à la fin de la saison. Mais entre deux, une prise de risque est possible. Ce n’est pas le cas au Servette FC, qui doit montrer ses comptes tous les trois mois. Cela interdit donc au club de faire des dépenses (renfort ou autres) en spéculant sur une rentrée d’argent dans plusieurs mois.

Rétablir la confiance

L’autre objectif, c’est le rétablissement de la confiance auprès des partenaires et autres fournisseurs du club.

«Nous voulons rétablir la confiance, oui, explique Philipp Kneubühler. Et cela prend du temps. Mais nous avons ce but en tête. Les gens nous ont fait confiance pour le sauvetage: avec une gestion qui est très stricte, nous ne les décevrons pas. A ce sujet, je suis en contact avec des entreprises pour l’édification du mur de la solidarité. Nous avons récolté près de 900 000 francs. C’est extraordinaire. Sur ce montant, il reste peut-être encore 10% des sommes à recouvrir. Mais le mur ne devrait pas tarder à être érigé.»

Grossir le budget

Dans la foulée, Servette cherche aussi à grossir son budget. Cela passe par l’arrivée de nouveaux investisseurs. Les premiers ont permis de sauver le club. Il faut maintenant convaincre ceux qui ne voulaient pas éponger la dette de Pishyar d’investir dans le projet de reconstruction. C’est le hiatus entre la première vague, pour le sauvetage, et la seconde, pour la pérennisation, qui a peut-être gêné Servette aux entournures, au moment de faire des efforts financiers.

«Nous espérons bien sûr que le club attirera des investisseurs, de nouveaux partenaires et que cela contribuera à faire évoluer le budget actuel», précise Kneubühler. Outre les soutiens genevois, Quennec a déjà évoqué des contacts avec des firmes russes, moyen-orientales ou coréennes.

Le futur immédiat

Servette fait donc avec ce qu’il a. Il n’y a pas eu de renforts de dernière minute pour juguler le catastrophique début de saison. Un choix plus financier que sportif, donc.

Un effort est prévu pour la pause hivernale. Servette a encore trois licences à disposition. Si celles de Baumann et Diallo sont activées cet automne, il n’y aura donc plus qu’une seule possibilité de renfort.

Servette compte ses sous avec la plus grande rigueur. Cela explique aussi les difficultés sportives de ce début de saison. Austérité de circonstance d’un côté, performances sportives insuffisantes de l’autre: reste à savoir si ce mariage est une fatalité ou si les Grenat, en dépit de leurs moyens limités, sauront inverser le cours des choses.

Daniel Visentini

Collet: «Il y a une part de risque…»

Ce que vit Servette aujourd’hui, Lausanne l’a vécu la saison dernière. Jean-François Collet, le président du club vaudois, s’en souvient. En décembre, le LS avait 11 points.

«A la fin de la première phase, en décembre, nous avions huit points de retard sur Grasshopper, rappelle-t-il. Mais nous avons terminé devant GC à la fin de la saison. Cela dit, il y a eu le retrait de Xamax. Nous savions donc que nous serions au pire barragistes. Sion a aussi perdu 36 points et nous n’étions plus derniers. Psychologiquement, c’était plus facile pour toutes ces raisons. Or, cette saison, ce sera plus compliqué…»

Le budget alloué à la première équipe du LS est de 5,5 millions. Donc proche de celui de Servette. «On peut se maintenir avec ce genre de budget, explique Collet. Mais on peut aussi tomber en Challenge League. Je veux dire qu’il y a forcément une part de chance dans les paris que l’on prend en termes de recrutement. Malonga cartonne, tant mieux. Gabri est bien présent, tant mieux aussi. Mais on ne pouvait pas le savoir avant. Et quand on fonctionne avec un budget de cinq millions ou à peine plus, il y a donc des risques sportifs, oui.»

Fort de son expérience dans le monde du hockey, Hugh Quennec a aussi veillé à mettre en place un secteur administratif immédiatement fort. Pour exploiter le stade et la «marque» Servette. Le hic, c’est que, faute de moyens, les résultats sportifs ne sont pas à la hauteur. Et que pour le coup, retour de flamme, le club est moins attractif, comme en atteste la moyenne de spectateurs, en dessous des 6200 âmes. D.V.

6 réflexions sur « Minibudget, miniperformances: le prix de la raison pour Servette (TDG, vendredi 5 octobre 2012) »

  1. Enfin du concret! Manque plus qu’une date pour voir le joli mur s’ériger et les résultats du Servette suivre par la même occasion.

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