Servette l’emporte à GC sous les yeux de son meilleur espoir…

SFC GCz

C’est une histoire qui n’est pas à la gloire du football aux transferts dérégulés et aux joueurs transbahutés au gré des deals financiers faisant fi de la logique sportive. Heureusement, dans ce cas, la morale fut sauve…


Un complexe zurichois

Régulièrement baffés lors de leurs voyages à Zurich pour affronter GC (11 buts encaissés pour 2 marqués lors de leur trois dernières sorties), les Grenats se devaient de conjurer le signe indien pour ne pas perdre leur place de leader au profit des Sauterelles qui, à deux points, se faisaient pressantes sur les talons des Servettiens. Alors que Servette avait survolé le tour préliminaire, reléguant ses poursuivants directs à six longueurs, le redémarrage printanier était plus poussif (défaite à Saint-Gall) et il n’était pas encore acquis que l’entraineur Castella puisse trouver la bonne alchimie dans un effectif bien remanié.

Du mouvement à l’intersaison

A quoi bon changer une équipe qui gagne ? Suite au tour préliminaire enthousiasmant, Gérard Castella souhaitait repartir sur les mêmes bases en adjoignant simplement à son équipe le très prometteur Bulgare Martin Petrov, le “Maradona des Carpates’. Finalement, le Holandais Edwin Vurens viendra encore renforcer l’attaque des Grenats et le Lituanien Razanauskas le milieu de terrain et Sébastien Jeanneret sera acheté à un Neuchâtel Xamax déliquescent. Castella se verra en outre contraint d’avaler le départ de son attaquant Carlos Varela (Bâle) et surtout du Meyrinois Patrick Müller suite à un scénario aussi rocambolesque qu’affligeant.

patrick
Patrick Müller

De Genève à Turin en passant par… Zurich !  

Intégré à l’effectif grenat lors de la saison 1995-1996 à 19 ans, Patrick Müller, s’impose progressivement comme un pion essentiel au coeur de la défense servetienne. Précis dans ses interventions, redoutables dans les duels, ne se départissant que rarement d’un calme olympien et buteur à ses heures, Patrick Müller avait fait ses débuts en équipe de Suisse au printemps 1998. Ses bonnes performances sous le maillot grenat avaient tapé dans l’oeil des recruteurs de la Juventus qui l’avaient engagé au premier janvier 1999. Lors des négociations avec le club piémontais, il semblait acquis du côté servettien que Müller finirait néanmoins la saison à Genève sous forme de prêt. Finalement, ce bel ordonnancement achoppe sur les clauses financières : le président Christian Hervé accuse l’entourage du joueur de se montrer trop gourmand mais dans le même temps oublie de se prémunir contre un éventuel passage du joueur dans un autre club suisse. Servette ne peut que proposer de prendre à sa charge la moitié du salaire de Müller (on parle de 30’000 francs mensuels à la charge du club grenat) et, à deux jours de la reprise du championnat, c’est Grasshoppers qui, en cassant sa tire-lire, tire les marrons du feu et s’assure, en principe pour un an et demi, le précieux concours de Patrick Müller tout en affaiblissant son concurrent le plus direct pour le titre…

muller De napoli
Patrick Müller en grenat contre De Napoli (GC), une image appartenant au passé… (photo Lafargue)

Traître malgré lui…

Alors que ses coéquipiers préparent la reprise du championnat contre Lausanne, Patrick Müller vide son casier des Evaux, le coeur gros d’avoir été ainsi parqué à Zurich en attendant d’avoir sa chance sous le maillot bianconero et avec l’embarrassante impression d’avoir joué un sale tour à ses partenaires. Un peu plus de trois ans après l’arrêt Bosmann qui ouvrait la voie à des transferts illimités de joueurs communautaires (à noter qu’à l’époque Patrick Müller attendait son passeport autrichien), Servette, malgré l’illusion des moyens conséquents mis à disposition par Canal+, devait se résoudre à ne pas vraiment pouvoir jouer dans la cour des grands au niveau financier. Vendre ses jeunes talents, tel était le peu engageant futur se profilant toujours plus clairement au tournant millénaire…

GC au tapis

La rencontre au sommet du 21 mars 1999 entre GC et Servette, disputée au Letzigrund en raison des travaux de réfection du Hardturm, accouchera d’un spectacle de piètre qualité. Le début de match est à l’avantage des Zurichois : Servette recule et s’avère emprunté à la relance. A la pointe de l’attaque des Sauterelles, Kubilay Türkyilmaz, qui avait une décennie auparavant contribué à donner le signal du départ des footballeurs suisses vers l’étranger, est toujours aussi remuant. Il fait illusion durant quelques dizaines de minutes puis l’ardeur des Zurichois baisse sensiblement.

Kubi et Jeanneret
Kubi marqué de près par Jeanneret (photo Lafargue)

A la pause, Castella remanie son équipe : Vurens et Razanaukas font leur apparition. Souvent à l’aise en contre-attaque, les Grenats trouvent l’ouverture à la 52ème minute : suite à une ouverture de Vurens, Alexandre Rey parcourt quarante mètre en se défaisant de deux adversaires et conclut d’une belle frappe du gauche. Au sommet de sa forme cette saison-là, le néo-international valaisan porte ainsi son total personnel à 14 buts, il finira d’ailleurs meilleur buteur avec 19 réussites. Servette a vaincu son complexe zurichois et la fin du match est bien tranquille pour le portier genevois Eric Pédat… Avec désormais cinq longueurs d’avance sur les Sauterelles, Servette peut voir venir même si Lausanne, fringant vainqueur de Xamax (4:0) n’est qu’à trois encablures.

rey-muller
Patrick Müller aux prises avec son ancien coéquipier Alexandre Rey (photo Lafargue)

Une fin de saison laborieuse et épique

Les Servettiens ne pourront pas vraiment faire fructifier leur victoire zurichoise : devenus l’équipe à battre, ils perdront des plumes dans les confrontations suivantes (nul contre Zurich, défaite à Lucerne…). Au vu de l’effectif pléthorique du club grenat, ce manque de constance étonne. Heureusement, les Grenats assurent l’essentiel contre leurs concurrents directs et une providentielle victoire à Lausanne lors de l’ultime journée débouche sur un dix-septième titre national (cf. notre chronique le plus beau Lausanne-Servette). Quant à Patrick Müller, il n’aura même pas la satisfaction d’une victoire en Coupe (défaite en finale contre Lausanne).

Un changement d’ère entre internationalisation et accélération du temps

L’épisode saugrenu du transfert avorté de Patrick Müller à la Juve (il ne portera jamais ses couleurs) est probablement un des exemples les plus précoces et les plus aboutis d’un nouveau schéma de carrière où les jeunes espoirs quittent la Suisse pour une aventure à l’étranger débutée sans cesse plus tôt. Pour se limiter au football genevois, outre Patrick Müller (82 sélections, une brillante carrière à l’Olympique Lyonnais ponctuées entre autres de six titres de champion, âgé de 22 ans au moment de signer à la Juve), on trouve à la même époque son coéquipier des juniors du FC Meyrin Johann Vogel (94 capes), parti en 1999 à 22 ans pour le PSV Eindhoven avec lequel il sera quatre fois sacré champion de Hollande. N’ayant pas eu la chance d’être bercé par de douces fées grenat durant son enfance, il était tombé bien jeune sous la coupe d’hideuses goules bleues et blanches qui le contraindront, pour sa plus grande peine, à arborer un curieux insecte sur la poitrine, jusqu’au-delà de la retraite … A ces jeunes Genevois partis aux quatre vents s’ajouteront bientôt Philippe Senderos, qui, après deux saisons en grenat, pousse la porte d’Arsenal à 18 ans en 2003. Il y retrouve Johann Djourou, de deux ans son cadet, arrivé là en provenance d’Etoile Carouge. Peu après, Reto Ziegler, passé par les juniors servettiens puis par GC débarque également Outre-Manche à 18 ans (Tottenham). Ce sera un flop, mais l’engagement de Julian Estaban au Stade Rennais en 2006 à tout juste 20 ans s’inscrit dans la même veine. Du haut de ses dix-sept ans et fort d’une brève apparition en championnat contre Lausanne, l’ancien ramasseur de balles des Grenats Kevin Mbabu a pris cet hiver le chemin  de Newcastle. Cette liste peut être mise en regard de celle des Servettiens partis à l’étranger dans les années 1980 (à noter d’ailleurs que Servette n’en a formé aucun et qu’ils sont tous allés en France) :  Didi Andrey (29 ans lors de son départ pour Grenoble), Umberto Barberis (28 ans/AS Monaco), Alain Geiger (28 ans/Saint-Etienne), Lucien Favre (25 ans/Toulouse) ou Michel Decastel (23 ans/RC Strasbourg).

Mbabu
Kevin Mbabu, le dernier Servettien qui a pris le large… pour l’instant !

Dans le football helvétique actuel, vocation formatrice et capacité à dénicher et attirer les jeunes talents constituent probablement un des principales planches de salut. Cela peut sembler banal de le dire aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été si évident que cela !

Jacky Pasteur et Germinal Walaschek

Dernière chronique : Sion peut mettre le grappin sur un espoir genevois

Autres chroniques portant sur les matchs contre GC :

Servette étrille Grasshoppers pour célébrer son titre

Servette se casse les dents sur la défense de Grasshoppers et dit adieu au titre

 Trello : un des plus grands !

Servette- Grasshoppers : le mano a mano du début des années 1980

Des nouvelles du livre “Un peu d’Histoire…”

Dans les commandes de cette semaine, nous avons constaté que certains avaient aimé notre frichti au point d’en commander une seconde ration. Cela fait toujours un grand plaisir !

Suite au match annulé contre Sion, nous avions eu la joie de poster une photo de José Sinval recevant notre ouvrage. Enfin, nous avons évoqué hier deux compte-rendus sensibles à la démarche de notre ouvrage. Le livre peut toujours être commandé en cliquant sur l’image ci-dessous.

Couverture et quatrieme de couv

12 réflexions sur « Servette l’emporte à GC sous les yeux de son meilleur espoir… »

  1. Joli article ! quelle saison 98/99… quel bonheur à la fin !!!!!!

    Par contre, si je ne m’abuse:

    ———- le très prometteur Bulgare Martin Petrov, le “Maradona des Carpates’.——–

    Ce sobriquet n’était pas déjà dévolu à Hagi le roumain ???

    merci d’éclairer ma lanterne et bonne continuation.

    J’aime

  2. A TOUS LES SUPPORTERS
    Rendez-vous samedi au grenats pour suivre GC – Servette sur grand écran menu unique Steak-frites, réservation au 022 792 25 29
    ALLEZ SERVETTE

    J’aime

Répondre à Marco Anderson Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.