Les finances des clubs de Super League

Depuis quelques années, les clubs de la SFL doivent publier leurs comptes afin d’obtenir la licence. La Swiss Football League ayant publié récemment les comptes des clubs de Super League dans un format relativement uniforme, il est intéressant de s’y pencher afin de déterminer les forces en présence.

Introduction générale

Les Comptes de Pertes & Profits montrent les dépenses et les recettes des clubs, tandis que la partie Bilan montre leur fortune et leurs dettes. Ces comptes correspondent aux comptes légaux, selon le Code des Obligations. Cette norme étant relativement laxiste, une certaine créativité est possible dans l’établissement des comptes. Les comptes économiques ne sont malheureusement pas disponibles.

Les budgets

Pour connaître le budget d’un club, la ligne « Total des charges d’exploitation (sans transferts des joueurs) » indique le budget total des clubs. Servette présente l’avant-dernier budget, avec 17,2 millions, devant Lugano (13,5 millions), et derrière LS (18,7 millions), Lucerne (19,5 millions), Zurich (20 millions) et St Gall (26,6 millions). Il faut noter que le budget servettien était de 18,5 millions la saison précédente.

Les salaires

Toutefois, s’arrêter au total du budget est un peu court. Il faut se pencher sur le détail des postes composant ce total, notamment les « Prestations en faveur du personnel ». Cette ligne regroupe les salaires des joueurs, du staff et de l’administration. Pour cette position, le classement change. Loin des Bâle et YB, Servette se classe à la 5e place avec 13,3 millions, derrière Zurich (15,4 millions), St Gall (14,1 millions) et devant Lucerne (12,9 millions), Sion (12,9 millions), Lugano (10 millions) et LS (9,6 millions). Il est impossible de connaître la répartition Joueurs/Staff/Administration. Certains clubs comme Bâle, St Gall ou Lucerne publient leurs états financiers détaillés, y compris le rapport des auditeurs. Cela permet d’en savoir parfois un peu plus. Ainsi, St Gall dépense 2,6 sur les 14,1 millions pour le personnel de sa société « Events ». Il s’agit probablement de l’administration. Toujours est-il que Servette ne publiant pas de comptes détaillés, il est impossible d’identifier la part de l’administration par rapport aux salaires de l’équipe. 

Servette, à égalité avec Zurich, est ainsi le club de Super League qui consacre la plus grosse part de son budget aux salaires (77%), loin de LS (51%), St Gall (53%), Sion (64%), Lucerne (66%), Lugano étant plus proche à 74%.

Autres dépenses

Si le budget servettien est l’avant-dernier tandis que les dépenses du personnel classent les Grenat à la 5e place…. où est la différence ? C’est ici que les choses se compliquent. La ligne « Autres charges d’exploitation » diffère passablement d’un club à l’autre. Elle devrait inclure les frais liés au marketing, à l’achat du merchandising, et surtout les frais d’organisation des matchs. Tous les clubs ne publiant pas leurs comptes, il est impossible de connaître la part de ces différents coûts. De plus, tous les clubs ne disposent pas de la même structure de coûts. Ainsi, les dépenses découlant de l’organisation des matchs peuvent parfois être regroupées dans les comptes détaillés disponibles.

Ce qu’il faut retenir, c’est que Servette est avant-dernier sur ce poste avec 3,7 millions, tandis que St Gall annonce 8,9 (!) millions, dont plus de 5 millions pour l’organisation des matchs, LS dépense 8.2 millions, Sion 6,5 millions, Lucerne 5,6 millions, Zurich 3,9 millions et Lugano 2,6 millions. C’est donc sur ce poste que Servette est un club modeste. Il est vraisemblable que la pandémie a joué un rôle, permettant au club de notre cœur de réduire drastiquement les frais d’organisation des matches. Rendez-vous dans un an pour voir si ce poste est revenu au niveau de 2020. Voire même plus.

Ce poste est donc à priori sans lien direct avec l’aspect sportif… et la différence est suffisamment importante pour faire plonger le budget total des Grenat à l’avant-dernière place.

Les soutiens

Un mot sur les soutiens apportés aux clubs : c’est un peu la bouteille à l’encre. En effet, on pressent que LS passe le mécénat d’Ineos dans le Sponsoring qui est disproportionné (à la louche, 8 millions de « trop »), tandis que Zurich montre un montant de « Sponsoring », ainsi que des « Autres produits d’exploitation », étonnamment élevés (à la louche 8-10 millions de « trop »). Lucerne et Sion présentent des « Autres produits d’exploitation » également élevés avec respectivement 6,8 et 9,4 millions. Selon les comptes publiés par Lucerne, cela semble plutôt concerner du sponsoring (VIP).  Au final, tous demeurent loin des 12,9 millions de Servette.. Au vu des montants indiqués pour les autres clubs, on peut estimer le soutien de la Fondation 1890 à 8 millions au minimum, potentiellement 10 millions, soit grosso modo la moitié de notre budget. Aucun autre club ne présente une telle « anomalie » dans ses comptes, ce qui indique qu’aucun club, à l’exception de Zurich, n’est à ce point soutenu par un mécène.

Conclusion

Contrairement à ce que qu’affirment nos dirigeants, Servette ne dispose pas d’un « petit budget ». Il a même augmenté ses dépenses salariales tout en réduisant de presque 3 millions ses « autres dépenses », ce qui lui a permis de réduire son budget de 1,3 million. La saison passée, nous étions ainsi au même niveau de budget total que 3-4 autres clubs.

A notre direction de faire bon usage des fonds à disposition pour son recrutement estival, un recrutement moderne, à l’image de ce que réalisent les Belges Royale Union St Gilloise ou les Danois de Midtjylland.

Les liens

Les comptes SFL : https://www.sfl.ch/fr/sfl/droit-licences/licences/informations-financieres-2021/

Servette : https://www.servettefc.ch/documents/informations_financieres.pdf

St Gall : https://www.fcsg.ch/home/club/organisation/geschaeftsbericht/

Lucerne : https://fcl.ch/publication/geschaeftsbericht-2020-21/

Bâle : https://www.fcb.ch/club/geschaeftsunterlagen/geschaeftsberichte/

Sion : https://www.fcsion.ch/media/document/0/informations-financieres.pdf

Lugano : https://www.fclugano.com/documenti/

YB : https://www.bscyb.ch/ueber-uns

Attention : certains clubs présentent encore les comptes 2019-20 et non pas les 2020-21. Je n’ai pas trouvé les comptes sur les sites de Zurich, LS et GC. 

Royale Union St Gilloise : https://www.rtbf.be/article/mazzu-loue-le-role-des-data-dans-le-succes-de-lunion-mais-lhumain-doit-dominer-les-chiffres-10884772

Midtjylland : https://www.sofoot.com/rasmus-ankersen-le-classement-ment-toujours-490427.html

NF

30 réflexions sur « Les finances des clubs de Super League »

  1. Merci NF pour cet article très éclairant.

    Peut-être ne faudrait-il pas omettre le critère du coût de la vie ?

    La vie est globalement plus chère à Genève et à Zürich qu’ailleurs en Suisse. Voire même dans le monde.

    Idem s’agissant de la fiscalité. Genève est plus chère que beaucoup d’autres villes suisses. Zürich peut le cas échéant « proposer » une proximité avec quelques cantons fiscalement très intéressants. A noter aussi que certains joueurs étrangers du SFC, notamment français, résident en France voisine, meilleure marché, mais fiscalement inintéressante, pour ne pas dire répulsive. Routis en était un bon exemple à l’époque.

    Tout cela pour dire la relativité des chiffres.

    Je peux prendre l’exemple de Numa Lavanchy (qui n’a pas trouvé d’accord avec Lugano et qui est annoncé à Sion🤮), que j’aimerais beaucoup voir associé à Mića dès la saison prochaine. Si Sion semble tenir la corde (pour mieux le pendre ), un salaire de CHF 25’000 à Sion lui laisserait finalement beaucoup plus qu’un salaire identique à Genève. Le coût de la vie en Valais n’est pas comparable avec Genève. Une maison à Evolène coûtera par exemple toujours moins chère qu’à Avully, Vandoeuvre ou Perly par exemple.

    Donc faire venir Numa Lavanchy coûtera plus cher au SFC qu’à CC. On pourrait se dire que si le coût de la vie à Genève est plus cher qu’à Sion, alors le prix des billets et abonnements doit être plus cher à Genève qu’à Sion. Pourtant, c’est bien l’inverse, alors même que le stade de Genève est d’un confort et standing largement supérieurs à Tourbillon.

    Le salut reside-t-il dans l’augmentation des prix au SFC ? Peut-être. A condition d’avoir une belle équipe sur le papier. C’est donc le serpent qui se mord la queue…

    En résumé, à budget égal, le SFC a, selon moi, moins de moyens que ses concurrents, hormis peut-être les deux clubs zürichois.

    Une des questions serait donc de savoir comment gommer cet handicap pour être plus attractif. Car même si la vie à Genève possède d’autres attraits, le joueur de football regarde avant tout le salaire proposé…et ce qu’il lui restera à la fin du mois. C’est là où la stabilité financière du SFC, via celle de la Fondation Wilsdorf, est un avantage non négligeable pour le joueur recherché.

    Le sujet de l’article est très intéressant et soulève donc pas mal de questions de fond, notamment s’agissant de l’attractivité-même du SFC. Pour en avoir parlé avec le Président Besnard, elle serait en hausse auprès des joueurs et des agents.

    A voir si cela pourra se concrétiser avec Numa Lavanchy, tant il serait le transfert parfait. Car le SFC ne sort quasi jamais vainqueur quand il a un adversaire pour recruter un joueur.

    L’argent reste donc le nerf de la guerre. A condition de savoir en faire un bon usage…

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    1. Salut Julian
      Merci. L’article est déjà assez long je crois. Et le but était de parler budget. J’ai donc essayé de donner des pistes de lecture, et la possibilité d’approfondir pour ceux qui le souhaitent.

      Je n’ai pas pu aller aussi loin que je voulais, tant les inconnues sont nombreuses. Le coût du stade et des infrastructures est un point crucial. Nous avons globalement une infrastructure pourrie… qui ne nous coûte probablement pas grand chose. On ne sait pas qui est inclus dans les salaires. Si certains font appel à des externes pour certains travaux, cela finit dans Autres charges. Par exemple.

      Le coût de la vie pèse sur l’administration essentiellement. je doute que cela impacte les salaires des joueurs.

      L’attractivité de la région, c’est relatif. Le principal attrait, c’est l’argent. Mais là, on entre dans un autre débat.

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      1. Oui, le débat est vaste ! Mais très intéressant !
        PS : Je suis le Prince Igor, pas Julian 😜

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  2. Merci NF. Énorme travail très instructif. Prince Igor soulève peut-être des points très importants mais quand le club se dit pauvre il veut parler des salaires proposés et pas du coût de la vie ou des impôts. Mais cela compte dans le choix des joueurs.

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  3. Très intéressant merci. Chapeau à Lugano qui avec le plus petit budget réussi une saison extraordinaire, dommage que leur jeu ne soit pas à la hauteur

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  4. Super article, merci NF pour avoir compilé toutes ces informations qui nous permette d’y vois plus clair sur les finances des club de la SFL.

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  5. Les salaires des joueurs sont très confortables… surtout pour nos jeunes qui n’ont absolument aucune raison de se plaindre. Quand je vois la production sur le terrain, c’est honteux.
    Sinon le salaire de Lavanchy ne devrait pas être un soucis quand nous avons des chèvres scandaleusement payés (autant… voir plus).

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    1. Il ne faut pas oublier que c’est le salaire sur 10 ou 15 ans et pendant ce temps là ils n’étudient pas ou n’exercent pas un métier. Si on divise le salaire alors ce n’est pas tant que cela

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  6. A part ça je me demande comment fait Bale pour avoir sa licence avec un tel déficit? Au début je me suis dit que Bâle pouvais s’appuyer sur une équipe avec une grande valeur financière, mais en fait pas vraiment si la valeur de l’équipe de Bâle elle est élevée sur transfermarckt 60mio il faut prendre en compte tous les joueur en prêt (qui finalement coute de l’argent au club en salaire mais n’en rapporteront pas en transfert) on se rend compte que Bâle à un des contingent qui à le moins de valeur du championnat avec 16mio pas de quoi renflouer les caisse du club en vendant des joueurs. Donc soit Bâle je ne comprend pas grand chose, soit Bale va bientôt chuter de son pied d’estale.

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    1. Après tu peux prêter un joueur et que le club qui accueille le joueur paye le salaire ou une partie ce qui réduit la masse salariale si tu prêtes un joueur

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    2. La ligue publie les comptes statutaires. Pas les comptes économiques. De plus, ils ont encore 30 millions de réserves. Je pense que cela joue un rôle.

      Lugano c’est pareil. Pire même.

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  7. Nickel l’article ! merci d’avoir consacré du temps à le pondre et ça met bien des choses en perspective. Le truc qui m’a d’ailleurs le plus étonné, c’est la répartition du LS, 18,9 mio dont à peine la moitié concerne la masse salariale. Sinon, ça confirme aussi que chez nous, on semble guère avoir perdu l’habitude d’entretenir une armée de Mexicains, depuis la présidence Quennec, même si la baisse de budget de cette saison, semble provenir en particulier des postes administratifs.

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  8. Merci NF. Excellent article très intéressant sur des aspects que nous ne connaissons pas vraiment et nous éclairent sur la situation financière entre les clubs. Il est en effet compliqué de détailler lorsque des comptes viennent à manquer.
    L’attractivité est un aspect complexe.
    Je pense toutefois que nous ne sommes à la base pas les champions du business en Suisse en matière de transferts notamment, vu le nombre de joueurs partis gratos.

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  9. Parlons salaire , je me demande bien les salaires de tout notre staff ? Senderos , Pizzinat et consorts au bord du terrain et en tribune..
    Quand on voit les joueurs que nos recruteurs ne voient même pas dans notre championnat,
    C’est hallucinant d’être payés pour si peu de clairvoyance. Je pense qu’ils ne regardent pas les matchs de Super league et de Challenge league.
    Ont-ils au moins regardé ce club d’Union St.Gilloise en Belgique qui va chercher des joueurs dans les petites divisions et qui les font briller par la suite. Ils ont même piqué Puertas au Ls c’est dire!
    Je pense qu’il y aurait pas mal à dire sur la gestion de nos joueurs et de notre staff question salaires.
    Si au moins on avait des résultats. Je lis que Lavanchy irait à Sion, moi ça me fout les boules ! Personne ne voit ce qu’il vaut comme joueur .
    Coup de gueule désolé mais j’en ai besoin!

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    1. Lavanchy à Genève est certainement du possible. Sion n’était pas vraiment le rêve pour tous ceux qui ont rejoint le club.
      Par contre, je me demande comment St-Gall a réussi à se faire prêter autant de joueur (Jankewitz, von Moos, Lungoniy, Toma et j’en oublie peut-être). On arrive pas proposer à des grands clubs, des partenariats pour leurs joueurs assis tranquillement sur le banc des remplaçants ?

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      1. A 28 ans, il risque de privilégier la meilleure offre, ce qui est logique, et peut de chance qu’on soit devant à ce niveau-là.

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  10. Ouaip merci pour l’invite, volontiers d’autant que j’habite Givrins
    Salutations et allez les Grenat pour le dernier match à domicile

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    1. Aaah serait ce toi que je croise parfois, à la Scie ? Je suis aussi à Givrins, côté Pont de Terre. (Si tu es celle que je pense, mon épouse et moi passons parfois par chez toi avec une petite fille et un berger suisse)

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  11. Merci pour ce super travail d analyse!
    Ça me laisse très songeur sur le salaire de nos joueurs venant de France du coup… car si on arrive à rivaliser niveau salaire, pourquoi on ne se concentre pas sur un recrutement en Suisse? Certes nos recrues sont en général « gratuites » car en fin de contrat mais il y a énormément de joueurs qui viennent de challenge league et qui percent en super league. J aime bien ardaiz par exemple, j aimais bien abubakar et surtout ceesay. Bref, à méditer

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  12. Avec un peu de retard, merci à NF pour cet article très intéressant, vraiment pas simple de s’y retrouver dans ces comptes, surtout qu’il manque des infos essentielles pour vraiment y voir clair.
    En tout cas, c’est dans la rubrique séparée des frais et revenus liés aux transferts de joueurs que le Servette doit maintenant investir, on ne peut vraiment plus se contenter de miser sur la chance de trouver des pépites, surtout en France où tous les joueurs sont statistiquement scrutés.
    Il faut faire comme Gigi Oeri à l’époque pour le FC Bâle, c’est elle qui a donné l’impulsion de base pour lancer le club sur la série qu’on connaît.

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